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Edy Reja, doyen d’Europe
L'entraîneur de l'Atalanta fête aujourd'hui ses 70 ans, ce qui fait de lui le plus ancien coach dans les cinq championnats majeurs. Joli cap de passé, mais la retraite peut encore attendre.
Le record d’Ivor Powell, un coach gallois actif jusqu’à 90 ans passés avec l’équipe de Team Bath, n’a rien à craindre. Toutefois, Edoardo Reja vient d’entrer dans le cercle très fermé des entraîneurs septuagénaires. C’est bien simple, dans la grande Europe, il est le seul. Jusqu’à il y a quelques semaines, il était talonné par Dick Advocaat, de deux ans son cadet, mais celui-ci a jeté l’éponge à Sunderland. Son dauphin se nomme désormais Giampiero Ventura et exerce avec brio du côté du Torino. Deux papys tranquillement calés dans la première partie de tableau de la Serie A, vêtus de leur chandail et leur pantalon en velours.
L’héritage slave
Été 1978, « Edy » a 33 ans et vient de mettre un terme à une honnête carrière de joueur débutée contre l’avis de son père, comme il le raconte dans une interview au Corriere della Sera : « Il était producteur de vin, j’étais son seul gosse, il voulait que je reprenne la boîte. Pour signer à la SPAL, j’ai dû falsifier sa signature. » Ferrare, il y revient pour ouvrir un magasin et lancer une marque de crampons à son nom. Quand sa femme Livia le voit tenter de se rendre utile dans la boutique, elle lui suggère de rester dans le monde du foot. Ça tombe bien, Molinella, son dernier club, a mal démarré son championnat, et le président fait appel à lui pour tenter de redresser la barre. C’est dans ce bourg de 15 000 habitants aux alentours de Bologne que tout avait pris fin et que tout recommença. Joueur, Reja occupait ce fameux poste de milieu de terrain, duquel naissent quelques-uns parmi les plus grands entraîneurs, comme son ami Fabio Capello en compagnie de qui il a quitté très jeune le Frioul pour aller à la SPAL. Molinella ne se sauvera pas, mais Edy a trouvé sa vocation et s’y lance tête baissée.
Dès la saison suivante, il découvre le football professionnel du côté de Monselice et ne le quittera plus. 35 années d’activité avec très peu de pauses, tout juste deux ans dans les équipes de jeunes à Pescara à la fin des années 80 et une année sabbatique entre ses deux passages à la Lazio. L’Italie est traversée de long en large avec un détour par Split : « Me déplacer autant m’a permis de me confronter aux particularités de chaque région. Ma mère était slovène. Nous, les Slaves, avons une capacité d’adaptation extraordinaire. Et toute référence à certains présidents pas faciles à fréquenter est absolument voulue. » Les présidents en question ? Aurelio De Laurentiis au Napoli, club qu’il a ramené de la Serie C1 à l’Europe en trois ans, et Claudio Lotito à la Lazio, où il a manqué d’un rien deux qualifs en Ligue des champions. Le zénith d’une carrière partie des tréfonds du Calcio.
Liedholm dans le viseur
Le chiffre des 1000 matchs pros arrive à grands pas, ce qui fait un paquet de joueurs croisés tout au long de ces années : « Après avoir entraîné plus de 20 équipes, je reçois des SMS de la part de tout le monde, même de ceux que je n’ai pas fait jouer. Au nez et à la barbe du changement culturel du foot italien qui repose désormais beaucoup plus sur l’apparence et qui a mis de côté le relationnel pour se réduire à l’aspect purement tactique. Moi, mon message est passé. » Pas de solutions miracles, de marque de fabrique, de coups tactiques légendaires, juste un rapport direct avec les joueurs et les dirigeants à qui il déteste raconter des sornettes. Une relation saine et sans ambiguïté : « Quand un joueur me félicite pour l’entraînement qu’on vient de faire, je me sens encore vivant. » Et son équipe l’est plus que jamais. Pourtant vouée à jouer le maintien de la 1re à la 38e journée, l’Atalanta s’est temporairement extirpée de cette course épuisante. 11 points en 7 matchs et deux revers chez la Fiorentina et l’Inter, soit les deux premiers du championnat.
À 70 ans bien sonnés et très bien portés, Reja a ainsi effacé des tablettes Carletto Mazzone qui a exercé jusqu’à l’âge de 69 ans. Ne reste devant lui que le mythique Nils Liedholm, venu faire une dernière pige à 74 ans sur le banc de sa Roma en 1997. Quatre ans, c’est long, mais le retour à la base n’est pas encore programmé : « Je suis très attaché à ma terre faite de mer et de collines. J’ai restructuré la vieille maison de famille de Lucinico. Un jour, j’y retournerai vivre. Quand ? C’est le problème, je crains ne jamais devoir comprendre quand ce sera le moment de s’arrêter. » Le Frioul l’attend depuis un demi-siècle, il peut bien patienter encore un peu.
Par Valentin Pauluzzi