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Echeverri à City, le transfert qui agite l'Argentine

Par Thomas Broggini, à Buenos Aires

La décision du prodige Claudio Echeverri (18 ans) de rejoindre Manchester City avant même de s’être imposé à River Plate fait beaucoup de bruit en Argentine, où l’on regrette l’exode toujours plus précoce des jeunes cracks vers l’Europe.

Echeverri à City, le transfert qui agite l'Argentine

Certaines gueules de bois laissent des traces pendant des jours. Les supporters de River Plate le constatent depuis le matin du 23 décembre. La veille au soir, le club de Buenos Aires remporte le Trophée des champions contre Rosario Central (2-0) à Santiago del Estero, ville située dans le centre nord de l’Argentine. Heureuse conclusion d’une année marquée par un sacre national lors du premier semestre puis par des éliminations en huitièmes de finale de la Copa Libertadores et en demies de la Copa de la Liga. Mais quelques minutes après le coup de sifflet final, alors que les chants résonnent encore dans l’Estadio Único Madre de Ciudades pour fêter ce titre et les adieux du capitaine Enzo Pérez, Claudio Echeverri flingue l’ambiance au micro de la chaîne de télé ESPN. « Mon agent a parlé avec le président, révèle l’impertinent, médaille autour du cou. Je ne vais pas prolonger, mais je vais rester un an ou six mois et ensuite on verra ce qui se passe. »

Les fans oscillent tous entre colère et déception. On parle quand même de la plus grande promesse issue de l’académie depuis des années.

Marcelo Petrone, supporter de River Plate

Une réponse qui laisse bouche bée le journaliste à l’origine de la question sur son futur et éclipse illico le triomphe de River. Un séisme, forcément : âgé de 18 ans depuis le 2 janvier, celui qui est surnommé « El Diablito » (le Diablotin) est considéré comme un véritable trésor par les habitués du Monumental, au courant depuis plusieurs années de l’existence de ce diamant façonné au centre de formation du club et dragué par les plus grands, de l’autre côté de l’océan Atlantique. Encore plus depuis son Mondial U17 flamboyant (cinq buts, une passe décisive), à l’issue duquel plusieurs médias argentins spécialistes de l’enflammade ont commencé à le surnommer « le nouveau Messi » après en avoir fait « l’héritier de Pablo Aimar ». D’où le mal de crâne collectif. « C’était une vraie douche froide, hallucine encore Marcelo Petrone, supporter et historien de l’équipe de la capitale. Pourquoi ne pas avoir attendu pour en parler ? Là, au milieu des célébrations, ce n’était vraiment pas le moment. Les fans oscillent tous entre colère et déception. On parle quand même de la plus grande promesse issue de l’académie depuis des années. Un départ d’un joueur au tel potentiel, à cet âge et avec aussi peu de matchs joués chez les pros, c’est une situation inédite pour River. »

Grand espoir, petit CV

Annoncé comme le futur numéro 10 de l’Albiceleste, ce milieu offensif droitier (1,71 m) possède effectivement un CV riquiqui avec les adultes : six apparitions en équipe première, dont une seule titularisation, pour un temps de jeu total de 155 minutes. Assez pour convaincre Manchester City de débourser 29 millions d’euros, selon les informations du journal Clarín, afin d’attirer un môme dont le contrat expire en décembre. Bientôt officialisé, ce transfert sera le deuxième plus important de l’histoire du championnat argentin derrière celui d’Enzo Fernández, qui a rapporté à River un peu plus de 44 millions d’euros entre ses signatures à Benfica puis Chelsea, d’après les comptes du site spécialisé Transfermarkt. « C’est symptomatique de ce qui se passe dans un pays dont le modèle économique repose tant sur la vente de joueurs, soupire José Luis Lanao, ancien joueur du Vélez Sarsfield devenu chroniqueur pour le quotidien Página 12Ça vaut globalement pour toute l’Amérique latine d’ailleurs. Le déséquilibre financier est trop grand. Là, tu formes et éduques un gamin pendant des années (né en 2006, Echeverri est arrivé au club à 11 ans) et tu n’as pas de scrupule à le voir partir sans s’imposer en équipe première du moment que tu gagnes beaucoup d’argent. »

