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Duckens Nazon : « J’ai laissé le ballon du match chez mon père »

Propos recueillis par Analie Simon
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Auteur d’un triplé en 39 minutes pour son premier match avec Quevilly-Rouen face à Amiens, Duckens Nazon signe son retour en Ligue 2 en mode boulet de canon, avant d'affronter Dijon ce samedi. Une juste récompense pour celui qui se remet petit à petit du Covid et d’une Gold Cup complètement ratée avec Haïti. Entretien avec le Duc de Normandie.

Après ton triplé face à Amiens, tu sais que tu es entré dans l’histoire de la Ligue 2 ? Vaguement, j’ai vu des trucs sur Twitter.

Tu es le deuxième joueur haïtien à claquer un triplé lors d’un match de Ligue 2 après Jeff Louis avec l’AS Nancy-Lorraine en 2014, tu es aussi devenu le troisième joueur à marquer un triplé pour ton premier match avec un nouveau club en Ligue 2 après Nicolas Goussé au FC Nantes en 2007 et Abraham Guié Guié (Tours FC) en 2010. Et tu as marqué le tout premier triplé d’un joueur de Quevilly Rouen Métropole en Ligue 2. Qu’est-ce que cela représente pour toi ?Ah quand même ! (Rires) C’est magnifique ! C’est toujours bien de laisser sa marque quelque part, cela va traverser le temps et les époques. Même quand je ne serai plus là, on verra quand même mon nom jusqu’à ce que quelqu’un le retire ! Je suis fier et content.

Cerise sur le gâteau, tu sors sous l’ovation du stade de la Licorne !C’était fort ! Je ne m’y attendais pas, c’est une belle marque de respect du public amiénois. La seule fois que j’ai vu ça, c’était Ronaldinho qui se faisait ovationner par le Vélodrome, tu imagines (rires). C’est très flatteur, surtout qu’on a dû faire face à l’absence de public ces derniers mois. Mais quand l’ovation vient du public adverse, c’est encore mieux ! J’espère avoir donné du plaisir aux supporters et je veux répéter ce genre de performance chaque week-end. Qu’est-ce que tu as fait du ballon du match ?Tous mes coéquipiers l’ont signé et je l’ai laissé chez mon père. Je dois construire une salle où je compte mettre des maillots que j’ai récupéré en sélection ou en club et mes trophées que j’ai gagné quand j’étais gamin. Le ballon aura donc naturellement sa place.

Ton coach a dit que tu n’étais pas encore prêt physiquement, pourtant tu as fait de sacrés dégâts dans la défense amiénoise…C’est vrai que physiquement, je ne suis pas encore totalement au point. J’ai chopé le Covid il y a quelques semaines et je dois encore beaucoup travailler. Je suis quelqu’un avec un gros caractère et cela m’a aidé pour assumer la charge du match. Je me sens beaucoup mieux mais je continue à bosser avec le préparateur physique. J’ai encore quelques kilos à perdre et le club ne me lâche pas, le staff est là pour m’aider. J’espère revenir à mon maximum le plus rapidement.

La seule fois que j’ai vu ça, c’était Ronaldinho qui se faisait ovationner par le Vélodrome.

Tu as déjà marqué autant de buts que lors de la saison 2015-2016 avec Laval (trois pions lors de la saison 2015/2016), ta dernière en Ligue 2. Quels sont tes objectifs cette saison ?Le collectif reste le plus important. On ne va pas se cacher, QRM vise le maintien cette année. On est des promus, il faut rester humbles et ne pas commencer à s’inventer des vies. On a des objectifs élevés, il faut viser le plus haut possible. Individuellement, j’évite de me fixer un nombre de buts à planter. Il faut juste en marquer un maximum. Et pour réussir, il faut que je me donne les moyens.
Tu as beaucoup voyagé ces dernières saisons (Inde, Angleterre, Belgique, Écosse). Revenir en France, c’était une évidence ?Pas du tout, car j’avais de nombreuses opportunités à l’étranger. Le coach (Bruno Irlès) a su me convaincre, il m’a dit que je trouverai à QRM la stabilité que je cherche sur une courte période. Je me suis dit que j’allais apporter un plus à cette équipe. Au départ, je ne devais même pas signer à QRM, cela s’est fait au dernier moment. Je suis content de mon choix, même si j’ai eu des contacts en Espagne, en Belgique et dans d’autres clubs de Ligue 2. Je me suis entretenu avec les coachs des « plus grosses écuries ». J’ai aussi sondé à droite à gauche et je n’ai eu que des avis positifs de Quevilly-Rouen.

