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Effenberg, un tigre perdu en Italie
Pendant deux saisons, comme de nombreux talents allemands au début des années 90, Stefan Effenberg est parti rejoindre le championnat italien. Mais pour lui, la virée n'a pas été synonyme d'une douce et paisible vie. Elle ne pouvait l'être pour un joueur de sa trempe. En deux ans, Effenberg aura presque tout vu, entre histoires de coucherie, Mercedes neuve, relégation et joueurs de classe. Retour sur le voyage en Italie du « tigre ».
Stefan Effenberg n’était pas du genre à laisser les autres indifférents. Rugueux, hargneux, coriace, véritable roquet sur le terrain et en dehors, il avait une certaine tendance à s’embrouiller avec tout le monde. Alors en 1992, le Bayern commence à en avoir assez de ce jeune joueur de vingt-quatre ans ingérable, qui ne s’entend plus avec ses dirigeants, ses entraîneurs ou la presse locale, et qui provoque des saisons de misère. Le Bayern vient de terminer 10e de Bundesliga et a perdu au premier tour de Pokal contre le modeste Homburg. Alors, quand la Fiorentina propose de l’acheter, les bagages sont rapidement bouclés. Avec 5,6 milliards de lires et la promesse d’un brassard de capitaine, l’affaire est réglée. Effenberg s’octroie un rêve italien aux côtés de son pote Brian Laudrup, en provenance lui aussi de Munich. Les deux doivent rouler sur le meilleur championnat de l’époque et offrir des rêves d’Europe aux Violets. Dix mois plus tard, il s’agira déjà de sauver les meubles et les amitiés… C’était le Sud. Ça n’a pas duré longtemps. Le Tigre n’aurait pas pu y vivre plus d’un million d’années.
Embrouilles sur embrouilles
Quelques semaines avant les débuts sous les couleurs de la Fio, un premier présage indique que rien ne pourra se passer comme prévu en Italie. L’Allemagne vient de perdre la finale de l’Euro 92 à la surprise générale contre l’invité de dernière minute, le Danemark dynamiteur de Brian Laudrup. « Effe » est-il jaloux de son coéquipier ? En tout cas, lorsqu’il est absent, le Tigre s’arrange pour jouer de sales coups à Laudrup, comme il le raconte dix ans plus tard dans ses mémoires. « Il venait de s’acheter une nouvelle voiture, une Mercedes SL. » Il emprunte donc le nouveau jouet en négociant les clés avec le voiturier de l’hôtel. « Elle avait peut-être cent kilomètres de plus au compteur… » Au retour de Laudrup, Effe l’annonce à son pote, comme si de rien n’était. « Il flippe complet.[…]J’étais estomaqué.[…]Peut-être que les Danois ne pensent pas comme nous. » Les deux ne s’entendent plus comme avant, la rupture est consommée et l’année démarre sous de mauvais auspices, en plus d’un maillot extérieur qui fait scandale pour des choix géométriques douteux. Si la Fiorentina commence la saison correctement sur le terrain, le ton change à partir de la mort du propriétaire Mario Cecchi Gori, en novembre. Son fils, Vittorio Cecchi Gori, le remplace et veut faire les choses à sa manière au plus vite. Dans son viseur : le coach Gigi Radice, qu’il n’aime pas. Selon Effenberg, tout cela relève surtout d’une histoire de mœurs. « Gigi Radice devait partir parce que son fils avait eu une liaison avec la fille du président tout-puissant du club.[…]C’était quelque chose, elle, avec des seins comme des melons. » Ce qui n’excuse rien dans la tête du nouvel homme fort. Alors, après une piteuse défaite 1-0 contre l’Atalanta en janvier, l’inéluctable arrive : Radice est viré sans ménagement.
Relégation, remontée facile et tour à vélo
C’est le début de la catastrophe. En quinze matchs avec Aldo Agroppi, les Violets ne gagnent que deux fois. La Fio est seizième, change encore de staff, mais reste coincée dans la zone rouge. Elle descend finalement pour la première fois depuis plus de cinquante ans au terme d’une dernière journée étrange. Pourtant, toute l’équipe reste en Serie B, renforcée par un jeune Francesco Toldo dans les cages et Claudio Ranieri sur le banc. Avec Bastistuta et Baiano en pointe, la remontée est vite acquise. Les stats du Tigre sont honnêtes, son entente avec le buteur argentin fait des merveilles et tous deux partent de leur côté au Mondial 1994, malgré cette saison à l’échelon inférieur. Tout va soudainement mieux. Mais Effe ne sait pas se tenir. Pendant la World Cup, Berti Vogts le remplace alors que l’Allemagne mène 1-0 contre la Corée du Sud. Sa prestation n’est pas encourageante. Les supporters allemands le font savoir et Stefan répond d’un doigt d’honneur franc et direct. Ni une ni deux, Berti Vogts renvoie son meneur de jeu au pays. La Fiorentina craque comme le Bayern deux ans plus tôt. Il est temps de partir. Deux clubs sont alors sur le coup : le Werder d’Otto Rehhagel et le Borussia Mönchengladbach, son premier club professionnel. La balance affective penche en faveur du second. Ingo Schiller, alors en charge du marketing pour les Poulains, se souvient même qu’Effenberg « avait dit autrefois qu’il reviendrait à vélo s’il le fallait » . Il ne fera finalement que quelques mètres, entre son hôtel et la boutique du club. Suffisant pour laisser l’épisode bien médiocre de l’Italie derrière lui, sans franchement avoir vu le soleil.
Par Côme Tessier