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Eidur Gudjohnsen, plus qu’une mascotte

Par Alexandre Doskov
Eidur Gudjohnsen, plus qu’une mascotte

Il a longtemps été le seul joueur islandais connu hors de chez lui, et à avoir joué dans de très grands clubs européens. Puis il a vieilli, et la montée en puissance des Islandais l'a rendu dispensable. Mais après avoir été la tête d'affiche de sa sélection pendant deux décennies, Eidur ne pouvait pas s'en aller sans s'offrir un jubilé à l'Euro. Un retour en sélection in extremis, pour lequel il a dû faire preuve d'abnégation.

Si on avait dit aux Islandais il y a dix ans qu’un jour ils utiliseraient Eiður Guðjohnsen comme remplaçant de luxe lors de la phase finale d’un Euro… En ce temps-là, l’attaquant est la seule figure mondialement connue du football islandais. La première, même. Lors de cet été, exactement une décennie avant l’Euro 2016, Eiður Guðjohnsen quittait Chelsea après six saisons, 78 buts et deux titres, pour rejoindre le FC Barcelone où il remportera une Liga et une Ligue des champions. Un destin aussi doré en club que triste en sélection, car jouer pour l’équipe d’Islande à cette époque, c’est enchaîner les petites performances et regarder les grandes compétitions à la télévision.

Je me suis dit que ces gars allaient aller à l’Euro, et que j’allais rater ça. Alors je me suis focalisé là-dessus.

Les « Strákarnir okkar » , Guðjohnsen pensait même leur avoir dit adieu en 2013, après une qualification pour la Coupe du monde ratée au tout dernier moment et une défaite en barrage face à la Croatie. Eiður a alors 35 ans, quitte le terrain en larmes, et annonce sa retraite internationale. Un au revoir après vingt ans d’un parcours sous les couleurs islandaises démarré le 24 avril 1996, lorsqu’il entre dans l’histoire en remplaçant son propre père à la 70e minute d’un match amical face à l’Estonie. Alors, quand il a vu le parcours exceptionnel qu’était en train de réaliser l’Islande en éliminatoires de l’Euro 2016, Eiður Guðjohnsen a voulu son ticket pour le spectacle. « Je me suis dit que ces gars allaient aller à l’Euro, et que j’allais rater ça. Alors je me suis focalisé là-dessus » , cite le Dailymail. L’opération « come back » était lancée.

L’exil presque fatal en Chine

C’est que les Islandais ont lancé leur campagne de qualification sur les chapeaux de roues, avec trois victoires en trois matchs, en s’envoyant des succès face à la Turquie et aux Pays-Bas. Guðjohnsen retrouve une place en sélection dès la 5e journée, et ouvre même le score face au Kazakhstan. Le souci, c’est que pendant que les Islandais continuent de monter en puissance et s’installent à la tête de leur groupe, Guðjohnsen s’enterre un peu n’importe où. À l’été 2015, après une saison correcte à Bolton, il s’envole pour Shijiazhuang en Chine, tout sauf un bon plan pour garder sa place en sélection.

L’aventure ne dure que six mois, moins de six matchs, et deux petits buts, avant que son contrat ne se termine et que Guðjohnsen ne se reprenne en main.

S’il n’avait pas trouvé un club, il n’aurait pas été choisi.

« Il fallait que je trouve un club où j’étais sûr de jouer assez, et près de la maison, pour que les coachs de l’équipe nationale puissent me voir. » Près des yeux, près du cœur. Ça sera donc le club norvégien de Molde, où il signe en février dernier. Son quinzième club, où il est entraîné par une autre légende du Nord, Ole Gunnar Solskjær. La greffe prend, le joueur retrouve un mode de vie scandinave, et est heureux de pouvoir « se concentrer purement sur le football à l’approche de l’Euro » . Quelques mois après ce transfert, le sélectionneur Lars Lagerbäck confirmait que la participation de Guðjohnsen à l’Euro était tout sauf assurée : « S’il n’avait pas trouvé un club, il n’aurait pas été choisi. »

Le nouveau Eiður

Aucun joueur, quel que soit son âge, n’aime être sur le banc, mais je suis à fond dans le rôle qu’on m’a donné.

Lorsque sa place est confirmée parmi les 23 sélectionnés pour l’Euro, le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe d’Islande n’a pourtant que sept matchs et deux buts dans les jambes avec son nouveau club. Mais sa capacité à accepter un rôle de doublure a fini par convaincre les sélectionneurs : « Il a souvent commencé les qualifications de l’Euro sur le banc, mais il était fantastique et son soutien était incroyable. Sur le terrain, il est encore capable de choses magiques » , ajoutait Lagerbäck. Guðjohnsen, lui, ne cachait pas son soulagement : « Je suis ravi. Vingt ans après mon premier match en sélection, c’est la cerise sur le gâteau. » Sa présence nécessite quelques sacrifices, comme un repositionnement au milieu de terrain, et surtout des séjours prolongés sur le banc. « Aucun joueur, quel que soit son âge, n’aime être sur le banc, mais je suis à fond dans le rôle qu’on m’a donné » , confie-t-il.

Ce rôle de pilier du vestiaire, il l’assume après la qualification en huitième de finale quand il prend la parole devant ses coéquipiers pour calmer leurs ardeurs et leur assurer qu’ils peuvent encore aller plus loin. Pour l’instant, son Euro se limite à une entrée à la 84e minute face à la Hongrie, mais celui qui reste l’idole de ses propres coéquipiers ne se plaint pas, tout en jurant n’être « pas effrayé » par la retraite qui se profile, et qu’il n’a toujours pas annoncée. De toute manière, son fils aîné est attaquant des U19 islandais, et ses deux autres garçons jouent en pointe à l’Espanyol Barcelone pour celui de 14 ans, et au Barça pour le petit de 10 ans. On n’a pas fini d’entendre parler des Guðjohnsen.

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