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Dunga Dunga, le retour
Décidément, le Brésil aime les come-back. Après le retour infructueux de Luiz Felipe Scolari, la CBF a décidé de retenter le même coup avec Dunga, l'ami des médias et du football-champagne. Et surtout, un type qui garde l'épopée de 1994 dans un coin de sa tête.
La samba fait partie du patrimoine culturel du Brésil depuis près de deux siècles. Il désigne un genre musical, mais aussi une danse dont la CBF maîtrise apparemment les pas de base. Un premier pas en arrière en cache très souvent un second. Appliqué à la Seleção, cela donnerait : Scolari, champion du monde 2002 rappelé dix ans plus tard pour sauver le Brésil, est viré en 2014 pour laisser place à Dunga, vainqueur de la Copa América et de la Coupe des confédérations, mais seulement quart-de-finaliste en 2010. Au pays de la saudade, on n’aime pas regarder vers l’avant. Surtout quand on s’en prend sept dans la poire en demi-finales de sa propre Coupe du monde devant un peuple médusé. Même quand, après la petite finale, le président de la CBF José Maria Marin faisait des avances à José Mourinho, un Européen, il ne s’agissait aucunement d’une ouverture sur un autre monde, sinon d’un regard vers l’arrière, celui-là même que l’on désignait comme l’inhabituel point fort du Brésil 2014 et qui a fini par rendre les armes sans gloire contre l’Allemagne et les Pays-Bas. Désormais, la Seleção a changé d’objectif et se contentera de préserver son honneur. Pour gagner, il faut avant tout ne pas perdre. Pour gagner, il faut avoir un bloc solide. Ça, Dunga connaît. Il ne peut pas en dire autant du beau jeu. Dunga, c’est de la sueur, des tacles et parfois du sang. Un ami de Roy Keane, quoi.
Moins de buts des deux côtés
Alors, bon choix ou pas, Dunga ? Pour l’honneur de la patrie, oui. Une équipe coachée par le capitaine de la victorieuse canarinha de 1994 a très peu de chances de sortir d’un Mondial avec une fessée déculottée comme à Belo Horizonte. Avec Dunga sur le banc, jamais on n’aurait assisté au pressing aussi stupide qu’anarchique des Brésiliens face à des Teutons qui se sont fait une joie de marcher sur leurs boulevards – une habitude chez eux. Le nouveau chef d’orchestre aime quand tout est carré, quand le bloc glisse bien de gauche à droite, quand un joueur en couvre un autre pour colmater les brèches… Bref, Dunga aime la défense, oui, mais seulement si elle se met au service de l’attaque. Cette idéologie, il la tient de son mentor, le professor Parreira, avant-dernier champion du monde auriverde avec quatre milieux défensifs. Lors de son premier mandat, la formule avait payé. Certes, il y a eu cette élimination face aux Pays-Bas en 2010, mais l’échec final ne doit pas masquer les autres faits d’armes de ses troupes, à savoir les victoires en Copa América ainsi qu’en Coupe des confédérations. Le tout avec, à chaque fois, une moyenne de buts encaissés inférieure ou égale à un. Une solidité tactique qui a connu son apogée lors des éliminatoires du Mondial 2010. Le Brésil, dont le billet pour l’Afrique du Sud était validé dès la phase aller, n’avait alors encaissé que onze pions et planté 33 banderilles en 18 matchs. Enfin la Seleção de Dunga perd peu. Seulement six défaites en 60 matchs entre 2006 et 2010, soit un excellent bilan pour un type parti sous les sifflets du public et de la presse les plus exigeants de la planète.
Faire du neuf, avec du neuf
S’il ne faut pas négliger les chiffres, d’autres paramètres doivent également être pris en compte afin d’expliquer le semi-succès de « la Dengue » et d’appréhender son deuxième mandat. À commencer par la qualité de l’effectif. Son premier Brésil était nettement supérieur au cru 2014. Quand ce dernier ne disposait que du triangle Neymar, Thiago Silva, David Luiz, celui de 2006-2010 possédait en ses rangs un Kaká retrouvé, un Maicon injouable, un Lúcio ressuscité et un Luís Fabiano à son apogée. Au vu de leur âge avancé et bien que Dunga aime les vieux briscards, il est très peu probable de voir toutes ces têtes réapparaître sous les couleurs de la Seleção. La principale tâche du faux nouveau coach résidera donc dans le renouvellement d’un troupeau loin d’être vieux, mais maudit aux yeux de son peuple depuis le « Mineiraço » . Ce point précis laisse à croire que la CBF s’engage à laisser du temps à son entraîneur, car l’exercice induit l’essai de nombreux bizuts et donc du temps. Rome ne s’est pas faite en un jour, la Seleção non plus. Avec 70 joueurs utilisés au cours de son premier règne, « o capitao » ne marche pas en terre inconnue. Il n’hésitera pas à piocher jusqu’aux plus mauvais clubs de Serie A pour trouver la fourmi travailleuse qui se sacrifiera pour son projet, pour le bloc dont le centre s’appellera Neymar. Mis de côté en 2010 parce que Dunga craignait de voir le gosse choper la grosse tête, Neymar devrait recevoir les clés du carrosse de la main du boss, qui sera sans doute tenté de lui attribuer le même rôle qu’avait Romário en 1994. Celui de l’attaquant qui part en contre du milieu, pourfend les lignes et file au but pour marquer. Mais s’il veut vraiment mimer le Brésil de Parreira, il lui faudra trouver un Bebeto. Et vite. Car la Copa América commence dans un an.
Par William Pereira