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Eder, la dure loi de la vie
Qualifié pour la Coupe des confédérations grâce au but d'Eder en finale de l'Euro 2016, le Portugal s'est pourtant rendu en Russie sans l'attaquant lillois. Une décision prise par le sélectionneur Fernando Santos qui aurait dû, pour une fois, laisser son pragmatisme de côté.
Costard parfaitement taillé, cheveux brossés et barbe rasée de près, Fernando Santos s’avance d’un pas décidé vers la salle de conférence de la Cidade do Futebol à Oeiras, le Clairefontaine portugais. L’horloge de l’église sonne les douze coups de midi lorsque le sélectionneur de la Selecção, ponctuel comme à son habitude, s’installe et enfile ses petites lunettes avant de lire la liste des 23 joueurs appelés pour disputer la Coupe des confédérations : « Gardiens : Rui Patrício(…), Milieux : João Moutinho(…)Pizzi » . Tiens, pas de Renato Sanches, pourtant élu meilleur espoir du dernier Euro, s’étonnent les journalistes présents à l’évènement. Imperturbable, Fernando Santos continue son énumération : « Attaquants : Cristiano Ronaldo, Nani, Quaresma, Bernardo Silva, André Silva et enfin… » Non, il ne va quand même pas laisser sur le côté Eder, un an seulement après son coup de poignard face à la France. « Gelson Martins. » Eh bien si. Connu pour son pragmatisme, Fernando Santos a laissé ses sentiments de côté et n’a pas sélectionné l’attaquant lillois.
Une mise à l’écart programmée
Stupéfaits par cette décision, les journalistes commencent leur interrogatoire sur le cas Eder. Jusque-là impassible, le visage de l’ancien sélectionneur de la Grèce se ferme et laisse entrevoir une émotion qui prouve bien que ce choix n’a pas été fait aisément : « Ce n’est jamais facile et c’est pour cela que j’en ai parlé avec lui récemment. Quand personne ne croyait en lui, qui l’a emmené ? Il y a deux ans, dans cette même salle, tout le monde me demandait pourquoi je prenais Éder. Aujourd’hui c’est le contraire, c’est la dure loi de la vie. Mais cela ne signifie pas que je n’ai pas confiance en lui, bien au contraire. » Mis au courant de son absence, Eder n’a sûrement que faire de cette dernière phrase. Il voulait disputer la Coupe des confédérations avec son Portugal. Pourtant, Fernando Santos n’a pas tort dans sa défense. Avant l’Euro, la majorité des Portugais préféraient se moquer de cet attaquant à la technique imparfaite et au style atypique qui squattait toutes les listes de la Selecção. La suite donnera raison au sélectionneur portugais.
Passé de risée des supporters à idole nationale en l’espace d’une prolongation face à l’équipe de France, Eder a vu sa place en Selecção s’évaporer petit à petit. Il y a eu d’abord le temps des célébrations. Une place de titulaire face à Gibraltar dans le premier match post-Euro qui a permis à l’attaquant lillois de recevoir une chaleureuse ovation de la part du public de l’Estádio do Bessa Século XXI. Puis est arrivé celui du retour au second plan pour laisser la place à la nouvelle pépite portugaise au poste de numéro 9 : André Silva. Et, histoire de ne pas arranger le cas Eder, le néo-Milanais répond présent avec ses sept pions en huit sélections. Par conséquent, l’ancien buteur de Braga se contente de quelques minutes lorsque la rencontre est pliée ou d’amicaux avec les seconds couteaux. Ainsi, Eder était déjà à l’extrémité du banc de touche avant que Fernando Santos ne le dégage sur la piste d’athlétisme. Parallèlement, le fait que Nicolas de Préville constate que la silhouette portugaise se rétrécisse petit à petit dans son rétroviseur lillois n’arrange pas les choses.
Une décision incompréhensible
Alors oui, Eder n’a mis que six petits buts cette saison en Ligue 1 avec le LOSC, oui ce n’est pas le footballeur portugais le plus sexy, oui les jeunes André Silva et Gelson Martins sont l’avenir de la Selecção, mais cette décision, aussi logique soit-elle sur le plan sportif, reste difficile à entendre. La Coupe des confédérations, ce n’est pas la Coupe du monde, cela reste une compétition à la renommée mineure que le Portugal disputera pour la première fois de son histoire grâce à sa victoire à l’Euro 2016 sur un but… d’Eder. Ne pas le sélectionner relève donc d’un manque de reconnaissance.
Un peu comme si Didier Deschamps n’avait pas emmené au mondial brésilien Mamadou Sakho après son doublé contre l’Ukraine, ou alors si Emmanuel Macron n’avait pas offert de ministère à François Bayrou, ou encore si les Linkup avaient dégagé Matthieu Tota, pas encore Matt Pokora, alors qu’il était la véritable raison de la victoire face aux Diadems en finale de Popstars. Malheureusement, l’absence d’Eder sera oubliée au premier crochet de Bernardo Silva, à la première accélération de Gelson Martins ou à la première ficelle d’André Silva. Mais, aussi belle soit-elle, la jeunesse portugaise n’arrivera jamais, durant cette Coupe des confédérations, à procurer autant de plaisir aux supporters que l’attaquant lillois un certain 10 juillet 2016.
Par Steven Oliveira