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Earvin Ngapeth : « Je jouais, et Kurzawa était sur le banc »

Propos recueillis par Alexandre Doskov
Earvin Ngapeth : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je jouais, et Kurzawa était sur le banc<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Figure de proue de l'équipe de France de volley qui a remporté la Ligue mondiale en juillet dernier, Earvin Ngapeth a pourtant fait trembler les filets avant de smasher par-dessus. Passion intacte, gestes techniques et anecdotes sur des joueurs à 25 millions, retour avec le meilleur volleyeur du monde sur ses années de jeune footballeur itinérant.

Avant Ngapeth le volleyeur, il y a eu Ngapeth le footballeur. Quel a été ton parcours ?

Oui, j’ai fait sept ans de foot ! J’ai commencé en benjamins, dans un petit club à côté de Poitiers, dans lequel j’ai joué trois ans. Puis le summum de ma carrière footballistique, ça a été quand on a déménagé à Fréjus. Là-bas, j’ai joué pendant deux ans, dans la même équipe que Layvin Kurzawa ! Après, j’ai suivi mon père, qui est entraîneur de volley, et on est revenu à Poitiers, où j’ai continué le foot. Et un jour, lors d’un stage multi-sports, j’ai participé à un tournoi de volley, et un coach m’a repéré. Il m’a dit de venir. J’ai continué à faire du foot et du volley en même temps pendant encore deux années, jusqu’à mes 14 ans. Puis, je me suis consacré au volley.

Et donc tu as joué avec Kurzawa. Est-ce qu’à l’époque il était un cran au-dessus de toi, ou tu étais meilleur que lui ?

Ha non, il jouait déjà bien ! On jouait devant tous les deux. Je vais même te raconter une anecdote. Un jour, on jouait un tournoi à Dignes, et on jouait contre un autre club, je sais plus, Lyon, je crois, et on perdait. Je jouais, et Layvin était sur le banc. À un moment, le coach m’a sorti et l’a fait entrer, et j’étais énervé, donc je me suis barré du match (rires) ! Mais Layvin avait marqué deux buts après…

Mais tu peux quand même dire que tu as mis Kurzawa sur le banc !

Oui, mais c’est parce qu’à cette époque, je faisais déjà deux têtes de plus ! Donc c’est moi qui jouais. Je m’en rendais pas compte quand j’étais petit, mais quand je revois les photos de notre équipe, je suis clairement le plus grand.

Et tu le recroises parfois ?

Rarement, on s’était vu à Saint-Raphaël une fois. Je suis né là-bas, donc j’y vais de temps en temps, et lui y était pour un stage avec l’AS Monaco. On s’est croisés, mais après ça, on s’est un peu perdu de vue.

Et avec le recul, tu ne regrettes pas d’avoir choisi le volley, et pas le football ?

Non, au volley, tout va beaucoup plus vite au niveau détection. Au football, je changeais de club tous les quatre matins, et comme je suivais mon père entraîneur, j’ai fini à Poitiers, qui est une ville de volley. Donc pour le foot, c’était pas facile. Si on était resté à Fréjus, peut-être que je n’aurais pas fait de volley. Mais dès mon premier tournoi, on m’a détecté. Au football, pour être repéré, il faut avoir de la chance, être là au bon moment. Au volley, on te fait rapidement jouer dans des tournois nationaux, voire internationaux. Mais s’il n’y avait pas eu le volley, j’aurais continué à jouer au football, même sans en faire mon métier.

Tu es grand, tu as de la détente, tu sais utiliser tes mains, tu n’as jamais pensé à jouer gardien de but ?

J’ai joué au goal pendant mes deux dernières années de foot, mais c’était à cause d’une blessure faite au volley. Je ne pouvais plus courir, j’avais les genoux défoncés. Et à cette époque-là, le foot commençait à prendre moins d’importance dans ma vie. Et je ne me plaisais pas trop à ce poste !
Un de mes coéquipiers à Modène, Bruno Rezende, est brésilien et c’est l’un des meilleurs potes de Neymar.

Et pourtant, tu as repris une licence dans un club de football il n’y a pas si longtemps. Comment ça s’est passé ?

C’était après la naissance de mon fils, il y a un an et demi. Je suis parti jouer en Russie et c’était compliqué là-bas de le faire venir, lui et ma compagne. Donc je suis parti du club, car je ne me sentais pas de terminer la saison. Je n’ai pas pu rejouer au volley tout de suite, il y avait des complications avec la Fédération internationale comme je m’étais barré. Je ne pouvais pas retrouver une place avec un club pour des questions d’assurance, et en plus les mondiaux de volley approchaient. Alors j’ai rappelé les vieux potes, et j’ai repris une licence dans un club de football, aux Trois Cités, à Poitiers. Mais sur les quatre week-ends où il y avait des matchs, à chaque fois je n’ai pas pu jouer car les rencontres étaient annulées à cause de la pluie (rires) ! Ensuite Modène m’a appelé, j’ai repris le volley, et je joue encore avec eux aujourd’hui.

On te voit parfois mettre le pied pour défendre, au volley, ce qui est un geste autorisé. Tu le tentes plus facilement que les autres parce que tu as fait du foot ?

