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Eduardo Rihan Cypel : « Sócrates, c’est le Duke Ellington du football »

Propos recueillis par Paul Arrivé et Morgan Henry
Eduardo Rihan Cypel : « Sócrates, c’est le Duke Ellington du football »

Eduardo Rihan Cypel est français, brésilien et député de la 8e circonscription de Seine-et-Marne. Passionné de ballon rond comme tout Brésilien qui se respecte, il vient de mettre en place l'équipe de France de football des députés dont il vient d'être nommé capitaine. À 38 ans, le futur papa reçoit dans les salons de l'Assemblée nationale et nous parle, entre deux gorgées d'expresso, de ce qui l'a toujours animé dans la vie : le football.

Vous êtes né à Porto Alegre, de deux parents brésiliens ?

Je suis né le 13 novembre 1975 à Porto Alegre, au Brésil donc. Mon père a immédiatement fait de moi un supporter de l’Internacional de Porto Alegre alors que ma mère était supportrice du Grêmio. Il a donc fallu qu’il agisse vite. Il m’amenait au stade. J’ai toujours ma carte de jeune adhérent au club d’ailleurs. Mes deux parents sont donc nés à Porto Alegre. J’ai vécu au Brésil jusqu’à l’âge de dix ans, dix mois et dix jours, et suis arrivé en France en septembre 1986, à Créteil.

Vous avez donc eu une éducation basée sur le football.

Où il fait partie de la vie quotidienne plutôt. C’est une dimension essentielle chez un gamin et même ses parents. Qui plus est dans une ville coupée en deux, entre supporters de l’Internacional et du Grêmio. Quand on rencontre quelqu’un à Porto Alegre, c’est quasiment la première question qu’on pose : « T’es Grêmio ou t’es Colorado ? »

Au Brésil, le foot est un passage obligatoire ?

Tel qu’on le vit, tel que je l’ai vécu, la question ne se pose même pas. Le football est une évidence. On naît dedans. J’ai dû apprendre à toucher la balle avant même de savoir marcher. Je n’ai pas de souvenirs sans une balle de foot à côté. Au moment de partir en France – j’étais en CM2 – mes potes de classe m’ont fait une surprise et sont venus à l’aéroport pour me donner un ballon. À l’école, c’était match de foot à toutes les récrés. C’est quelque chose qui est évident pour 99% des gamins au Brésil. Une des premières bagarres à la naissance d’un gamin dans une famille, c’est de savoir qui va lui offrir son premier pyjama aux couleurs du club.

Vous allez au stade aujourd’hui encore ?

J’y vais, mais j’ai moins le temps. J’ai joué à une époque qui était peut-être la plus belle. Il y avait encore ce football un peu authentique, ce football de mauvais garçon où les gars jouaient avec les chaussettes baissées. Il y avait de la classe, du jeu et pas uniquement un système défensif extrêmement tactique. J’ai vécu la dernière période avec Zico, Falcão, Sócrates au stade, au début des années 80. Le grand Falcão de la sélection de 82 et de 86, je l’ai vu évoluer !
Le premier contact avec les Français, c’était le foot

Vous commencez donc le foot en club à cinq ans. Vous y jouez au Brésil jusqu’à dix. Et après, vous arrivez en France…

On arrive à Créteil et on habitait dans un quartier avec des grandes tours qui formaient un cercle. Il y avait une place où les gamins jouaient au foot, au skate, et j’ai dû mettre 24 heures avant de descendre. C’était un endroit inconnu, un pays inconnu. La première chose que j’ai faite en descendant, ça a été de prendre ma balle avec moi. Le premier contact avec les Français, c’était le foot. Aujourd’hui, vous allez dans n’importe quel coin du monde, de la Mongolie à la Sibérie, vous prenez un ballon rond et tout se passera très bien. Le football est un langage universel. Et je fais partie de ces amoureux qui préfèrent la belle passe au plus beau des buts.

Vous faites tout votre cursus en France et vous finissez par être naturalisé en 1998, post-Coupe du monde, donc.

On était en France depuis un certain nombre d’années, notre vie était ici. Ça a été un choix mûrement réfléchi par mes parents et par moi-même. J’étais à peine majeur et à ce moment, on a fait le choix d’y aller. C’était fin 1996 et le temps que la réponse arrive, ça s’est passé fin 1998. On a pris les décrets et on est allé faire nos premiers passeports, en décembre 1998. Au bout d’un moment, j’ai dit aux gens : « Arrêtez de me saouler, moi aussi j’ai mes papiers. Je peux revendiquer le titre de 1998. »

Et vous avez amené le foot à l’Assemblée nationale…

Je ne suis pas le seul, mais j’étais à l’initiative. Avec Régis Juanico, qui est député de Saint-Étienne et fervent supporters des Verts, on n’arrêtait pas d’en parler. On était quelques-uns à être amoureux de foot, mais je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas d’équipe structurée. On en a discuté avec le président de l’Assemblée nationale qui s’est proposé de contacter la FFF. On s’est dit que, comme c’était la Coupe du monde, il fallait monter une équipe de France des députés. À force d’en parler, on l’a fait et on en est heureux aujourd’hui. On m’a dit que je serai le capitaine de l’équipe et figurez-vous que nous sommes aujourd’hui la 17e équipe de France officielle, au même titre que les Bleus ou les Bleuets.

Vous jouerez votre premier match contre le Variété Club de France. Et après ?

