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Dunkerque en Ligue 2 et à bon port, 24 ans plus tard

Par Florent Caffery
7 minutes
Dunkerque en Ligue 2 et à bon port, 24 ans plus tard

Les maritimes avaient pris le large avec la D2 un soir de mai 1996, après trente années de présence ininterrompue chez les pros... Près d’un quart de siècle aura été nécessaire pour revenir sur les quais d’un monde qu’ils avaient déserté. Le navire a été chahuté de tout bord, ballotté par la houle jusqu’en CFA 2 (cinquième division). Mais l’arrivée aux manettes du truculent entrepreneur Jean-Pierre Scouarnec a entre autres permis aux Nordistes de retrouver leur cap et de « sortir de l’enfer », d’après le maire.

21 mai 1996. Dunkerque, stade Tribut. L’attaquant géorgien Gia Guruli (qui terminera sa carrière à Calais) ne le sait pas encore, mais sa frappe qui finit au fond contre Mulhouse en clôture de la saison de Division 2 sera le dernier but inscrit par Dunkerque chez les pros pour les 24 prochaines années. Les hommes d’Alex Dupont s’imposent, sur la plus petite des marges. La relégation, elle, est déjà actée depuis une semaine. « Jamais, quand on descend, on ne se dit qu’il faudra autant d’années pour que Dunkerque retrouve une équipe pro, jure l’ex-technicien depuis son fief de retraité à La Turbie, près de Monaco. Nous étions un club qui n’avait pas un gros budget, on s’appuyait sur des jeunes du cru comme Jocelyn Blanchard ou José Pierre-Fanfan et des cadres. Chaque année, on se maintenait aisément. De toute façon, nous n’avions pas les moyens d’aller en D1. »

Dunkerque, en D2, représentait une institution. « Le plus vieux club de la division à l’époque, en place depuis 1966, rebondit Alex Dupont, l’homme aux 270 matchs sous le maillot bleu et blanc et enfant de Jean-Bart (célèbre corsaire de Louis XIV, originaire de Dunkerque). En 1995, contre Marseille, on fait même match nul à Tribut (2-2) avec un but de Lilian Martin devant Fabien Barthez dans les arrêts de jeu. C’était pendant le carnaval, il y avait les trois quarts du stade déguisés. De la folie. »

Deux relégations en deux ans

L’allégresse cède pourtant la place aux heures sombres : direction le National, puis la CFA (quatrième échelon) au printemps 1997 après une refonte drastique des championnats. « La chute a été rapide », poursuit l’ancien entraîneur brestois. « Un vrai purgatoire, un passage aux enfers », pour le premier magistrat de la ville, Patrice Vergriete (divers gauche). Qui y voit, à l’époque, le symbole d’une ville sur le déclin : « C’est à ce moment-là que Dunkerque a commencé à perdre des habitants, à voir ses industries de la sidérurgie continuer à plonger dans la crise amorcée dans les années 1980 tout comme les chantiers navals. » Le passage au bagne s’éternise. En 2002, ça dégringole encore d’un cran (CFA 2). Avant de remonter aussitôt sous la houlette de Nicolas Huysman, 537 matchs en pro dont un tiers à Dunkerque. Mais une décennie sera encore nécessaire pour renouer avec le National au printemps 2013 (après un nouveau passage en CFA 2, en 2010), cette fois avec Fabien Mercadal en chef de troupe.

« Il y a un public de foot, ici, insiste l’édile. Ça manquait vraiment de ne pas voir l’équipe évoluer au haut niveau. Et là, symboliquement encore, à partir de 2014(l’année où il est élu, heureux hasard, N.D.L.R.), Dunkerque a commencé à relever la tête. » Un élu qui fait l’éloge de son mandat, plutôt logique. Mais Patrice Vergriete n’a pas vraiment tort : « L’ancien maire(Michel Delebarre)cherchait un sport où Dunkerque pouvait être rapidement champion de France. L’accent et les investissements ont plutôt été mis sur le handball(l’USDK a été sacré en 2014) et le basket (avec le BCM Gravelines-Dunkerque). Il n’y avait pas d’abandon du foot, mais on ne s’y penchait pas assez. Or, il y a la place dans cette ville pour quatre grands clubs de haut niveau avec le hockey également(actuellement en deuxième division nationale). Nous nous devions d’accompagner tout le monde. » Les subventions ne partent pas à la hausse, mais la ville se démène pour un ravalement de façade des infrastructures. Le stade Tribut, percé de tous les côtés, est enfin doté d’un projet concret à quatorze millions d’euros (5 000 places sont prévues avec une tribune déjà achevée, la deuxième le sera en 2022).

