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Eduardo Camavinga de Rennes au Real Madrid : l’étoile fuyante
En rejoignant le Real Madrid, Eduardo Camavinga a donné un nouveau tournant à sa carrière. Dans l'un des plus grands clubs au monde, le milieu de terrain de 18 ans devra maintenant poursuivre son apprentissage aux côtés de quelques sommités du ballon rond. Une page qui se tourne pour l'international français après huit années passées au Stade rennais, où il laisse des beaux souvenirs et un peu de frustration.
C’était une soirée de décembre, au stade de la Licorne, à une époque où la Coupe de la Ligue n’était pas encore un simple souvenir. Une époque, aussi, où Eduardo Camavinga, tout juste âgé de 17 ans et naturalisé français, écumait depuis près de huit mois les pelouses de l’Hexagone avec l’étiquette de crack scotchée sur le front. Ce soir-là, le Stade rennais disputait son dernier match dans la compétition préférée de Frédéric Thiriez en s’inclinant 3-2 contre Amiens à la suite d’un bijou de Thomas Monconduit. Dans une dizaine d’années, Camavinga ne se souviendra probablement plus de cette rencontre, mais peut-être des mots prononcés par un Amiénois après le coup de sifflet final. « Un adversaire m’a dit : « Il faut qu’on échange nos maillots avant que tu ne partes au Real Madrid. » Mais je n’avais pas trop envie de plaisanter, on venait d’être éliminés, avait rejoué le milieu de terrain quelques semaines plus tard lors d’un entretien publié dans Ouest-France. Après, j’y ai repensé, j’en ai rigolé. Ce que je sais sur mon avenir, c’est que j’irai gratuitement à Fougères(le club de son enfance, NDLR) finir ma carrière. » Celle-ci ne fait pourtant que débuter, et moins de deux ans plus tard, les paroles du Picard resté anonyme s’avèrent être prémonitoires : ce mardi, Eduardo Camavinga a signé un contrat très longue durée, jusqu’en 2027, avec le Real Madrid, donnant ainsi un nouveau tournant à sa jeune carrière, et actant son entrée dans une autre dimension.
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— Eduardo Camavinga (@Camavinga) August 31, 2021
L’enfant de Rennes
Dans les dernières heures d’un mercato long et pesant pour le joueur comme pour son club, le deal tardif avec le Real Madrid arrange tout le monde : Rennes récupère une belle somme (30 millions d’euros, avec des bonus pouvant atteindre 10 à 15 millions d’euros) à un an de la fin de contrat de son poulain, qui n’avait pas l’intention de prolonger ; Camavinga débarque dans l’un des meilleurs clubs au monde après une année moyenne ; le Real Madrid prépare l’avenir en sécurisant le milieu de terrain prometteur pour les six prochaines années. C’est une page qui se tourne pour Rennes comme pour Camavinga, arrivé à l’âge de 10 ans au club breton où il n’aura cessé de gravir les échelons à une vitesse folle. Quoi que l’on en dise, l’enfant de Fougères aura marqué de son empreinte le SRFC. Son histoire ne peut pas se résumer à ses trente mois passés chez les professionnels. Il y a également eu les équipes de jeunes, sa formation, ses allers-retours entre Fougères et Rennes (une cinquantaine de kilomètres) et des personnes qui ont compté dans son évolution, du regretté Didier Le Bras à Mathieu Le Scornet (le fidèle adjoint de Julien Stéphan) qui l’avait repéré et ramené au Stade rennais en 2013. ( « Il fait partie de ma famille, je suis même allé à son mariage », racontait Camavinga à Ouest-France.)
Pour ceux qui l’avaient découvert à la Piverdière et tous les autres, il restera les souvenirs des glissades d’un adolescent de 16 ans sur la pelouse du stade Benito Villamarín devant 3000 supporters rennais en transe un soir de février et de succès européen contre le Betis (3-1), mais également de ses débuts fracassants chez les grands au printemps puis d’une prestation XXL contre le Paris Saint-Germain en août de la même année, où le minot avait rayonné au Roazhon Park. C’était le temps de l’insouciance, de l’innocence, prolongé pour quelques semaines au début de l’exercice 2020-2021 avec des apparitions bluffantes contre Lille et Montpellier et surtout les premiers pas en équipe de France, Camavinga devenant même le plus jeune buteur de l’histoire des Bleus depuis l’après-guerre en réalisant un geste plein d’audace contre l’Ukraine, au stade de France. Le début des problèmes. La suite de l’histoire a en effet été plus chaotique, entre son changement d’agent et son arrivée chez Stellar, la société de Jonathan Barnett, un papa de plus en plus gourmand et une prolongation de contrat devenue impossible avec Rennes. Avec comme conséquence un effacement sur le terrain et une saison « très moyenne », malgré la découverte pour lui et Rennes de la Ligue des champions. La preuve qu’à 18 ans, il n’est pas toujours simple de faire abstraction de son environnement et d’enchaîner les matchs au haut niveau (88 apparitions sous le maillot rennais en moins de deux ans et demi).
Le Real Madrid, une chance pour grandir
Au lendemain du départ de Camavinga, qui pourra conserver sa cote de popularité auprès du public rennais, Florian Maurice a répété que le joueur « ne souhaitait pas partir libre. Il va, pour moi, dans le meilleur club du monde. Il est récompensé, c’est un top mec. » Ils étaient quelques prétendants à garder un œil sur le milieu de terrain, les noms du Paris Saint-Germain, de Manchester United et de Chelsea revenant dans les gazettes ces derniers mois. Celui qui a rejoint les Espoirs de Sylvain Ripoll en début de semaine a finalement mis le cap au sud, vers l’Espagne, où il doit donner un nouveau tournant à sa carrière. Au même âge que Raphaël Varane dix ans plus tôt, avec cette différence que le Lensois comptait seulement une vingtaine de matchs en Ligue 1 quand Camavinga en compte cinquante de plus et même quelques apparitions dans les trois compétitions européennes de l’UEFA (oui, oui, même dans la petite dernière, la Ligue Europa Conférence).
Au Real Madrid, il s’agira pour le jeune milieu de se remettre la tête au foot pour relancer sa progression. Ce transfert n’implique pas de pression dans l’immédiat, c’est même une chance : « Cama » va pouvoir poursuivre son apprentissage sous les ordres de Carlo Ancelotti et aux côtés de Luka Modrić, Toni Kroos et Casemiro. Il pourrait même gratter plus de temps de jeu qu’on ne le pense dans un secteur vieillissant, où son principal concurrent devrait se nommer Federico Valverde. Avant de peser 360 matchs sous la liquette merengue, Varane avait dû gagner sa place et ramasser les conseils de Sergio Ramos, Pepe et compagnie. Camavinga n’est pas pressé, il a le temps, même si ce mot a tendance à effrayer dans le foot d’aujourd’hui. Le temps d’apprendre, de grandir, de perdre, de gagner et peut-être même de revenir à Fougères dans une quinzaine d’années. Comme promis.
Par Clément Gavard