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Écosse-Ukraine : En mission
Plus de six mois après son dernier match officiel, l’Ukraine s’apprête à défier l’Écosse, ce mercredi à Hampden Park (20h45) en demi-finales de barrages pour la Coupe du monde. Alors que leur pays est toujours en guerre avec la Russie, les Bleu et Jaune tenteront de faire un pas supplémentaire vers le Qatar. Tout en apportant un soupçon de joie et une once de réconfort à un peuple en souffrance.
C’était le 16 novembre dernier. Grâce à des buts d’Oleksandr Zinchenko et d’Artem Dovbyk en seconde période, l’Ukraine parvenait à faire craquer la Bosnie-Herzégovine (0-2). Une victoire précieuse car suffisante pour chiper la deuxième place du groupe D, derrière la France et juste devant la Finlande, plombée dans le même temps par les Bleus à Helsinki (0-2). À défaut d’une qualification directe pour la Coupe du monde, la Zbirna pouvait donc espérer rallier le Qatar en passant par la case barrages. Le premier rendez-vous était fixé de longue date : Hampden Park, le 24 mars, pour y défier l’Écosse. Un peu plus tard, tout le monde a cependant compris que la troupe d’Oleksandr Petrakov ne pourrait jamais être présente à Glasgow au moment prévu. Un mois plus tôt, le 24 février, l’entrée des chars russes sur le sol ukrainien a entraîné une brutale redéfinition des priorités, et tout ce qui paraissait plus accessoire a vite été reporté sine die. Le championnat local n’a jamais repris, certains joueurs ont délaissé les crampons pour enfiler treillis et gilets pare-balles. De longues semaines plus tard, l’épais nuage de fumée ne s’est toujours pas dissipé. Les combats continuent de ravager une partie du territoire, et l’hypothèse d’une paix négociée semble encore bien illusoire. Pourtant, le ballon va bel et bien se remettre à tourner. Ce mercredi, l’Ukraine va enfin pouvoir honorer son rendez-vous tant attendu face à l’Écosse.
Stage commando en Slovénie
Il s’agira d’ailleurs du premier match officiel des Bleu et Jaune depuis leur périple bosnien, six mois et demi plus tôt. Dans le contexte actuel, on imagine aisément qu’ils ne seront pas dans les meilleures dispositions physiques et mentales au moment de fouler la pelouse de Hampden Park. Leur fédération a toutefois fait le maximum pour permettre à ses joueurs de se préparer du mieux possible. Juste après avoir été autorisés par le gouvernement à quitter le pays, les internationaux évoluant dans des clubs de Premier-Liha ont pu prendre la direction de Brdo, en Slovénie. C’est là, dans le centre d’entraînement de la Fédération slovène de football, qu’ils ont répété leurs gammes du 1er au 30 mai. Pour se remettre dans le rythme, les partenaires de Taras Stepanenko ont joué des amicaux face à… des clubs en roue libre sur leur fin de saison, à savoir le Borussia Mönchengladbach (victoire 1-2), Empoli (victoire 1-3) et Rijeka (1-1). Les « légionnaires » , autrement dit les joueurs sous contrat à l’étranger, sont arrivés au compte-gouttes au fur et à mesure de la fin des championnats. Le groupe s’est étoffé, et c’est avec 26 membres que la délégation ukrainienne s’est envolée pour Glasgow. Loin de la guerre, même si celle-ci hante toujours leurs esprits. « Nous avons accès à Internet, donc nous lisons les infos, nous appelons la famille et les amis pour savoir ce qu’il se passe au pays, a raconté l’emblématique gardien Andriy Pyatov sur le site de l’UAF. Ce n’est pas la même chose d’un jour à l’autre. Parfois, c’est normal, parfois on est inquiets, parce que des roquettes volent tout le temps et font planer une menace, y compris sur les enfants. »
Nouveau maillot, aucun cadeau
À l’occasion de ces barrages, les quart-de-finalistes du dernier Euro porteront un maillot hautement symbolique, avec une carte de l’Ukraine (incluant la Crimée) et des flocages composés de noms de villes martyrisées depuis le début de la guerre. Le facteur émotionnel sera omniprésent, et il ne sera pas évident d’en faire abstraction. À moins que la situation ne motive encore plus ceux qui sont déjà « dans une attitude de combat », dixit le sélectionneur Petrakov. « Nous voulons au moins apporter aux gens un peu de joie. On sait qu’on doit aller sur le terrain et donner tout ce qu’on a pour nous-mêmes, nos supporters, tous les Ukrainiens, tous ces soldats qui nous protègent, nous et nos familles, a énuméré Andriy Yarmolenko. Les gars ont vu le message des militaires, qui nous demandent de leur offrir un ticket pour la Coupe du monde. Je ne peux pas garantir que nous irons là-bas, mais je promets que nous ferons tout pour y arriver. » Le chemin est en effet semé d’embûches car, même s’ils écartent l’Écosse chez elle, Roman Yaremchuk et ses coéquipiers devront ensuite affronter le pays de Galles – tombeur de l’Autriche (2-1) fin mars – quatre jours plus tard, à Cardiff. Et malgré l’élan de bienveillance et de sympathie qui accompagnera les visiteurs en Grande-Bretagne, ceux-ci n’auront pas droit au moindre traitement de faveur. « C’est important de réaliser que nous avons un travail à faire, a clamé Callum McGregor, le capitaine de la Tartan Army. Quand les deux équipes entreront sur le terrain, elles seront aussi motivées l’une que l’autre pour se qualifier. Nous ne pouvons pas penser à quoi que ce soit d’autre. » Aucun cadeau ne sera fait à la Zbirna. Ça tombe bien : elle n’en a jamais réclamé.
Par Raphaël Brosse