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Écologie, le marteau de Thorsby
Habituellement, le numéro 2 est réservé aux latéraux ou aux pistons qui ramonent leur couloir été comme hiver. Pour Morten Thorsby, milieu de la Sampdoria, le 2 est plutôt une manière de sensibiliser les acteurs du football aux enjeux environnementaux du XXIe siècle comme le réchauffement climatique. Portrait d'un Norvégien en mission, dont le programme s'avère bien meilleur que celui de Yannick Jadot et qui a infiniment plus de choses à dire que Greta Thunberg.
Quel est le point commun entre Yohan Benalouane et Morten Thorsby ? Tous les deux ont figuré parmi les sept nommés pour les prix du mérite de la FIFPRO. Si l’ancien Stéphanois et actuel second couteau à l’Aris qui vient en aide aux sans-abris de Thessalonique n’a pas été primé, le longiligne milieu de terrain n’est clairement pas de ceux qui auraient pris part au vol Manchester-Leicester d’une durée de dix minutes aux côtés des Red Devils. Il aurait plutôt attendu les protagonistes en bas de l’escalator, ceinture en main. Car à 25 ans, l’international norvégien a la main verte et la conscience claire : celles qui lui ont valu d’être sacré « activiste de l’année 2021 » , avec à la clé un bonus de 10 000 dollars pour financer ses activités liées à la lutte contre la crise climatique. Mais Thorsby ne se cache ni derrière les prix, ni derrière les symboles : il use (vraiment) de sa fonction et de son privilège pour tenter de faire bouger les lignes.
Vert l’infini et au-delà
« Quand je suis arrivé aux Pays-Bas, à 18 ans, je n’étais qu’un gamin sorti de l’adolescence et tout ressemblait à une blague pour moi. Mais c’est aussi à ce moment-là que j’ai commencé à me rendre compte à quel point le monde était grand, et nous petits. » Voilà comment il qualifie ses premiers pas en Frise. Débarqué à Heerenveen pour cinq ans en 2014, en provenance de Stabæk, « Touche-baie » (comme il faut le prononcer en VO) a toujours dû apprendre à gagner sa place dans une équipe. Et il a longtemps eu tout autant de mal à convaincre d’autres footballeurs, dirigeants ou supporters de ce qui l’anime.
« Un soir, je me suis assis autour de la table avec mes parents. Je doutais tout simplement de mon utilité en tant que footballeur en pleine crise environnementale, je pensais même tout arrêter, concède le natif d’Oslo. On est resté quasiment deux jours à discuter de mon engagement, et en l’explicitant, c’est devenu limpide : mon but dans cette vie, c’est de devenir le meilleur footballeur possible pour pouvoir être un porte-voix audible sur les thématiques écologiques. » Car entre deux présaisons éreintantes dans les Alpes avec la Sampdoria, Morten Thorsby voit plus loin que l’esprit de compétition et la notion d’individu : quand les enjeux dépassent les hommes, il leur reste au moins des coudes pour se les serrer. Et pour ce faire, le cuir est un moyen de communication sans égal.
We Play Green
C’est ainsi que l’été dernier, le grand blond venu du froid a dit adieu à son numéro 18 pour adopter le 2. En club, mais aussi en sélection. Une référence directe à l’engagement principal pris par 147 chefs d’État du monde entier à la COP 21 de Paris, en 2015, à savoir limiter le réchauffement climatique à +2°C d’ici 2100. « Je voulais le numéro 1,5, mais ce n’est pas évident dans le football », comptait-il à l’époque, aussi amusé que sérieux. Fier papa de la fondation We Play Green, le Blucerchiato cherche d’abord à provoquer une prise de conscience chez ses collègues de travail afin de déboucher sur une solution durable pour que l’humanité réponde au défi écologique et retrouve son harmonie avec la nature : « Le football est le plus important phénomène social d’ampleur, puisqu’il touche environ 3,5 milliards de personne à travers le monde. En inspirant tous ces gens-là et en leur prouvant que notre lutte tient la route, on pourra agir à plus grande échelle. » L’histoire d’un projet en trois temps, aux ramifications nettes. « On a travaillé dessus pendant un an, l’idée étant de tout compartimenter en trois parties pour encourager l’innovation verte à travers l’influence que peuvent avoir les clubs, puis les joueurs et les fans », abonde Thorsby. Des joueurs-ambassadeurs, donc, mais le principal maillon de la chaîne est une Ligue des champions écologique : la WPG Sustainable League. L’objectif ? Pousser les clubs à adopter un comportement et un mode de fonctionnement eco-friendly, en stimulant la concurrence via un classement par points.
Cette WPGSL sera lancée en 2022, mais on connaît déjà les premiers clubs participants : les Forest Green Rovers (qu’on ne présente plus), Bodø/Glimt et Odd (un autre club norvégien, célèbre pour avoir installé des panneaux solaires sur le toit de son stade). « Beaucoup de clubs ont des bonnes initiatives pour l’environnement. Mais comme souvent, leur communication fait défaut. On veut améliorer ça en diffusant l’information, et en valorisant leurs efforts », poursuit le principal intéressé. Barrière principale : la grande majorité des sponsors, qui n’y voient pas d’intérêt pécuniaire et font partie d’un système réfractaire au changement. Alors, autant y aller franco. « On doit prendre le problème à bras-le-corps, exactement comme avec le racisme, enchaîne cet admirateur de Miralem Pjanić à son prime. Un joueur ne veut pas jouer pour un club raciste, un club ne veut peut avoir de joueur ou de supporter raciste et ainsi de suite. Ça doit devenir pareil avec la réduction de l’empreinte carbone, le tri des déchets et la préservation de notre écosystème. Dans n’importe quel domaine, une fois que les choses changent, les gens ne veulent plus être du mauvais côté. » Et au détour d’une discussion avec le ministre italien de la Transition écologique ou le vice-président de l’Union européenne, le Norvégien sait que la caisse de résonance politique qui s’offre à lui vaut sans doute plus qu’une non-participation au Mondial qatari avec les Løvene.
Par Alexandre Lazar
Propos de MT tirés de BroPod et de CNN.