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EA Sports FC 24 : la mixité au grand jour
Alors qu'EA Sports FC 24, qui remplace FIFA, sort vendredi, l’arrivée des joueuses sur le mode de jeu « Ultimate Team » qui devient donc mixte ne fait pas que des heureux. Si certains y voient une excellente idée, d’autres ne la comprennent pas. Alors que le jeu n’est pas encore officiellement sorti, certains dérapages sexistes se sont déjà produits.
« Désolé Eugénie (Le Sommer), mais l’important c’était la victoire, t’étais mieux sur le banc apparemment. (Rires.) » Ces mots sont ceux de RocKy alias Corentin Chevrey, champion du monde de FIFA 2017 et double champion de France, qui réagit à un message envoyé par la meilleure buteuse des Bleues, pestant gentiment d’avoir été remplacée par le gamer dès le début d’une finale de Draft – une compétition dans le mode de jeu FUT24. Si la séquence peut faire sourire, elle montre aussi une certaine réticence à jouer avec les avatars virtuels des footballeuses. Pour la première fois de l’histoire de la licence, 1600 cartes de joueuses sont disponibles sur le mode Ultimate Team sur EA Sports FC 24. Les équipes peuvent donc désormais être mixtes. Sur le papier, cette apparition est une évolution – même si les femmes étaient déjà intégrées dans le jeu vidéo de football le plus connu de la planète depuis 2016 –, mais manette en main, beaucoup restent sceptiques et plusieurs attitudes misogynes commencent à émerger.
Sexisme, équipe 100% féminine et cote de popularité
Dernier exemple en date : un TikTokeur a eu la brillante idée de faire un « top 5 des joueuses les plus moches » sur le jeu, produit culturel le plus acheté en France l’année dernière, chose qui n’a jamais été faite pour les hommes, avant de faire celui des « joueuses les plus fraîches ». Un contenu de mauvais goût parmi tant d’autres que dénonce Marine Lacape sur X. « Il y a eu énormément de réactions sexistes sur la présence des femmes dans le jeu », pointe cette joueuse de FIFA depuis 2009. « Je ne veux pas regarder si c’est un gars ou une fille avant de le ou la choisir, on s’en fout du genre ! Mais simplement opter pour celui ou celle qui a les meilleures stats. Sam Kerr, qui est meilleure que 80% des attaquants, ne sera pas jouée par un grand nombre de joueurs juste parce que c’est une femme », assure celle qui va opter pour une équipe 100% féminine pour « embêter certains et leur prouver que les cartes des filles n’ont rien à envier à celles des garçons ! »
La question des statistiques est une donnée centrale dans cette équation. Champion de France de la e-Ligue 1 depuis trois ans, Fouma a été agréablement surpris par cet ajout qu’il n’attendait pas. Selon lui, les cartes féminines auront tout à fait leur place dans la compétition, mais à des positions bien précises : « Pour en avoir testé quelques-unes, elles seront utilisées surtout en attaque et sur les côtés, car elles sont plus fines que les hommes, plus vives et agiles. En revanche défensivement, comme elles sont petites, c’est plus compliqué pour les duels », assure le joueur professionnel du FC Lorient.
Et sinon, on en parle quand de la misogynie des joueurs & streamers Fifa Ultimate Team ?
Parce qu'il est maintenant possible de pack des joueuRs ainsi que des joueuSEs, alors voilà ce que ça donne. (Le jeu n'est pas encore sorti 🙃) pic.twitter.com/slsPujB6W2
— Oserv Ady (@AdyAdy__) September 21, 2023
Au-delà de cet aspect purement technique, cette nouveauté va faire grimper la cote de popularité de certaines footballeuses, d’après Quentin Mengual, présentateur et commentateur sur le jeu depuis plusieurs années. « Le fait d’avoir des féminines sur FUT va permettre à la communauté de découvrir des footballeuses méconnues et de les starifier, pointe-t-il, avant de rappeler que la mixité sur ce mode n’est pas si incohérente. Il ne faut pas oublier que FIFA – désormais EA Sports FC 24 – est un jeu très libéré : l’année dernière, j’ai commenté les championnats du monde de FIFA et beaucoup jouaient avec Gianluigi Buffon en défense centrale, Hugo Lloris milieu défensif et Petr Čech en attaque. Il ne faut pas oublier que dans le jeu vidéo, il y a jeu, et que c’est fait pour s’amuser. »
Camille Abily : « C’est une avancée »
Ce n’est pas Camille Abily qui dira le contraire. Fraîchement nommée « icône » (carte spéciale blanche qui représente les légendes du football), l’ancienne milieu de l’équipe de France est fière d’être sur EA Sports FC 24, mais pour elle, l’essentiel est ailleurs. « C’est ultra positif pour le football féminin, car il y a du travail à faire au niveau des mentalités, donc se dire qu’à travers ce jeu, qui est mondialement connu, des petits garçons ou des petites filles peuvent voir que les joueuses existent, peu importe s’ils jouent avec ou pas, et potentiellement avoir envie de voir évoluer celles-ci en vrai. C’est une avancée », assure celle qui a porté le maillot des Fenottes pendant onze ans avant d’ajouter : « Plus jeune, mes idoles c’était des garçons, pourtant à l’époque, j’aurais aimé pouvoir m’identifier à des Marinette Pichon. C’est pour ça que la démarche du jeu d’intégrer les féminines, c’est top, c’est un premier pas avant pourquoi pas pour certains d’aller au stade. On avance ! »
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Un bon pas en avant donc, mais alors que le jeu n’est pas encore sorti, certains comportements interpellent déjà. Sur les 20 cartes les moins bien notées par la communauté sur le site de référence Futbin, 19 sont des joueuses. Celle qui récolte le plus de dislike est la championne du monde américaine Megan Rapinoe, connue pour sa lutte contre les discriminations. Autre signal inquiétant, Ada Hegerberg a été cyberharcelée après que son avatar dans le jeu a subi des bugs. La première Ballon d’or féminine de l’histoire a republié en story les insultes reçues sur son compte Instagram pour les dénoncer. Malgré ces débuts préoccupants, Quentin Mengual croit en une amélioration dans quelques mois. « Le changement est toujours perçu de manière positive ou négative selon les parties, mais avec le temps, quand c’est quelque chose d’imposé et qu’il y a des libertés, ce sera mieux accepté, abonde l’un des nouveaux chroniqueurs sur la chaîne L’Équipe. La défiance va durer un petit moment au départ, mais à terme, cela va être normalisé. » De son côté, Camille Abily reste optimiste malgré tout : « On va pouvoir agir sur les plus jeunes. Pour les personnes plus âgées, je ne suis pas sûre que ce soit possible, parce qu’ils ont certaines certitudes. Mais même s’il n’y a que 20% des utilisateurs initialement sceptiques qui sont convaincus, c’est déjà ça ! » Ou alors ils pourront continuer à jouer avec une doublette Pelé-Modric au milieu en trouvant ça tout à fait cohérent.
Par Thomas Morlec
Tous propos recueillis par TM, sauf mentions.