Dans les faits, « El Diablito », tout juste majeur, va pouvoir s’aguerrir dans l’équipe de Martín Demichelis jusqu’à cet été, voire jusqu’en fin d’année, avant de rejoindre son compatriote Julián Álvarez (ex-River également) dans la dream team de Pep Guardiola. « Cette fuite des talents n’est pas un phénomène nouveau. Des champions du monde comme Lionel Messi ou Emiliano Martínez sont même partis sans jouer un seul match ici, rappelle Andrés Burgo, auteur de quatre livres sur les MillonariosJe crois surtout que River n’a pas protégé son joyau comme il l’aurait dû, sachant que l’agent d’Echeverri a la réputation d’être dur en affaires. »

Champions de l’exportation

Résultat, le jeune milieu a rejoint la liste des perles sud-américaines récemment arrachées à leur berceau par de grosses écuries européennes, après les Brésiliens Endrick (17 ans, Real Madrid) et Vitor Roque (18, Barça) ou l’Équatorien Kendry Páez (16, Chelsea). Pas une surprise selon Étienne Didot, recruteur pour Lille sur le continent. « Ici, en dehors peut-être du Brésil où les salaires sont assez élevés pour retenir un peu les joueurs, les clubs sont pratiquement tous vendeurs, car ils ont besoin d’argent, constate l’ancien milieu toulousain. Avant, il fallait attendre une grosse compétition pour voir qu’un jeune était vraiment bon. Désormais, ils sont suivis très tôt, partout, et la marge d’erreur est réduite, car chaque grand club européen investit énormément dans le scouting. Les prix sont fous, mais ils répondent à l’évolution du marché. On connaît ça chez nous : quand un jeune explose, il part vite à l’étranger. C’est pareil en Amérique du Sud, à une autre échelle. » Un rapport du Centre international d’étude du sport (CIES) le confirme : le Brésil, la France et l’Argentine étaient, dans cet ordre, les trois principaux exportateurs de footballeurs dans le monde entre 2017 et 2023. Avec une augmentation de 10,8 % du nombre d’expatriés lors de la dernière année (la plus forte du trio) pour le pays des champions du monde. Le déplumage ne s’arrête pas au cas ultra-médiatique d’Echeverri : ces prochains jours, les départs des jeunes Valentín Barco (19 ans, Boca Juniors) et Gianluca Prestianni (17, Vélez Sarsfield), les deux autres valeurs marchandes les plus importantes de la Primera División, devraient être officialisés respectivement vers Brighton et Benfica.

Manchester City a fait ce qu’on a fait à l’époque quand Boca Juniors ou Independiente le voulaient également. Ce n’est pas une erreur et ce n’est pas trop tôt. Ce garçon n’a pas de limite.

Daniel Brizuela, le scout qui a découvert Claudio Echeverri

« C’est une tendance historique accentuée par l’arrêt Bosman (1995) puis la crise économique traversée actuellement par l’Argentine (dévaluation du peso, inflation annuelle mesurée à 160,9 % en novembre) qui touche forcément les clubs », analyse Diego Borinsky, journaliste pour La Nación. Avec ses comptes dans le vert depuis quatre ans (excédent budgétaire record de 48 millions d’euros en 2022-2023), River Plate n’était pourtant pas obligé de vendre sa plus grande pépite. Samedi, il a d’ailleurs annoncé la prolongation de contrat de l’attaquant Agustín Ruberto, soulier d’or de la dernière Coupe du monde U17 (8 buts), jusqu’en 2027, clause de 30 millions d’euros incluse. « Ce départ est prématuré », regrette Gabriel Rodriguez, ancien formateur d’Echeverri dans le club de Buenos Aires. Tout en espérant qu’on « lui laissera le temps de grandir à son rythme », l’éducateur dépeint un « joueur intelligent, créatif, audacieux, brillant techniquement, buteur né », mais « pas encore prêt physiquement aujourd’hui pour répondre à l’exigence du plus haut niveau ». Daniel Brizuela, le scout qui a découvert le petit droitier à Resistencia, dans le nord du pays, prend moins de précautions : « J’aurais aussi aimé qu’il reste deux ou trois ans de plus ici comme Julián Álvarez, surtout que c’est un amoureux absolu de River. Mais Manchester City a fait ce qu’on a fait à l’époque quand Boca Juniors ou Independiente le voulaient également. Ce n’est pas une erreur et ce n’est pas trop tôt. Ce garçon n’a pas de limite. » Le chasseur de talents le définit même sans trembler comme « un extraterrestre, un mélange de Maradona et Messi en raison de ses caractéristiques mentales et techniques hors normes ». Pas sûr que cela aide les socios à se remettre de leur gueule de bois…

La vidéo montrant Guardiola en train de snober un officiel israélien était un fake

Par Thomas Broggini, à Buenos Aires

Tous propos recueillis par TB, sauf mentions.

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