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Eden Hazard, le diable au corps
Oui, en 2022, Eden Hazard est toujours un cadre de la Belgique. Habillé du brassard de capitaine, le joueur du Real Madrid tire son épingle du jeu grâce à sa bonhomie, une concurrence pas vraiment déloyale et un talent inné qu’on avait presque oublié.
Depuis 2014 ou presque, les trois mêmes noms sont couchés dans le onze de départ de la Belgique : Romelu Lukaku, Kevin De Bruyne et Eden Hazard. Oui, tout ça malgré la quinzaine de blessures accumulées par ce dernier en trois ans au Real Madrid. Mieux, l’ancien Lillois a toujours le brassard de capitaine, conséquence logique d’être le chouchou du sélectionneur Roberto Martínez. Un traitement de faveur qui ne date pas d’aujourd’hui. Depuis son premier match contre l’Espagne en 2016, le sélectionneur a fait de l’attaquant la pièce maîtresse de sa tactique et de son animation. Aveuglé par l’amour, il continue de faire confiance à un talent qui s’est effrité avec le temps et finit, d’une certaine manière, par le payer. À moins de six mois de la Coupe du monde, dernière échéance de son contrat avec la fédération belge, il ne peut plus recréer une tactique. Victime de son système, il est tributaire d’un Eden Hazard sur courant alternatif pour dynamiter son attaque.
Dans sa bulle
Paradoxalement, à mesure que l’impact d’Eden Hazard diminue sur le terrain, il s’étend en dehors. Capitaine au statut international, il fait partie des patrons du vestiaire, sans aucune contestation. Premier à prendre les bizuts sous son aile, le Madrilène vit une idylle tranquille avec Kevin De Bruyne, autre star et gros ego de la sélection. Là où des échos font état de certaines dualités dans le vestiaire entre joueurs français, les Diables rouges adoptent une neutralité à faire pâlir les Suisses. « Les joueurs ne prennent pas la peine de réfléchir et de débattre sur la légitimité de Hazard, souffle un suiveur de la sélection. Ils n’en ont rien à cirer. » Quand d’autres se plaignent d’une fenêtre internationale à la cadence infernale, lui profite de cette bulle pour reprendre goût au football. « J’ai revu ses yeux, sa tête, et on sent de nouveau de la fraîcheur et de la joie, analyse Georges Leekens, ancien sélectionneur belge. Quand il ne rit pas, qu’il ne fait pas de blague, c’est difficile pour lui de jouer au plus haut niveau. Il a besoin de relaxation. » La preuve par les actes : après le magnifique but de Leandro Trossard contre la Pologne, il vannait avec ses coéquipiers sur le banc les défenseurs qui étaient montés pour rien sur le corner parce que l’attaquant avait choisi d’enrouler sa frappe en lulu opposée.
Pression et burger
Mais où est la pression dans tout ça ? Là où Leekens assure que le joueur aime « être piqué », Hazard semble être installé dans un fauteuil qu’il n’est pas près de quitter. Leandro Trossard, Thorgan Hazard, Dries Mertens, Loïs Openda, Charles De Ketelaere ou même Jérémy Doku, aucun ne semble en mesure de concurrencer l’ailier gauche dans un futur proche. Faute de mieux, il faut être patient. « Avec les plus grands joueurs, tu ne peux pas compenser, lâche Leekens. Donc on a accepté que la forme d’Eden ne soit pas toujours bonne en sélection. Mais Martinez a bien fait de le laisser jouer, même s’il savait qu’il n’était pas au plus haut niveau. Eden a besoin de matchs et de rythme. Contre la Pologne, j’ai de nouveau vu de l’action vers l’avant, de la fraîcheur, de la classe avec des petits dribbles et une qualité de passe. » En offrant le deuxième but à De Bruyne, il est devenu décisif pour la troisième fois seulement en 2022, la sixième fois en tout cette saison club et sélection confondus. La preuve que même si la confiance d’un pays tout entier est derrière lui, la machine est encore en phase de rodage.« Je pense qu’il peut annuler ses vacances et travailler jusqu’à novembre pour la Coupe du monde, tranche celui qui l’a entraîné entre 2010 et 2012. Il n’y a pas d’autre chemin. Eden reste un des joueurs les plus talentueux que j’ai entraînés, même si je l’ai poussé et que j’étais un peu dur au début. Il avait, et il a encore en lui cette classe pour concourir avec n’importe qui. » À condition bien sûr que ce contexte jovial n’occulte pas le sérieux. Georges Leekens en sait quelque chose. Sorti à la mi-temps d’un match contre la Turquie en 2011, l’attaquant n’avait même pas attendu le coup de sifflet final pour filer dans un fast food et s’envoyer un hamburger. Là encore, le talent avait pris le pas sur la sanction : « Tu ne peux jamais être fâché contre Eden. Après un match amical sans lui, je l’ai repris. Je ne suis pas fou au point d’enlever un de mes meilleurs joueurs. (Rires.) »
Par Emile Gillet
Tous propos recueillis par EG.