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Dybala, la nuit du masque
Seulement 102 jours après sa dernière apparition à l'Allianz Stadium, Paulo Dybala défie la Juve à Turin, alors que la Roma affronte les Bianconeri ce samedi, pour la troisième journée de Serie A. Des retrouvailles que l’Argentin abordera avec une pointe de regret au cœur : pendant sept saisons, l’attaquant et les Piémontais se seront beaucoup aimés, sans jamais réussir à tout à fait se comprendre.
Paulo Dybala aime la Juventus et inversement. À 115 reprises, les tifosi ont pu le voir avec enthousiasme effectuer sa célébration, le « Dybala Mask » , après que l’Argentin a trouvé le chemin des filets. Celui qui a endossé en août 2017 le mythique numéro de 10 de Michel Platini et de Roberto Baggio était destiné à devenir une des légendes modernes du club, une bandiera qui devait nécessairement finir sa carrière à Turin. Finalement, la Joya a filé cet été à la Roma, achevant ainsi à contrecœur son histoire piémontaise, qui aura davantage pris les contours d’un acte manqué.
Loin des yeux, près du cœur
À l’heure de retrouver la Vieille Dame ce samedi pour le compte de la troisième journée de Serie A, le joueur sait que son bilan bianconero n’est ni minimisé ni oublié. Troisième meilleur buteur étranger de l’histoire du club derrière David Trezeguet et John Hansen, l’ex-Palermitain aura notamment emmené la Juve en finale de Ligue des champions en 2017, un parcours où son influence offensive fut prépondérante. Ses trois premières années blanc et noir furent plus globalement brillantes et couronnées de statistiques flatteuses (98 matchs, 52 buts, 21 passes décisives en Serie A). Le changement de politique sportive de la Juve le condamnera à un rôle plus subalterne et à ce qui ressemblera ensuite à quatre saisons de gâchis et de relative incompréhension. Plus éloigné de la cage à la suite du recrutement de Cristiano Ronaldo, mal servi par un milieu juventino qui ne se sera jamais remis des départs successifs du quatuor Pirlo-Vidal-Pogba-Marchisio, la Joya perd progressivement en influence. Dybala ne sera pas non plus aidé par les caprices de son corps, qui lui feront manquer 39 matchs toutes compétitions confondues, lors de ces deux dernières saisons piémontaises.
Si le projet sportif de la Vieille Dame est de plus en plus déliquescent, le joueur reste aussi le seul artiste, le seul vecteur de génie d’une équipe qui manque désormais cruellement d’audace et de créativité. Insuffisant, hélas, pour le rendre indispensable aux yeux de Massimiliano Allegri, qui ne semblait pas exactement regretter son départ du Piémont en juin dernier : « Il doit redevenir lui-même. Il y a eu un moment où il s’est laissé emporter par le fait qu’il était le nouveau Messi… Il a encore beaucoup à donner, car il a des qualités techniques extraordinaires, il peut jouer de façon divine. » De nombreux tifosi noir et blanc se sont au contraire émus du départ du technicien, à l’image de Luca Beatrice, un célèbre historien et critique d’art et de cinéma, fan de la Vieille Dame : « Je suis convaincu qu’il a écrit l’histoire récente de la Juventus, même si j’ai l’impression que lui et le club ne se sont pas compris. C’était un joueur important, certes pas mon préféré, mais j’ai un respect maximum pour lui… Je ne vais pas le siffler, mais l’encourager comme je le fais avec certains anciens. Les supporters de la Roma pourront certainement lui donner cette chaleur dont il a besoin. »
Un verre de Rome pour la route
Adulé dès son arrivée par les fans de la Magica, l’Argentin va certainement être à l’épicentre de la passion délirante qui anime toujours les fans de la Louve. Si les tribunes lui sont déjà acquises, le terrain lui offre des perspectives plus incertaines. Bridé par le football défensif d’Allegri à Turin, Dybala va devoir désormais composer avec le style rigoureux de Mourinho à Rome. Lors des deux premières journées de Serie A, l’Argentin n’aura pas totalement brillé, sans non plus délivrer des copies insipides. Le 3-4-2-1 de Mourinho lui permet d’être aligné juste derrière Tammy Abraham, dans ce rôle de 9 et demi qu’il affectionne tant. En revanche, la Louve a commencé l’exercice en cours avec les mêmes déficiences que la saison dernière. À savoir, une fluidité collective pas délirante et des circuits de passes relativement stéréotypés. Ses deux premiers succès face à la Salernitana et à la Cremonese (1-0 à chaque fois) ne sont, de fait, pas flamboyants. Par le passé, Dybala a cependant prouvé avec la Juve qu’il savait tirer son épingle du jeu dans des équipes certes remarquablement compactes et organisées, mais pas forcément adeptes du joga bonito. La Roma façon Mourinho lui offre une belle opportunité de remake, pour peut-être redevenir le joueur fabuleux de ses premières années piémontaises. Au pire, son transfert dans la capitale aura permis au joueur de se rendre compte qu’à Turin comme à Rome, les tifosi sont disposés à lui donner la même chose : de l’amour. Et c’est déjà pas mal.
Par Adrien Candau