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Dupuis : « Madagascar manque de moyens, pas d’ambition »
Nicolas Dupuis, l’ancien entraîneur d’Yzeure (CFA), auteur de quelques performances en Coupe de France, travaille depuis mars 2016 avec Madagascar. D’abord en tant que conseiller, puis de sélectionneur des Baréa depuis le 1er mars dernier. Avec comme premiers résultats une qualification pour la phase de groupes des éliminatoires de la CAN 2019, puis une autre pour le second tour du Championnat d’Afrique des nations (CHAN).
Comment passe-t-on d’Yzeure à Madagascar ?Par un coup de téléphone, un soir de mars 2016. Le manager de la sélection pour l’Europe et l’Afrique m’appelle pour me proposer d’aller à Madagascar. Au départ, j’ai cru à un canular. Mais c’était vrai. J’avais deux jours pour me décider. Il fallait donc que j’en parle à ma femme, à mes enfants, à Yzeure et à l’Education nationale, puisque je suis prof. Tout le monde m’a donné son accord. J’ai arrêté d’entraîner Yzeure le 1er mai 2016. Je n’allais pas m’installer à Madagascar, mais simplement y aller plusieurs fois par an.
À l’époque, il y avait un sélectionneur malgache, Franck Rajoanarisamba…Oui. Les premiers mois, j’avais plus un rôle d’observateur, de conseiller. Il y avait la fin des qualifications pour la CAN 2019, la Coupe de la COSAFA en Namibie avec les locaux et il fallait se projeter sur la CAN des moins de 17 ans que Madagascar devait initialement organiser et qui a finalement été délocalisée au Gabon. Comme il y avait un sélectionneur en place, j’étais plus en retrait. Mais c’était pour moi une excellente occasion de me former, dans le cadre de mes diplômes, au niveau international.
Depuis quand êtes-vous officiellement le sélectionneur de Madagascar ?Depuis le 1er mars dernier. Jusqu’à la CAN 2019. Pour l’instant, c’est un job à la mission. Comme je suis enseignant, je prends des congés sans solde à chaque fois que je pars avec la sélection, comme cette semaine, avec le match au Soudan. Mais il est possible que je signe prochainement un contrat. C’est un peu dans les tuyaux.
Depuis le 1er mars, Madagascar a remporté ses quatre matchs. Un vent d’enthousiasme souffle-t-il autour de la sélection ? Les gens sont contents, car les Malgaches adorent le foot. Vraiment. Quand la sélection s’entraîne publiquement, il y a quatre ou cinq mille personnes dans le stade. Mais attention : on a certes gagné quatre matchs depuis le début de l’année, mais pas contre de grosses équipes. On a battu Sao Tomé et Principe (1-0, 3-2) en qualifications pour la CAN, et le Malawi (1-0, 1-0) pour le CHAN. C’est bien, car Madagascar avait perdu l’habitude de gagner à l’extérieur. Mais le plus dur commence. Pour la CAN, on va affronter le Soudan, la Guinée équatoriale et le Sénégal, qui me semble intouchable. Et au second tour du CHAN, ce sera le Mozambique. On va jouer tous les coups à fond. Et essayer d’accrocher la deuxième place de notre groupe pour espérer jouer la CAN 2019.
Les Baréa en ont-ils le potentiel ?J’en suis convaincu. Les joueurs ont des qualités techniques vraiment bonnes. Ils sont vifs, rapides. Le problème, c’est qu’ils manquent parfois de puissance et de taille, ce qui pose problème, notamment dans le jeu aérien. Il y a aussi une différence de niveau entre les locaux et les expatriés, même s’il y a des gens qui sont convaincus que ceux qui évoluent à Madagascar sont plus forts. Dans ma liste pour le Soudan, j’ai pris treize expats et quatre locaux. Il y a de très bons joueurs dans le championnat local, c’est évident. D’ailleurs, ce qu’ils ont montré contre le Malawi en qualifications pour le CHAN le prouve. Mais c’était le Malawi local… Contre des équipes comme le Soudan ou le Sénégal, ce sera différent.
Les résultats, cela passe aussi par les détails qui entourent la vie d’une sélection…Le problème, ici, c’est le manque de moyens. Pas de motivation ou d’ambition. Mais on essaie d’améliorer les choses, de mettre en place un système plus professionnel, pour les déplacements, l’intendance, la vidéo, le débriefing des matchs. Il faudrait aussi qu’on dispute plus de matchs amicaux lors des dates FIFA. Après ce match au Soudan, seuls les locaux sont certains de jouer, contre le Mozambique pour le CHAN et la Coupe de la COSAFA en Afrique du Sud fin juin-début juillet. On va faire en sorte de jouer des matchs amicaux, car la prochaine rencontre officielle, ce sera en mars 2018 contre le Sénégal, en qualifications pour la CAN 2019.
Ce n’est pas facile d’avoir des ambitions…On progresse malgré tout. Madagascar est aujourd’hui 97e au classement FIFA. On va tout faire pour rester parmi les cent premiers. On peut faire des coups, comme Yzeure a réussi à en faire en Coupe de France. C’est peut-être pour cela qu’on est venu me chercher… Madagascar a déjà réussi à accrocher par le passé de grosses équipes (Égypte 1-0, Nigeria 0-0, Sénégal 2-2). Dans les compétitions africaines, les clubs malgaches obtiennent aussi quelques résultats. Ici, le championnat est professionnel, mais la plupart des clubs ont peu de moyens. Les meilleurs salaires atteignent peut-être 200 euros. Il y a CNAPS, un des meilleurs clubs malgaches, qui dispose de bonnes installations, que nous utilisons régulièrement. C’est un des mieux structurés. Il y a une volonté de faire avancer le foot malgache. Le nouveau président de la CAF, Ahmad Ahmad, est malgache. C’est plutôt une bonne nouvelle…
Propos recueillis par Alexis Billebaultt