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El Fardou Ben Mohamed : « J’ai peur que le bilan humain à Mayotte soit très lourd »
Un cyclone baptisé Chido et d’une incroyable violence a frappé Mayotte le 15 décembre, sans que le bilan humain, qui s’annonce très lourd, ne soit encore connu. Les dégâts matériels sont considérables. Depuis la Serbie, El Fardou Ben Mohamed (35 ans), l’international comorien né à Mayotte et évoluant au Željezničar Pancevo, tente d’obtenir des nouvelles de ses proches et d’apporter de l’aide à l’île, avec d’autres joueurs.
Avez-vous eu des nouvelles rassurantes de vos proches qui vivent à Mayotte ?
Oui. Et je suis rassuré, car 90% de ma famille y réside. Tout le monde va bien. Il n’y a aucune victime, et c’est le principal. Il y a des dégâts matériels plus ou moins importants, mais tout le monde est en vie. J’ai mis parfois près de 48 heures à avoir des nouvelles de mes proches. C’était très angoissant. Mais je connais des personnes qui vivent en métropole et qui attendent toujours d’avoir des nouvelles de certains membres de leur famille.
Le cyclone qui a frappé Mayotte, mais également les Comores et le Mozambique, a fait beaucoup de victimes. Le préfet envisage un bilan lourd. Est-ce aussi votre crainte ?
Malheureusement, oui. Officiellement, il y a une trentaine de morts et plus de 1300 blessés, mais il y aura beaucoup plus de victimes. J’ai peur qu’il y ait plus d’un millier de morts, que le bilan soit très lourd. Des gens cherchent encore des disparus. Il y a des zones où les secours ont du mal à accéder. Le bilan est déjà lourd, et il le sera encore plus, car beaucoup d’habitations ne sont pas en dur. Il y a des bidonvilles, notamment à Mamoudzou, et je pense que c’est là qu’il y a le plus de victimes. Et même dans certaines maisons en dur, les toits sont en tôle. Franchement, je m’attends au pire. Dans ces bidonvilles vivent beaucoup d’étrangers en situation irrégulière, dont une majorité de Comoriens. Et avant l’arrivée du cyclone, beaucoup n’ont pas voulu rejoindre les centres d’hébergement, sans doute par crainte d’être ensuite expulsés vers leur pays d’origine.
🔴 #Mayotte : au coeur d’un village coupé du monde, où personne n’est jamais allé et où une famille enterre des morts qui ne sont pas comptabilisés. #JT20h pic.twitter.com/ZmJIebKYSn
— Le20h-France Télévisions (@le20hfrancetele) December 18, 2024
Vos proches vous ont-ils raconté ces longues minutes qui ont dévasté l’île où vous êtes né ?
C’était traumatisant. Il y a eu de premières fortes pluies, qui ont duré quelques minutes, et ça s’est un peu calmé. Mais après, ça a repris et ce fut terrible. Le vent qui souffle à plus de 230 km/h, la pluie, les tôles qui volent, les arbres arrachés… Ils étaient prévenus de l’arrivée du cyclone. Mais on ne peut pas être préparé à ça. L’île est complètement dévastée, je dirais à 90%. Il y a des endroits où il n’y a plus d’eau, plus d’électricité, très peu d’essence, peu d’endroits où acheter à manger. Il y a une situation d’urgence absolue pour venir en aide aux victimes, pour dégager les routes qui sont coupées, pour rétablir l’eau, l’électricité. Déjà qu’avant ce cyclone, il y avait de gros problèmes… Il faut tout reconstruire, ou presque…
Emmanuel Macron, le chef de l’État, est arrivé à Mayotte ce jeudi (l’interview a été réalisée jeudi matin, NDLR). Cette visite est-elle importante à vos yeux ?
Bien sûr. C’est bien que le président de la République soit venu, mais il faut que derrière, les actes suivent. Car on sait tous qu’il y aura d’autres cyclones. Demain, dans un an, dans dix ans. Et il faut donc s’y préparer le mieux possible, pour éviter de revivre le même drame que dimanche. J’aime bien prendre en exemple ce que font des pays qui subissent des catastrophes naturelles. Prenez le cas du Japon : c’est un pays qui a connu plusieurs tremblements de terre. Il s’est donc adapté, au niveau de ses constructions par exemple. À Mayotte, on a aussi vu des hôpitaux très endommagés, alors qu’il y a des gens qui ont besoin d’être soignés après le passage du cyclone. Avec ce drame, on doit faire en sorte que l’île soit mieux préparée pour la suite.
Envisagez-vous d’apporter votre aide à la population mahoraise ?
Absolument. Avec les autres internationaux comoriens, qu’ils soient originaires de Mayotte ou non, nous voulons agir. Le problème, c’est de savoir comment. Nous sommes tous loin de Mayotte. Certains sont en France, moi je suis en Serbie, d’autres sont en Belgique, en Arabie saoudite, en Belgique, aux Pays-Bas. On peut envoyer des containers, mais il y a une situation d’urgence, et l’aide doit arriver très vite. Il faudrait donc faire partir ces containers depuis la Réunion, mais à distance, ce n’est pas simple. On peut aussi envoyer de l’argent. Bref, nous réfléchissons à tout ça, pour agir le plus vite possible, en fonction de ce que nous pouvons faire au niveau logistique. On peut agir en complément de ce que font l’État français et les associations, qui savent comment s’organiser. Mais les joueurs vont faire quelque chose, c’est sûr…
Propos recueillis par Alexis Billebault