- C1
- Quarts
- Juventus-Barcelone (3-0)
Dybala Land
Deux douceurs du pied gauche, des conduites de balle rythmées comme un tango, des célébrations animées, une bonne gueule et beaucoup de talent. Plus musical que comédie, Dybala Land ramasse l’Oscar de ce mardi soir de Ligue des champions. Toujours ça de repris à Moonlight.
Aux grands joueurs les grands matchs. Grand par la taille, Gigi Buffon aura sorti la bonne frappe au bon moment en s’imposant devant Iniesta après un caviar dingue de Leo Messi. Grand par le cœur, Giorgio Chiellini a passé sa soirée à se sacrifier devant Luis Suárez, à haranguer ses partenaires et a su profiter de l’une de ses rares autorisations de sortie pour planter un but d’un coup de casque dont il a le secret. Grand par le talent, Paulo Dybala a concrétisé la domination d’une Juventus complète et sereine, mais a également utilisé ce mardi soir comme une piqûre de rappel à ceux qui comptaient regarder Dortmund-Monaco sous prétexte que toutes les pépites du gratin du foot européen étaient en Allemagne. Respectée par les amoureux de la Serie A, la Joya a enfilé sa plus belle tenue pour ce bal continental et a montré à tous les curieux ce qu’il avait dans les pieds : de l’or. Bienvenue à Dybala Land, prenez place et laissez-vous faire : plaisir garanti pour la prochaine décennie.
Des caresses du gauche
Des superstars, on aime louer la force de travail, la volonté, l’abnégation après un parcours semé d’embûches. Mais certaines choses ne s’apprennent pas. C’est l’incroyable inégalité du talent, l’injuste loterie génétique qui a poussé Pierre Corneille à dire « qu’aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années » . S’il est surnommé le « Bijou » , Paulo Dybala le doit certainement à ce pied gauche qui a martyrisé la défense catalane. Chaussée sobrement, car l’aisance n’a pas besoin de fluo, la patte gauche de l’Argentin a d’abord envoyé une enroulée téléguidée dans le petit filet de Ter Stegen avant de remettre le couvert quelques minutes plus tard, de plus loin, donc un peu plus fort, histoire d’assurer le break. Célébration oblige, le gamin de 23 ans dégaine le « dybalamask » qui, finalement, en dit long sur le joueur qu’il est. Un masque de guerrier sur la pelouse, mais qui cache un immense sourire, celui de l’enfant qui prend du plaisir entre des grands. Celui du joueur talentueux qui, depuis son passage à Palerme, a bien compris qu’il allait distribuer le bonheur aux spectateurs comme le facteur distribue le courrier.
Non, Dybala n’est pas un gamin du futur : il est un joueur du présent. Si avec huit petits buts au compteur en Serie A cette saison, l’enfant de Laguna Larga est encore dans l’ombre du buteur en série qu’est Gonzalo Higuaín, le gaucher incarne parfaitement ce que les Italiens aiment appeler un « fuoriclasse » . Un joueur hors catégorie, au-dessus du lot. Un jeunot qui est devenu le premier joueur de la Juve depuis Tévez à claquer un doublé en C1. Un homme dont Massimiliano Allegri, pas franchement le premier venu, a dit qu’il « a le potentiel pour devenir Ballon d’or » . Un amoureux du foot qui sait que son « physique est inhabituel pour un avant-centre » et qui a « Messi pour modèle » . Leo Messi qui, contrairement à des milliers d’âmes enchantées au Juventus Stadium, n’a pas eu à payer son billet pour Dybala Land.
Par Swann Borsellino