- Supercoupe d'Italie- Juventus-Lazio
Dybala, le dix en héritage
Nouveau détenteur du numéro dix bianconero, Paulo Dybala franchit symboliquement un nouveau cap avec la Juventus. Mais pour que l'Argentin reste la bandiera et la nouvelle icône du club piémontais dans les années à venir, la Vieille Dame va sans doute devoir continuer à moderniser son image et à augmenter sa force de frappe économique.
Giampiero Boniperti, Omar Sivori, Michel Platini, Roberto Baggio, Alessandro Del Piero. Soit quelques-uns des joueurs les plus prestigieux qui ont porté le numéro dix à la Juventus. Paulo Dybala le sait : à Turin, le dix a valeur d’héritage. Le voir le porter pour la première fois en Supercoupe d’Italie face à la Lazio ce dimanche ne sera ainsi sûrement pas anodin aux yeux des tifosi. Alors même que, dans un drôle de paradoxe, la volonté de l’Argentin de s’inscrire dans la durée à Turin pose encore question.
Le précédent Pogba
Pourtant, Paulo Dybala a tenu à faire les choses comme il se doit dans le Piémont. Sans se précipiter, en procédant par étapes. À son arrivée à la Juventus, l’attaquant opte pour le numéro 21. Un dossard important au sein du club, porté notamment par Zinédine Zidane et Andrea Pirlo, mais moins connoté symboliquement que le dix. Un numéro que Dybala n’aura finalement accepté de porter qu’après avoir remporté deux scudettiet disputé une finale de C1 avec les Bianconeri. Signe que, dans l’esprit du joueur, le dix se mérite. Même si, à la Juve, il a peut être cessé de désigner les joueurs comme des icônes intouchables du club. Paul Pogba, bien sûr, en constitue un exemple édifiant. Le Français s’était emparé de l’emblématique numéro après le départ de Tévez en août 2015, avant de prendre ses cliques et ses claques direction Manchester United la saison suivante. Un départ qui ressemblait presque à une évidence pour un joueur aux allures de marque vivante, peut être trop excentrique et bling-bling pour incarner le club piémontais, où la sobriété reste une valeur cardinale. Or, si Dybala est encore loin de s’être construit une notoriété et une stratégie marketing aussi colossales que celle de la Pioche, l’Argentin use – à moindre échelle – de procédés similaires pour valoriser et diffuser son image. Au « Dab » du Mancunien, l’Argentin oppose ainsi sa célébration personnelle, son « Dybala Mask » , parce que « chacun d’entre nous affronte des problèmes et des déceptions et qu’on doit les combattre comme un guerrier » En parallèle, le joueur a lancé en 2017 son propre site avec l’appui de plusieurs sponsors. Enfin, il a dévoilé la création de son logo personnel, qu’il affiche désormais sur ses chaussures.
Le chant des sirènes
De quoi se demander si le destin de Dybala ne serait pas susceptible d’emprunter une trajectoire similaire à celui de Pogba. La direction bianconera n’oublie sûrement pas que, lors de sa dernière année à Palerme, l’Argentin avait déclaré ne pas être insensible aux sirènes de la Premier League et du FC Barcelone : « J’aime le jeu de Messi, je regarde tous ses matchs… Sinon, je rêverais de jouer à Barcelone ou Manchester City. » Si la valeur marketing du joueur explose, nul doute que la Vieille Dame pourrait avoir du mal à le retenir. C’est aussi parce que la Juventus ne pouvait pas s’aligner sur les salaires monstrueux que les grands clubs de Premier League sont capables de proposer qu’elle s’était décidée à céder Pogba à Manchester United. Giuseppe Marotta, le directeur sportif de la Vieille Dame, avait ainsi anticipé le sort du milieu de terrain en 2015, un an son départ pour l’Angleterre : « Pour Pogba, le problème viendra lorsque le joueur se verra offrir un contrat qui multiplie par deux ou trois fois ce qu’il gagne déjà » . Alors qu’il plafonnait à 4,5 millions d’euros par an à la Juve, le Français en touche près de douze chez les Red Devils…
Retard économique
De fait, malgré sa bonne santé financière et ses succès sur le plan sportif, la Juve reste économiquement loin derrière les mastodontes du football européen. Dixième club le plus riche du monde, la formation bianconera affichait 341 millions d’euros de revenus en 2016, là où Manchester City, le Bayern, le Real, le Barça et Manchester United tablaient sur des gains compris entre 524 et 689 millions d’euros. Et pour rattraper son retard sur le concurrence, la Vieille Dame ne reste pas sans rien faire. Son activité sur les marchés émergents, notamment en Asie, le prouve : depuis 2015, le club ne cesse de multiplier les partenariats, comme avec le géant chinois du e-commerce Alibaba. Son changement d’identité visuelle est tout aussi révélateur des ambitions grandissantes de la direction bianconera : début janvier, le président Agnelli dévoilait le nouveau logo de la Vieille Dame, un J stylisé qui n’a pas fait que des heureux parmi les tifosi. Le nouvel emblème rompt avec les logos traditionnellement adoptés dans le football mondial et fait disparaître les symboles liés à la ville de Turin, dans une volonté d’internationaliser l’image du club. Un virage marketing plus prononcé, que la Juve sera sans doute obligée d’accentuer. Surtout si elle veut que Dybala continue d’écrire la légende du club bianconero dans les années à venir, numéro dix dans le dos.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de Guerin Sportivo et La Gazzetta dello Sport