Édouard aux pieds d’argent

L’histoire est connue sur les bords de la Garonne et a déjà été narrée mille fois : en février 2017, les deux potes Odsonne Édouard et Mathieu Cafaro, respectivement 19 et 20 piges à l’époque, se retrouvent dans une affaire de tir de projectile au airsoft sur un passant de 58 ans, dans le quartier du Busca au cœur de Toulouse. La suite n’est que flou et imbroglio, mais les conséquences sont considérables pour les deux trublions : Edouard et Cafaro ne reporteront plus jamais les couleurs du Téfécé, le second voyant même son bail rompu en avril. Coté justice, le buteur prendra plus tard quatre mois de prison avec sursis, en juin 2018. Deux carrières brisées sur l’autel de l’exemplarité ? Négatif. Nous sommes en avril 2019, et les deux amis ont tracé leur route avec un certain succès. Pendant que Cafaro rayonne dans l’entrejeu d’un Reims sixième de Ligue 1, Edouard pète la forme sur le front de l’attaque du Celtic.

Dix briques et un record

D’abord prêté par le PSG chez l’ogre écossais à l’été 2017, le petit Odsonne, s’il n’avait pas encore affiché des chiffres si remarquables lors de son premier exercice, avait pu faire valoir ses qualités de percussion et finisseur, s’acclimater au football de la Scottish Premiership et prouver qu’il pouvait se balader comme bon lui semble sur les pelouses du pays (avec onze pions disséminés ici et là, et notamment un triplé face à Motherwell en décembre), aux côtés de son aîné Moussa Dembélé. Suffisant, en tout cas, pour que le club au trèfle ne veuille plus le laisser partir et explose sa petite tirelire pour se l’offrir, malgré ses déboires judiciaires : une transaction à plus de 10 millions, tout de même, qui fait alors d’Edouard la recrue la plus onéreuse de la prestigieuse histoire des Bhoys.

Mis en confiance et dans les meilleures dispositions pour briller, il continue de répondre aux attentes cette saison. Devenu le seul leader d’une attaque amputée de son autre gâchette bleu-blanc-rouge partie passer un level à l’OL, Edouard a désormais un statut à assumer, et il l’a bien compris en haussant le ton niveau statistiques. Buteur dans toutes les compétitions exceptée la Coupe de la Ligue, le natif de Kourou (Guyane) est le grand bonhomme d’un Celtic FC qui devrait comme d’habitude tout rafler cette saison sur son territoire. Et s’il a connu un petit passage à vide en début d’année civile, il s’est bien rattrapé depuis en enchaînant les caramels.

Rangers, victimes préférentielles

S’il avait déjà marqué face au grand rival blue, avant ce dimanche, il n’avait pas encore marqué de son empreinte un Old Firm cette saison. Alors pour cette troisième confrontation depuis août, l’avant-centre avait des fourmis dans les jambes et a été grand. Intenable dès l’entame, très à l’aise et précieux dans son jeu de remise et d’élimination, il a d’abord profité d’une mise sur orbite parfaite de James Forrest pour fixer l’arrière-garde adverse, crocheter Joe Worrall et ajuster Allan McGregor du gauche tout en sang-froid : sa quatrième réalisation dans le derby, son 19^e but de la saison, le 14^e en championnat. Puis à la 86^e, à l’affût et trouvé aux 20 mètres sur une perte de balle des Rangers dans leur camp, il a très intelligemment temporisé en attendant James Forrest pour lui rendre la pareille en lui offrant le but de la gagne. Une nouvelle masterclass, comme un an auparavant lors de l’historique branlée infligée au même adversaire (5-0).

C’est donc finalement dans les Lowlands que la carrière d’Odsonne Édouard a activé le mode start. Arrivé au PSG en 2011 à 13 ans en provenance de l’AF Bobigny, il ne sera jamais apparu en A avec le club qui lui a fait gagner le championnat de France U19. Il se sera contenté d’un premier contrat pro, d’un petit banc en Ligue 1, de plusieurs leçons de football à l’entraînement au contact des stars de la capitale, et d’un prêt infructueux voire dramatique dans le Sud-Ouest, en 2016-2017 : 17 apparitions, un petit tremblement de filets et une image bien écornée. « Aujourd’hui, je suis passé à autre chose, confiait-il en décembre au sujet de son épisode toulousain. Mais clairement, ça m’a aidé à mûrir et à grandir dans la vie. J’ai pu prendre conscience de pas mal de choses. Si ça ne m’était pas arrivé, je ne serais peut-être pas au Celtic aujourd’hui. »

Ambition dévorante

Effectivement, tout ça semble bel et bien derrière lui, Edouard s’éclatant au sein du laboratoire à titis parisiens que représente de plus en plus le Celtic. Comme Dembélé lors de ses deux années écossaises, il soigne ses stats et est en train de se faire un nom à Glasgow – où son entraîneur Neil Lennon l’a récemment comparé à l’idole Henrik Larsson – en même temps qu’il se forge. Malgré le changement d’entraîneur en février (il a beaucoup appris sous Brendan Rodgers), le Frenchy n’a pas perdu de sa superbe.

Si Moussa ne s’était lui pas éternisé chez les Hoops, il n’est pas dit que son successeur ne reste pas un peu plus longtemps sur les rives de la Clyde, d’autant que son objectif de terminer en tête des buteurs ne sera pas aisé à remplir cette saison (Alfredo Morelos en est à 17). Même si la Premiership locale deviendra certainement rapidement trop petite pour lui et que le vainqueur du championnat d’Europe des moins de 17 ans (2015) ne manque pas d’appétit, comme il le confiait il y a trois mois : « Mon ambition, c’est de jouer en équipe de France le plus rapidement possible. Ce serait bien de jouer l’Euro Espoirs d’abord, mais pour cela, je dois bien jouer avec le Celtic. J’ai plusieurs ambitions : jouer pour l’équipe de France et dans un très grand club européen et gagner la Ligue des champions. »