- Les restes du monde
Ecosse année zéro
Depuis jeudi soir, il n'y a plus un seul représentant écossais dans les compétitions européennes*. Exit les Rangers et le Celtic, les deux gros de Glasgow qui ne parviennent même plus à cacher la misère d'un football qui s'enfonce dans la crise.
Fucking disgrace… Le football écossais déprime sévèrement. On plaint les fans de foot locaux, qui doivent aujourd’hui se retrouver à pleurer dans leur bière dans un de ces pubs sans âme qui sert de décor au film Trainspotting. Mais si, la scène avec les pires chiottes d’Ecosse. Jeudi soir dernier, leurs représentants sur la scène européenne ont touché le fond. Exit Heart of Midlothian, humilié sur sa pelouse à l’aller par Tottenham 5-0 et qui n’a pu que laver l’affront au retour en concédant le nul ; exit le Celtic, mangé 3-1 par l’ogre suisse FC Sion et éliminé dès son entrée dans la compétition (comme l’an dernier d’ailleurs, sorti par Braga en tour de qualif de C1 puis par Utrecht en play-off de C3) ; exit aussi les Rangers, déjà honteusement battus par Malmö en Ligue des Champions et qui ne sont même pas parvenus à venir à bout de Maribor en Ligue Europa ! Il faut y ajouter la sortie du quatrième représentant, Dundee United, dès le deuxième tour des qualifications, face à l’équipe polonaise du Śląsk Wrokław. Voilà. Quatre équipes en lice en début de saison et pas une qui prolonge l’aventure au-delà du mois d’août. Une misère. Une honte presque, au point que le président de la fédé Stewart Regan a été contraint de s’expliquer au micro de BBC Scotland : « Nous avons juste perdu notre chemin. Je ne voudrais pas appeler cela une crise parce que cela implique que vous n’êtes pas capable de faire quelque chose. Je pense que nous pouvons le faire » .
16e rang européen
S’il ne souhaite pas (encore) parler de crise, on est en droit de douter de ses paroles. Car cette sortie précoce de la scène européenne n’est pas un accident de parcours ni la conséquence d’éléments défavorables. Non, elle semble bien être la suite logique et triste pour un football en totale perte de vitesse. A tous les niveaux : qualité du jeu pratiqué qui stagne voire qui baisse, manque d’attractivité, popularité en berne, finances dans le rouge… Tout est lié, au point que dans ce cercle vicieux dans lequel le foot écossais paraît (irrémédiablement ?) plongé, difficile de trouver le facteur déterminant qui a entraîné le début des emmerdes. Il faut peut-être remonter à l’Arrêt Bosman, qui a entraîné la chute – plus ou moins rapide, plus ou moins lourde – de nombreux championnats mineurs européens qui parvenaient jusqu’alors à s’en tirer : Belgique, Pays-Bas, Ecosse donc… Ce dernier a pourtant longtemps su résister et s’afficher sur la scène européenne.
Grâce tout d’abord à sa philosophie spécifique, tout en fighting spirit, la grinta du nord pour compenser ses carences dans le jeu. Grâce surtout à la puissance de ses deux clubs-phares, Celtic et Rangers. La rivalité légendaire entre les deux de Glasgow, cathos irlandais d’un côté, protestants anglais de l’autre, exacerbe les passions et a permis d’entretenir une certaine émulation. Aah, les images d’Epinal du football écossais, qu’on repasse chaque saison, la larme à l’œil, avec ces fameux Old Firm opposant les deux rivaux dans un stade plein à craquer de fans passionnés. Oui c’est sûr, c’est beau, mais ça fait un peu trop images datées dans le football du vingt-et-unième siècle, où l’Ecosse semble ne plus avoir sa place, en tout cas pas dans les premiers rangs. Au seizième en fait, pour être précis, son dernier classement au ranking UEFA, intercalé entre les championnats autrichien et chypriote. Et avec les résultats européens obtenus cet été, ça devrait continuer de baisser.
Hearts, la mauvaise voie
Hors les quelques derbys de Glasgow saisonniers qui décident de qui aura la première place finale en championnat, qui aura la seconde et qui gagnera les coupes, le foot écossais n’a donc plus rien à proposer. Les spectateurs ne sont pas dupes d’ailleurs, avec des affluences en baisse. Hors Ibrox et Celtic Park, on est plus proche des 5 000 spectateurs de moyenne au stade que des 10 000. Quel intérêt d’aller supporter son équipe pour qu’elle joue au mieux la troisième place ? Ces dernières années, un seul club a tenté, en vain, de détrôner les deux squatteurs du haut de classement : Hearts. Mais même dans cette histoire, il y a plus de pathétique que de romance, puisque le club d’Edimbourg, qui appartient depuis 2005 à l’homme d’affaire russo-lituanien Vladimir Romanov, fait preuve d’une grande instabilité, avec beaucoup de changements de joueurs et une valse constante des entraîneurs pour, au final, peu de résultat. Le rival Hibernian se traîne quant à lui à la dernière place en ce début de saison. Ce n’est guère mieux du côté des autres noms connus, Dundee United, Aberdeen, Kilmarnock… Des résultats faibles et un jeu parfois affligeant. Seul Motherwell est parvenu à troubler un peu l’ordre établi cet été, mais les Rangers ont récemment pris la tête et nul doute que le Celtic va également passer devant. Comme d’habitude.
Les deux ennemis de Glasgow, aux finances en berne, n’ont pourtant pas de noms ronflants dans leurs effectifs et les joueurs étrangers sont de moins en moins nombreux. Pis, les tensions entre les deux clubs semblent s’envenimer ces derniers temps : côté Celtic, l’entraîneur Neil Lennon, pas franchement réputé pour apaiser les tensions, est régulièrement menacé (colis piégé, lettres anonymes…) par les fans des Rangers, qui se remettent à chanter « The Famine Song » dans les tribunes d’Ibrox Park. Malsain. Pour achever ce bien sombre tableau, un mot sur la sélection nationale, actuelle 55e au classement FIFA et elle aussi en totale perte de vitesse. Alors qu’elle n’est plus parvenue à se qualifier pour une compétition internationale depuis France 98, elle semble déjà quasiment condamnée pour l’Euro 2012, avec une troisième place actuelle dans son groupe, à bonne distance de l’Espagne et de la République Tchèque, qu’elle affronte samedi à Hampden Park lors d’un match décisif. En cas de défaite, là oui clairement on pourrait parler de crise profonde, n’en déplaise au président de la fédé.
*A moins que le Celtic bénéficie d’une éventuelle disqualification par l’UEFA du FC Sion, qui n’aurait pas respecté une interdiction de recrutement.
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