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Dybala : « Dans la surface, tu ne peux pas attendre cinq secondes »
Paulo Dybala était de passage à Paris pour le lancement de la Tango League. L'occasion de parler jeu, tactique et Cristiano Ronaldo.
L’une des choses qui définit ton jeu, c’est ta manière de frapper la balle, la sécurité que tu as au moment de conclure. C’est quelque chose que tu as travaillé ?Je crois qu’il faut prendre un temps supplémentaire dans la surface. Souvent, tu te dis que, dans la surface, tu n’as pas le temps parce que c’est une surface réduite et qu’il y a plus d’adversaires.
Alors que c’est souvent une perception erronée, car c’est là où tu as le plus de temps. Parce que les adversaires vont hésiter à te toucher, ils savent que souvent cela fera penalty. Et le gardien, lui, est dans l’expectative, dépendant de ce que tu vas faire. Je crois que l’essentiel, c’est la concentration. Souvent quand tu t’entraînes, tu fais des face-à-face avec le gardien et tu te dis : « Facile, je la mets. » Alors qu’en réalité, il faut être extrêmement calme et concentré parce qu’il faut savoir profiter de chaque ballon. Dans un match, c’est rare d’avoir quatre ou cinq fois le ballon dans la surface comme ça peut être le cas pour certaines équipes. Nous, nous devons convertir celles que nous avons parce qu’il n’y en a pas beaucoup.
La concentration, justement, ça se travaille ? Allegri dit que c’est quelque chose que tu bossais beaucoup. Avec l’entraînement, oui. Il y a cet exercice où un centreur t’envoie un ballon et tu dois conclure en face à face avec le gardien. Tu te dis : « Je suis seul, c’est facile. » Alors que c’est dans ce genre de situation que tu dois travailler et te rendre cela facile. Tu dois conclure le plus vite possible. Parce que dans la surface, tu ne peux pas non plus attendre dix secondes ou même cinq. Tu dois donc faire comme si c’était une situation de match.
Ça n’est pas quelque chose d’inné, ce talent de finition ?Non, enfin je crois que certains joueurs naissent avec certaines caractéristiques, un don. Mais ensuite, cela se travaille. Tu peux avoir un don, mais il faut en être conscient et travailler, le développer.
Quand tu es dans la surface, il se passe quelque chose dans ta tête ? Tu visualises quoi ?J’essaie toujours de penser que je suis le meilleur, le plus fort. Je me dis que si je suis bien, concentré, je vais marquer. Si j’ai cette confiance en moi, que je suis sûr de moi, je vais réussir.
Mais tu peux voir où sont les adversaires, les sentir ?
Oui, ça tu peux le voir. Tu peux le voir en prenant l’instant qu’il faut pour regarder où ils sont avant de recevoir le ballon. La plupart du temps, uniquement avec un mouvement des yeux, tu sais. Ou avec les mains, pour voir d’où arrive l’adversaire. Il faut évidemment le faire vite, tu n’as pas énormément de temps, mais avec les entraînements et surtout les matchs, tu y arrives, tu l’apprends.
Mais par exemple à la Juve, tu sens que tu es plus leader que l’an passé ? Oui, j’essaie de transmettre de la positivité et de me comporter comme un leader aussi bien en dehors que sur le terrain. Évidemment toujours en ayant le respect dû aux plus anciens comme Chiellini, Barzagli ou Bonucci qui est revenu. Mais comme cela fait quatre ans que je suis là, je me sens un membre important de l’effectif.
Pourquoi ne tires-tu pas les coups francs, alors que tu es plus efficace que Cristiano dans cet exercice ? (Rires.) Ça a été décidé en début de saison. Quand les coups francs sont plus près du but, c’est soit moi, soit Pjanić qui nous en occupons. Si le ballon est plus loin, on sait que c’est Cristiano qui est plus à l’aise, donc on lui laisse ce rôle. Mais il y a eu peu de coups francs proches du but, donc je n’ai pas pu beaucoup les frapper.
On apprend quoi en jouant aux côtés de Cristiano Ronaldo ?
Je crois que la chose la plus impressionnante, qu’il a démontré pendant toutes ces années et pas seulement avec nous, c’est son professionnalisme. Et ce que je remarque toujours, c’est qu’après toutes ces années, il a toujours cette faim unique, cette faim de victoire après tout ce qu’il a obtenu, et cela en fait un type très fort. Il nous montre à tous qu’il faut travailler avec cet état d’esprit.
Quels sont tes objectifs cette année ? J’ai toujours dit que mes objectifs personnels étaient importants parmi les objectifs collectifs. Pour moi, continuer de travailler de cette manière en Ligue des champions est important. Et marquer plus de buts en Ligue des champions qu’en Serie A aussi, parce que je crois que cette année, la Ligue des champions est l’objectif prioritaire et si je continue comme cela, le rêve peut être encore plus proche. Et personnellement, c’est super aussi parce que si je marque beaucoup, cela signifie que ma contribution au succès est significative.
Tu as pu être critiqué après la finale de Ligue des champions 2017, perdue contre le Real (4-1). Tu en es sorti comment ? Tu as changé quelque chose après ce match contre Madrid ?C’est sûr que cette finale nous a fait beaucoup de mal, parce que nous étions confiants, convaincus de gagner, mais cela fait déjà deux ans. J’ai continué de bosser de la même manière, et les choses ont bien fonctionné depuis. Je crois que maintenant, nous sommes conscients de ce que nous pouvons accomplir cette année.
Si on parle de l’Argentine, il y a cette pression d’être, en quelque sorte, l’héritier de Messi. Parce que vous jouez plus ou moins au même poste. Cette pression, elle existe pour toi ?
Très souvent, cette pression est engendrée par les journalistes ou les gens qui disent qu’untel est le successeur de l’autre. Et cela crée une attente un peu factice. Parfois, cela engendre cette pression. Mais je ne le prends pas comme ça. Moi, j’essaie d’être moi, Dybala. Messi est un joueur qui, avec Cristiano, est très au-dessus de tous les autres. Ils sont d’un autre monde. Donc c’est difficile.
Mais en Argentine, cette comparaison a toujours existé. Il y a eu les nouveaux Maradona, les d’Alessandro, Ortega, Aimar… Et toi, d’une certaine manière, tu es un peu le premier des nouveaux Messi. Quoi que tu fasses, on va toujours te le dire.Oui, c’est certain. J’en suis conscient. Peut-être que même quand j’aurai fini ma carrière, on continuera de le dire. Donc je crois que, quand Messi décidera d’arrêter de jouer, ils se rendront compte que Messi était unique comme l’a été Maradona. Mais aussi comme Aimar, Riquelme, Di María ou Higuaín. Tous les joueurs qui sont passés ont fait leur travail et doivent être reconnus pour leurs noms et non pour des comparaisons avec d’autres joueurs qui ne sont plus là.
Propos recueillis par Arthur Jeanne et Pierre Boisson