Quand le maire refait l’histoire face aux joueurs

Et pendant que ça ferraille à la mairie, le club monte dans le même wagon. En 2014, le Breton Jean-Pierre Scouarnec prend les rênes après un premier bail au conseil d’administration du club : « L’idée, immédiatement, est de ramener Dunkerque à sa place. Il nous aura fallu six années pour y parvenir, mais une agglomération comme celle-ci doit avoir un club de football en Ligue 2. » En 2017, le Graal leur échappe d’un point. Suivent deux années plus compliquées (neuvième, puis onzième de National), avant la délivrance de ce printemps 2020. Dauphin de Pau à l’arrêt des championnats, mais 17 fois leader en 25 journées, Dunkerque ne l’a pas volé. « C’est magique, savoure le capitaine Jérémy Huysman. J’ai fait toute ma carrière ici et à 31 ans, je vais pouvoir enfin atteindre mon rêve : devenir pro. Tout le monde nous appelait, pour nous dire que c’était bon. Mais tant que la FFF n’avait pas communiqué, rien n’était officiel. Après 24 ans d’attente, on n’était plus à quelques heures près. (Rires.)Ramener Dunkerque chez les pros, quelle fierté… On peut s’envoler là, c’est bon ! »

Surtout qu’un an plus tôt, en mars 2019, l’USLD était à nouveau plus proche du National 2 que de la Ligue 2. « C’était compliqué », abonde le capitaine. Mais en plein hiver, alors que ça titube à Tribut, Patrice Vergriete, très proche du président Scouarnec, y va de son coup de poker. « J’ai senti le club en difficulté à ce moment-là et j’ai proposé au président d’aller parler aux joueurs de ce qu’est Dunkerque, de ce que représente cette ville. Nous n’avions rien à perdre. » Jérémy Huysman se souvient du maire « qui refait l’Opération Dynamo » (celle qui a contribué à sauver 330 000 soldats britanniques, en mai 1940), puis qui regarde chaque joueur dans le blanc des yeux pour leur assurer que le club va se maintenir. Derrière, Dunkerque rafle le derby à Boulogne-sur-Mer (0-1) puis consolide son maintien. Avant d’enchaîner cette saison avec un parcours quasi sans accroc, réalisé par une bande de minots (24,8 ans de moyenne d’âge). « Ça relève de l’anecdote, recadre Patrice Vergriete, mais je suis content d’avoir pu être utile à un moment. »

Un budget de sept millions d’euros

Désormais, « le plus dur commence », prévient Jean-Pierre Scouarnec. La structure est là (un recruteur a été embauché en 2018, Jocelyn Blanchard vient d’être nommé à la tête du développement et de la recherche), « mais il va falloir se maintenir ». Et façonner un effectif avec une enveloppe budget aux alentours de sept millions d’euros (l’équivalent de Chambly cette saison), le tout sans Claude Robin. Grand artisan du maintien en 2019 puis de l’accession cette année, le technicien ne sera pas sur le banc faute d’accord « sur différents points contractuels, d’après le président dunkerquois. C’est dommage, car Claude a fait un très bon travail. Humainement, tout collait. » Fabien Mercadal (passé par Caen, puis par le Cercle de Bruges) serait en pole pour le remplacer et « si cette solution-là était choisie, ce serait bien », glisse malicieusement Jean-Pierre Scouarnec, aussi habile dans ses affaires de logistique maritime (à Bayonne, Rouen ou encore Dunkerque) que dans ses saillies déboulant parfois sur Twitter.

« Je suis un vrai papa poule avec mes joueurs, mais un papa sait aussi remettre à sa place ses enfants. Je ne m’occupe pas du recrutement et je n’impose pas tel joueur à un entraîneur dans sa composition, mais j’aime bien dire ce que je pense. » Comme tout bon gars qui fait ses premiers pas sur la digue de Malo-les-Bains. « Cette ville, on n’a pas forcément envie d’y aller au premier abord, reprend de volée Nicolas Huysman. Mais quand on y est, il n’est plus question d’en repartir. Il y a une vraie culture locale. » « Être dunkerquois, c’est un état d’esprit et une manière de voir les choses, achève Alex Dupont. Les gens, ici, ont besoin de voir des mecs qui donnent tout jusqu’au bout. Ce sera très compliqué pour ceux qui viendront jouer à Tribut la saison prochaine, l’attente a été si longue que les Dunkerquois ne vont pas se laisser prendre comme ça. » Coriace, le Dunkerquois.

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Par Florent Caffery

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