- Allemagne – Coupe d'Allemagne – Dynamo Dresde/Borussia Dortmund
Dynamo Dresde, envers et contre tous
Le club le plus populaire d'Allemagne de l'Est a toujours trimé pour survivre, luttant hier contre les méthodes de la Stasi et l'exil de ses meilleurs joueurs, aujourd'hui contre une crise durable et les débordements de la frange la plus bourrine de ses supporters. Malgré tous ces éléments défavorables, le Dynamo Dresde reste une institution qui a l'occasion d'inscrire une nouvelle page de son histoire ce soir en Coupe d'Allemagne contre le Borussia Dortmund.
La dernière fois que le Dynamo Dresde et le Borussia se sont affrontés, c’était le 25 octobre 2011 à Dortmund, déjà pour le compte de la Coupe d’Allemagne. Les locaux l’avaient emporté 2-0, à l’issue d’un match émaillé de nombreux incidents, tous du fait des supporters visiteurs : coup d’envoi reporté d’un quart d’heure, trois interruptions par l’arbitre et une sortie du stade houleuse, la faute à des objets balancés sur la pelouse, des fumis craqués n’importe comment et des affrontements avec les forces de l’ordre à coups de tessons de bouteilles contre bombes lacrymogènes, se soldant par deux blessés du côté des flics, quinze interpellations chez les fans et un parcage visiteur considérablement endommagé (toilettes incendiées notamment), entraînant 150 000 euros de réparation. « Nous avons ruiné notre réputation en Allemagne, c’est une évidence » , avait réagi, atterré, le président du Dynamo, Andreas Ritter. Une prise de conscience qui n’a pas vraiment été suivie de changements, le club est-allemand se distinguant toujours régulièrement par le comportement d’une frange non négligeable de ses supporters, lesquels ont par exemple récemment mis à sac les wagons qu’ils occupaient dans un train qui les emmenait soutenir l’équipe en déplacement. Autre exemple le 11 mai dernier, quand le Dynamo s’incline 2-3 à domicile dans un match capital pour le maintien en D2 face au Arminia Bielefeld. La réaction des ultras en tribune ne se fait pas attendre avec l’apparition d’une banderole à l’attention des joueurs avant même le coup de sifflet final, sur laquelle était marquée un menaçant : « Vous avez une heure pour quitter la ville » . Ouch.
Plus de 22 000 spectateurs de moyenne en D3
Mais réduire le public de Dresde à sa frange la plus extrémiste serait injuste. Car dans la capitale de la Saxe, il n’y pas que les hools pour aimer le football et le Dynamo. Tout le monde se rend au Rudolf Harbig Stadion, même quand les saisons décevantes s’enchaînent. Alors qu’il a donc été relégué en D3 au printemps dernier après trois exercices consécutifs en 2. Bundesliga, le Dynamo est actuellement soutenu par plus de 22 000 spectateurs de moyenne à domicile, soit l’équivalent de la septième affluence de Ligue 1 ! Lors de son premier match de Coupe d’Allemagne en août dernier contre Schalke 04, l’enceinte était pleine, avec près de 30 000 personnes pour assister à un exploit : victoire 2-1 et qualification fêtée dans une ambiance incroyable. Preuve que le Dynamo reste la fierté du football est-allemand, le club le plus populaire de l’ex-RDA, celui que beaucoup rêvent de voir retrouver les sommets.
Il est l’antithèse du RB Leipzig, projet monté de toutes pièces par la firme Red Bull dans l’autre grande ville du coin. Le SGD – pour « Sportgemeinschaft Dynamo » – semble pourtant durablement englué dans les bas fonds, loin du strass d’une Bundesliga inaccessible à des clubs est-allemands pillés au moment de la chute du mur et qui n’ont pas su adapter leurs structures au professionnalisme à l’occidentale. Après avoir disputé les quatre saisons inaugurales de la « Buli » post-réunification, le club de Saxe n’est plus jamais parvenu à y revenir, évoluant depuis vingt ans entre la D4 et la D2, au gré des résultats sportifs et des déboires financiers. Actuellement, l’équipe en jaune et noir – si proche des couleurs du Borussia d’ailleurs – occupe la huitième place de la 3. Liga, éloigné du podium à cause d’un début d’année 2015 très poussif. Le match de ce soir arrive donc comme une belle parenthèse.
Quatre titres de 1973 à 1978
Son histoire remonte à l’après-guerre. En 1950, presque toute l’équipe de Potsdam, en banlieue de Berlin, est déménagé vers Dresde pour former le club qui prend alors le nom de SG Deutsche Volkspolizei Dresden, devenu Dynamo Dresde trois ans plus tard. Ceci explique que dès sa première saison d’activité en 1953, son succès est fulgurant, avec un premier titre de champion de RDA. Une réussite qui n’est pas du goût du funeste patron de la Stasi, Erich Mielke, qui use de ses pleins pouvoirs pour transférer cette fois l’intégralité de l’effectif du Dynamo Dresde vers l’autre Dynamo – du nom des clubs gérés par la police, d’où ces transferts arbitraires de joueurs –, le Dynamo Berlin, qu’il supporte. Un coup forcément très dur qui mettra le Dynamo Dresde au placard pour quasi vingt ans. En 1971, le club de Saxe finit par revenir en force et conquiert un deuxième titre sous la houlette de l’entraîneur Walter Fritzsch, lequel permettra à l’équipe de remporter quatre nouveaux championnats en 1973, 1976, 1977 et 1978, année de son départ.
Les seventies correspondent à l’âge d’or du club, qui dispute alors ses premières campagnes européennes. La décennie qui suit sera en revanche nettement plus frustrante, Erich Mielke reprenant les choses en main pour arranger à sa guise certains transferts et matchs, permettant à son Dynamo Berlin de gagner dix fois consécutivement l’Oberliga entre 1979 et 1988 (Dresde terminant six fois son dauphin)… Une période marquée aussi par la tentative d’évasion vers l’Ouest de trois internationaux de l’équipe : Gerd Weber, Peter Kotte et Matthias Müller, qui devaient profiter en 1981 d’un déplacement avec l’équipe nationale pour se faire la malle. Un plan déjoué par la Stasi, ce qui conduira à la suspension à vie des trois fuyards et même à l’emprisonnement du premier.
Sammer et Kirsten, derniers héros
Les derniers moments de gloire ont lieu juste avant la fin de la Guerre froide. En 1989 et 1990, le Dynamo Dresde conquiert l’antépénultième et l’avant-dernier titre de champion de RDA (le dernier sera pour l’Hansa Rostock) et enrichit également son palmarès d’une participation aux demi-finales de la Coupe UEFA en 1989, éliminant notamment la Roma en 8es avant de s’incliner dans le dernier carré face à Stuttgart, club que rejoindra peu après l’une des stars montantes du club, un certain Matthias Sammer. RDA et RFA se réunifiant, c’est l’heure du grand exil, avec d’autres nombreux départs, dont celui de l’autre valeur montante Ulf Kirsten, qui rejoint le Bayer Leverkusen. Décimée, l’équipe ne s’en remettra pas et finira donc par quitter l’élite en 1995, plus au niveau sportivement et complètement à sec financièrement. Tout juste vingt ans après, c’est donc un plaisir de reprendre des nouvelles de ce club mythique à l’occasion de ce tour de Coupe, en espérant qu’il parvienne à moyen terme à s’adapter enfin aux canons du football moderne, même si c’est loin d’être gagné…
Par Régis Delanoë