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Eder, une énigme portugaise

Par Alexandre Pedro
3 minutes
Eder, une énigme portugaise

Meilleure blague de la Coupe du monde au Brésil, Eder est toujours là et ça ne fait plus vraiment rire les Portugais. Auteur d'un but en 19 sélections, la nouvelle recrue de Swansea fait plus que perpétuer la tradition des numéros 9 boulets de la Seleção : il la sublime à sa façon.

Ce lundi, le Portugal peut valider son billet pour une phase finale sans passer par les barrages pour la première fois depuis 2008. De quoi déboucher quelques caisses de vinho verde. Mais avant, la route de l’Euro en France passe par Tirana et une victoire contre des Albanais tombeurs de la Seleçao au match aller (1-0), ce qui avait entraîné la chute de Paulo Bento. Appelé à reprendre les choses en mains, Fernando Santos a aligné depuis quatre victoires en quatre matchs, toujours par un but d’écart et avec le plus souvent Cristiano Ronaldo dans le rôle du sauveur. Auteur de cinq des sept buts de sa sélection (Ricardo Carvalho et Fábio Coentrão ont apporté leur contribution face à la Serbie), le Madrilène tient à bout d’abdominaux l’attaque portugaise. Dans le 4-4-2 de Santos, CR7 a supporté comme colocataire un Nani branché sur courant très alternatif, cette imposture de Danny ou un Hélder Postiga pas encore parti à la recherche d’un meilleur karma en Inde. Vendredi, lors de la défaite face aux Bleus, il a retrouvé son flirt de l’été dernier au Brésil. Indice en bas de votre écran : il est grand, plein de bonne volonté, mais n’arrive jamais à attraper cet objet sphérique qu’on appelle ballon… Hugo Almeida ? Pas loin. Rajoutez-lui des tresses et vous obtenez Eder.

Avec la disparation de l’avion du MH370, la partie de cache-cache de Xavier Dupont de Ligonnès ou le succès de Kenji Girac, la carrière internationale Éderzito António Macedo Lopes reste l’un des plus grands mystères de notre époque. Pourquoi ? Comment ? Depuis bientôt trois ans, tout un pays se pose la question et cherche à savoir ce qu’il a fait de mal pour endurer une telle punition. L’actuelle doublure de Bafé Gomis à Swansea est ce que les entraîneurs aiment appeler « un attaquant qui pèse sur la défense » . Une périphrase pour évoquer un 9 qui marque peu et ne sait pas trop quoi faire de ses pieds. Alors à raison de 909 minutes et 19 sélections, le natif de Guinée-Bissau trimbale son 1,90m maladroit et sa vaillance touchante.

Le Bez portugais

Sauf que les chiffres sont têtus – un petit but en amical contre l’Italie –, et la vérité du terrain encore plus. L’ancien du Sporting Braga ne pratique pas le même sport que ses camarades. Contre la France, on a encore vu ses coéquipiers hésiter à deux fois avant de lui confier un ballon. La peur de ne jamais le revoir sans doute. Au Brésil, le garçon a gagné ses galons de plus mauvais attaquant de la Coupe du monde (sondage réalisé par un jury indépendant composé des Portugais de la rédaction) avec son spécial : contrôle trop long et tacle maladroit pour tenter de le récupérer.

Pour un spectateur neutre, sa présence amuse plus qu’autre chose. On aurait l’impression de revoir Bez des Happy Mondays au début des années 90. Comme il ne savait ni chanter, ni jouer d’un instrument et pas vraiment danser, ses copains lui ont filé des maracas (quelques extas aussi) et demandé de bouger son corps à sa façon pendant leurs concerts. Vingt-cinq ans après, Bez est devenu une légende du rock anglais. Il a écrit une biographie, gagné Celebrity Big Brothers et s’est même présenté aux élections dans son quartier de Salford. Pas sûr qu’une telle renommée attende celui qui avait déclaré lors sa signature à Swansea « vouloir marcher sur les traces de Cristiano Ronaldo en Angleterre » . Pour l’instant, Eder marche surtout sur celle d’Almeida ou Makukula et rend malgré lui hommage à un Postiga qui avait le mérite de marquer presque un match sur trois. Un jour, Kevin Gameiro admettra enfin qu’il est passé à côté d’une belle carrière internationale en refusant le pays de son grand-père. Peut-être dès ce soir, s’il regarde Albanie-Portugal.

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