On est quelques-uns à avoir fait du foot ! Dont mon coéquipier en équipe de France, Julien Lyneel, qui a joué avec le centre de formation de Montpellier. C’est vrai que celui qui n’a fait que du volley, instinctivement, il va aller chercher la balle avec la main. Ceux qui ont fait du foot, on va tenter de mettre le pied.

Et tu envoies la balle où tu veux ?

Quand il y a de la chance !

Et avec tes collègues fans de foot, vous jouez un peu ?

Le coach de l’équipe de France, Laurent Tillie, est là depuis trois ans. Avant, il entraînait Cannes. Et là-bas, à chaque fois qu’ils faisaient un foot, il y avait un blessé. Il y en a un qui s’est cassé le nez, un autre qui s’était fait les ligaments… Donc quand il est arrivé, il a dit « On ne fera jamais de foot ! » (rires).

Ta passion, tu peux quand même l’exprimer en allant au stade de temps en temps ?

Avant la Russie, je jouais à Cuneo, c’est juste à côté de Turin, donc je suis allé les voir pas mal de fois. À Modène aussi, j’y vais souvent, même si c’est de la deuxième division. Quand j’étais à Tours, j’allais aussi au stade, c’était l’époque où il y avait Olivier Giroud.

Et tu as pas mal bourlingué en France, tu arrives à avoir un club de cœur quand même ?

Je suis pas trop équipe, mais si je devais en dire une, c’est facile, mais je mettrais Paris. C’est eux qui font le plus rêver, et qui vont le mieux nous représenter en Ligue des champions. Après, à l’époque, j’étais fan d’Auxerre. Kapo, Mexès, Boumsong, Djibril, toute cette équipe.

La Ligue mondiale de volley s’est déroulée au Brésil, tu as eu le temps de t’imprégner un peu de la culture foot là-bas ?

Non, pas trop. On avait des matchs presque tous les jours, et tu es dans une bulle. Mais un de mes coéquipiers à Modène, Bruno Rezende, est brésilien et c’est l’un des meilleurs potes de Neymar. C’est un fan absolu de football, et quand j’en parle avec lui, je comprends à quel point c’est religieux là-bas !
Le MVP de la Ligue mondiale, c’est le MVP de la finale. Ce titre ne prend pas en compte les performances en club. Donc il ne faut pas faire le raccourci avec le Ballon d’or

Tu as également des liens avec d’autres sports de balle. Le basket par exemple, par ton prénom, Earvin, qui est celui de Magic Johnson…

Oui, ça, c’est un choix de mon père. Il est fanatique de Magic Johnson, j’ai vu toutes ses cassettes en noir et blanc ! Moi, ça m’intéresse, mais moins. J’aime suivre la NBA, mais je n’arrive pas à suivre le championnat de France. J’ai essayé de jouer aussi, et j’ai voulu en faire, mais je ne pouvais pas tout faire et mon père m’a dit qu’il fallait choisir.

Le volley est un des sports de balle les moins médiatisés en France, loin derrière le football, le basket, le handball, le rugby. Tu penses que vous pourrez rattraper ce retard ? Et si oui, comment ?

La solution, c’est de gagner des titres ! Le foot, c’est un autre monde, mais il y a quand même eu une explosion après la Coupe du monde 98 et l’Euro 2000. Au handball, ils ont tout gagné depuis des années. Même au basket, ils sont régulièrement médaillés. Nous, on a gagné notre premier titre en 70 ans. Et on est conscients d’avoir un groupe qui peut continuer à être performant. On sent qu’on change de statut, mais ça fait bizarre. Quand on est rentrés de la Ligue mondiale, il y avait des gens qui nous attendaient à l’aéroport, on était choqués !

Tu as été élu MVP de cette Ligue mondiale. Est-ce qu’on peut comparer ça à un Ballon d’or en football, ou pas du tout ?

C’est compliqué. Le MVP de la Ligue mondiale, c’est le MVP de la finale. Donc il faut déjà y accéder. Et contrairement au Ballon d’or, c’est un titre qui ne prend pas en compte les performances en club, ou ce que tu as fait le reste de la saison. Donc il ne faut pas faire le raccourci.

Tu es un joueur hyper spectaculaire, et tu tentes souvent des gestes de folie. Y a-t-il des footballeurs qui te font aussi vibrer pour leur sens du show ?

J’adore Pogba. Et je dirais Fekir aussi. Et aller, un troisième, pas français… Eden Hazard.

Ton autre passion à côté du sport, c’est la musique, et tu rappes. Le plus grand footballeur/rappeur de tous les temps est bien entendu Youri Djorkaeff. Un featuring à prévoir ?

Djorkaeff ? Je savais même pas qu’il avait fait du rap ! Vraiment ? Non, si je devais citer un autre sportif qui rappe, je préfère Teddy Tamgho. Après, lui quand il rappe, il parle de sport. Moi, je fais pas du rap parce que je suis sportif, et je parle pas de ça. J’en fais parce que j’aime ça. Quand j’ai du temps libre, je retrouve mes potes au studio, parfois on fait un clip. Mais je veux pas en faire mon métier. Et j’avais pas vraiment aimé ce qu’avait fait Tony Parker non plus ! Mais il a réussi à avoir un featuring avec Booba et Fabolous. Moi aussi, je veux ma chanson avec Fabolous (rires) ! Si t’as leur contact, tu me dis, hein (rires) !
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