Oui, on joue le Variété le 10 septembre, on va faire un beau truc. Jacques Vendroux s’occupe de nous trouver un endroit « mythique » … Ensuite, l’idée est de faire vivre cette équipe de France dans la durée et de la structurer. Ce serait génial de se caler sur le calendrier de l’équipe de France. Après, il faudra jouer avec d’autres équipes de parlementaires à travers le monde. Claude Bartolone parlait de l’équipe du parlement britannique par exemple. Et puisque c’est la Coupe du monde, pourquoi pas celle des parlementaires brésiliens ? Là, je lance un défi à mon collègue Romário : à lui de monter une équipe de députés brésiliens.
Et je n’ai pas encore vu en équipe de France un tacle de Luc Châtel contre un député socialiste

Il y a des gens de divers bords politiques dans cette équipe. Il n’y a pas trop de tensions en interne ?

Nous sommes des députés de la France avant tout. Et quand on porte ensemble le maillot de la France, il rassemble au-delà de tous les clivages politiques et donc on laisse les munitions au vestiaire. Derrière le ballon, tout le monde se rassemble. Et je n’ai pas encore vu en équipe de France un tacle de Luc Châtel contre un député socialiste (rires). C’est d’abord une occasion de jouer au foot, de taper le ballon dans un esprit sympa. Et ça donne une bonne image ! Pour une fois que des députés apparaissent comme des gens normaux, c’est pas mal…

Et vous êtes entraînés par Guy Roux. Est-il toujours aussi radin ?

Oui, c’est le coach, et il est toujours en forme. Il est génial, c’est un vrai amoureux, un passionné. Il n’est pas radin, il est économe ! À l’époque, il n’avait pas le sou, il était obligé de compter, d’organiser et puis, d’un tout petit club, il en a fait un grand. Il a toujours été associé au Variété Club de France, c’est lui qui entraînait les équipes de parlementaires. Ces matchs existent depuis un moment, François Hollande a joué. Guy Roux a toujours été l’entraîneur. En fait, on a structuré quelque chose qui existait pour créer l’équipe de France des députés.

Guy Roux dit que vous auriez pu jouer en CFA ou National… Ça vous met la pression ?

(Rires) Ça met la pression grave ! Parce que je ne suis pas sûr d’avoir le niveau CFA ou National en septembre prochain, même si je m’y mets à fond pendant un mois.

Le groupe a un bon niveau ?

Il y a des gens qui jouent bien au ballon. La difficulté pour nous, c’est surtout de nous mettre en forme physique. François Baroin, j’ai joué avec lui, il a un bon toucher de balle, Razzy Hammadi aussi joue bien au football… Ce sont des joueurs, des amateurs de foot. Les autres, je ne les connais pas, mais on va les découvrir. Certains ont joué, comme Christophe Borgel, quand ils étaient plus jeunes. C’était Borgel « Trois Poumons » , on l’appelait comme ça.

Ce qu’il se passe au Brésil en ce moment, en marge de la compétition, ça vous touche forcément.

Je pense que la Coupe du monde va bien se passer, mais ça ne va pas empêcher les Brésiliens de dire ce qu’ils ont à dire de leurs affaires intérieures. Le Brésil d’aujourd’hui est une grande démocratie. Quand je l’ai quitté, il venait à peine de sortir d’une dictature militaire de plus de 20 ans. À l’époque, la gauche et l’extrême gauche voulaient que le Brésil perde la Coupe du monde pour que ça ne soit pas récupéré par la dictature militaire. Aujourd’hui, ça a changé. Vous avez la Coupe du monde et ce qu’il se passe sur le plan social. Mais il ne faut pas avoir d’inquiétude, ce sera une très belle compétition. Laissez l’arbitre siffler la première seconde du premier match du Brésil et le pays va juste s’arrêter. Il y aura peut-être des gens pour manifester, et c’est leur droit, mais le pays va s’arrêter.
Un France-Brésil au Maracaña, je serai partagé

Cette médiatisation a mis le doigt sur un Brésil qu’on connaissait moins, à l’opposé du Brésil samba et carnaval.

C’est le Brésil réel. Et c’est très bien ! Quand je suis arrivé en France, pour les gens, le Brésil c’était samba, football, string et jeunes filles sur les plages… Tous les stéréotypes d’un pays de fête. Aujourd’hui, on découvre un Brésil réel, celui du XXIe siècle avec toutes ses contradictions, ses forces, ses faiblesses, ses espérances. Mon Brésil à moi, c’est le Brésil réel !

Comment ça se fait qu’on découvre ce Brésil-là seulement aujourd’hui ?

Je pense que c’est venu petit à petit. L’élection de Lula a beaucoup changé les choses. Sócrates déjà. Lui, c’est le Duke Ellington du football, la classe absolue ! Par le foot, il milite pour la démocratie. Le poing levé de Sócrates (il lève le sien, ndlr), il n’y a pas de geste plus sublime dans le football. C’est le geste du vainqueur qui marque un but comme celui qui milite pour la démocratie contre la dictature. Et il gagne. C’était formidable. Jamais le règne du fric ne tuera l’authenticité du football. Le foot survivra à tous ceux qui voudront en faire un objet marchand.

Après tout ce que vous venez de dire, vous n’allez pas nous faire croire que vous allez supporter la France…

(Rires) Le député ne peut QUE soutenir l’équipe de France. Le cœur du gamin que j’ai été sera partagé. Je supporterai les deux équipes. Tout ce que je souhaite, c’est que la France ne rencontre pas tout de suite le Brésil parce qu’à chaque fois le Brésil a perdu. J’aimerais la plus belle des finales qu’on puisse imaginer. Un France-Brésil au Maracaña, je serai partagé !
Totò Schillaci, pour une nuit éternelle

Propos recueillis par Paul Arrivé et Morgan Henry

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