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Eden Hazard, la fin du jeu
Eden Hazard et les Diables rouges, c'est : quatorze belles années, 126 sélections, 33 buts, une Coupe du monde 2018 tonitruante et d'innombrables souvenirs. Mais Eden Hazard et les Diables rouges, c'est surtout cette décision logique de laisser la place à une nouvelle génération.
Tout a commencé à Villeneuve-d’Ascq, petite commune dans le Nord de la France entre Lille et Roubaix. Le 15 novembre 2008, le sélectionneur des Diables rouges René Vandereycken demande à son T2 Frank Vercauteren de se rendre au Stadium Lille Métropole pour observer la 14e journée de Ligue 1 entre le LOSC et l’ASSE (3-0). Après avoir dévoilé sa liste de 25 joueurs, celui qu’on surnommait Mighty René cherche à remplacer Stijn De Smet, alors pensionnaire du CS Bruges, forfait sur blessure. Absent au dernier rassemblement, le jeune attaquant des Verts Kevin Mirallas semble être le remplaçant idéal. Sauf que voilà. Ce jour-là, c’est un autre gamin qui va attirer la lumière. D’un super passement de jambes, le chouchou des fans des Dogues efface Cédric Varrault avant d’ouvrir le score d’une frappe enroulée clinique. La légende raconte que Frank aurait tout de suite pris son téléphone et tenu au courant son numéro un pour lui assurer qu’il reviendrait avec le rapport d’un autre joueur.
À 17 ans, 10 mois et 10 jours, Eden Hazard rejoint le groupe belge de Tubize la semaine suivante et entre en jeu pour le match amical face au Luxembourg (1-1). Pour son premier ballon, le jeune feu follet, petit et sec, mais très vif dans ses déplacements, régale sur le flanc gauche de la surface de réparation adverse. Passements de jambes, crochet, feinte de corps, talonnade et une frappe dangereuse… Bref, une action encore dans toutes les têtes des admirateurs des Diables, qui comprennent cette journée d’hiver que Stein Huysegems et Wesley Sonck sur les ailes belges ne feront plus long feu. Mais de là à imaginer que ce petit Eden fera les plus beaux jours de la sélection les années suivantes et qu’il incarnera l’espoir et la soif de titre d’une génération dorée, jusqu’à devenir l’un, si ce n’est le meilleur joueur de l’histoire de la Belgique ? Pas sûr.
Did you know @hazardeden10 played his first Devils’ game 12 years ago in Luxembourg? ?? pic.twitter.com/JbuslOxbGA
— Belgian Red Devils (@BelRedDevils) November 19, 2020
Tout sauf un Hazard
Quatorze ans plus tard, la jeune pépite a décidé de laisser son brassard de capitaine. Parce que oui, le petit génie est devenu capitaine, a engrangé 126 sélections, marqué à 33 reprises et délivré 36 passes décisives. Mais au-delà de ses statistiques, Eden Hazard a surtout gravé son nom dans le marbre des souvenirs des Belges par son talent, son sourire et ses coups d’éclat. La Coupe du monde 2018 restera un de ses plus grands faits d’armes, et notamment le succès historique des Diables en quarts de finale contre le Brésil (2-1). En Russie, il était devenu ce jour-là le seul joueur à réussir 100% de ses dribbles tentés lors d’une rencontre de Mondial : dix sur dix, toujours le total le plus élevé de cette compétition. Pied droit, pied gauche, le numéro 10 dans le dos et des contours bien tracés, Hazard respirait cette année-là la facilité, l’aisance et la classe. En rentrant au Plat Pays après une troisième place obtenue aux dépens de l’Angleterre, le capitaine avait mis le feu à la Grand-Place de Bruxelles devant une foule énorme répondant à l’unisson« Hier is de feestje ! » (c’est ici la fête), aux « Waar is da feestje ? » (où est la fête ?) d’Hazard.
Mic drop. #MerciEden pic.twitter.com/S94c21hrNg
— Belgian Red Devils (@BelRedDevils) December 7, 2022
S’il savait rigoler, Eden était aussi ce meneur d’hommes, transparent face au caméra et particulièrement cash quand il fallait l’être. « J’ai envie de montrer au peuple belge qu’il peut compter sur son capitaine, avait-il balancé avant le début du Mondial dans les colonnes de L’Équipe,si j’étais coach, je me mettrais sur le terrain. Ça ne serait pas mérité sur ce que j’ai fait ces deux dernières années. Mais sur ces quatorze dernières, oui. Je comprends les doutes des gens. » Et il y a de quoi. Parce que l’histoire d’Hazard sous la tunique rouge, c’est aussi celle des détresses. Les cauchemars de Robson-Kanu à l’Euro 2016, la sortie médiatique pleine de rancœur après la défaite contre les Bleus en 2018 – « je préfère perdre avec la Belgique que de gagner avec la France. On a le plus beau jeu, c’est plus mon style. Ils n’ont pas bien joué, mais ils ont bien défendu et se sont montrés très efficaces. C’est dommage pour le football » -, la défaite aux portes des demies face à l’Italie, pourtant moins bien garnie sur le papier, en 2020, et les deux éditions de la Ligue des nations complètement manquées…
Bref, s’il a symbolisé le renouveau, Eden Hazard a aussi été tenu responsable, ou du moins été en première ligne, durant toutes ces désillusions. Pour la cinquième participation de l’ancienne gloire de Chelsea à un tournoi principal, le chemin qu’a emprunté la génération dorée de Marc Wilmots une soirée d’octobre 2013 à Zagreb n’a pas été pavé d’or, encore une fois. Et c’est au terme de ce nouvel échec que le capitaine a décidé de jeter l’éponge, à 31 ans. Même sans jamais toucher le Graal, difficile de lui enlever le fait qu’il aura montré l’exemple jusqu’au bout. Il est devenu ce mercredi le premier cador d’une génération à accepter que le train est passé et qu’il faut laisser la place au changement. Toby Alderweireld (33 ans), Jan Vertonghen (35 ans), Dries Mertens (35 ans), Axel Witsel (33 ans) ou encore Thomas Meunier (31 ans) n’ont toujours pas bronché. « Une page se tourne aujourd’hui. Merci pour votre amour. Merci pour votre soutien inégalable. Merci pour tout ce bonheur partagé depuis 2008, a confié Hazard sur ces réseaux sociaux,j’ai décidé de mettre un terme à ma carrière internationale. La relève est prête. Vous me manquerez… » Au brassard belge aussi.
par Matthieu Darbas