La météo faisait partie des critères ?(Rires) Même pas ! Qu’il pleuve, vente ou neige, ce n’est pas ça qui va m’empêcher de marquer des buts. La météo est plus pénible pour les supporters, pas pour moi. C’est eux qui doivent endurer tout ça dans les tribunes. Parlons un peu de la sélection. Cette élimination en phase de poules de la Gold Cup, c’était une déception après la demi-finale perdue face au Mexique il y a deux ans ? C’est frustrant, bien sûr. Mais beaucoup de choses ont changé, c’est dommage. On avait réussi à créer une famille qui devait perdurer sur une longue période. En 2019, on était arrivé à la concrétisation. Le refrain est bien connu, quand tu réalises une performance exceptionnelle, c’est difficile de reproduire la même chose. Il faut relever la tête pour reproduire la même perf’. Contre le Mexique il y a deux ans, on s’est fait voler ! Tout le monde disait qu’on ne méritait pas de sortir comme ça. Il y a eu un penalty plus que discutable sifflé, mais c’est le foot. Pour cette édition, il faut l’oublier et se focaliser sur la prochaine.

Tu es devenu le troisième meilleur buteur de l’Histoire de la sélection (24 pions). Tu vas le battre le record de buts d’Emmanuel Sanon (47) ?J’aimerais ! Je m’en sens capable, j’ai 27 ans, j’en ai encore sous la pédale. Après, à son époque, ce n’étaient pas du tout les mêmes adversaires. Si j’avais joué à son époque, j’en aurais mis 70 ! Je vais me donner les moyens et je garde cet objectif dans la tête à chaque fois que j’enfile le maillot d’Haïti.

C’est quoi ton rêve ultime avec Haïti ?Participer à une Coupe du monde, c’est le rêve de tout footballeur. Après, une finale de Gold Cup, c’est pas mal aussi. Remporter un titre avec Haïti, ce serait le Graal. Ce serait un beau cadeau pour le public haïtien. Là-bas, les gens sont dingues de foot, c’est leur vie. Quand la sélection joue, la vie s’arrête, tout le monde regarde le match. C’est quelque chose qui nous dépasse. Le football haïtien doit encore se développer. J’aimerais vraiment que de plus en plus de joueurs quittent le pays pour aller jouer en Europe. La situation du pays fait que c’est compliqué à cause de la sécurité. Je reste optimiste pour que cela change.
Qu’est-ce qu’il faudrait changer justement ? Beaucoup de choses… Il faut d’abord avoir les infrastructures, investir dans le foot. C’est bien d’avoir les joueurs, mais il faut que cela suive derrière avec les infrastructures, l’éducation. Cela manque en Haïti et j’aimerais vraiment participer au développement du foot là-bas. Il faut savoir qu’en Haïti, rien n’est facile quand on veut faire quelque chose.

Si j’avais joué à l’époque d’Emmanuel Sanon, j’aurais mis 70 buts.

En avril dernier, tu annonçais sur Twitter investir pour un projet en Haïti, tu peux nous en dire plus ?Je ne peux pas en dire plus, juste préciser que c’est en rapport avec le tourisme et que ce sera en bord de mer. C’est un immense projet que j’espère concrétiser. Cela permettra de mettre Haïti en lumière, c’est du lourd !

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Propos recueillis par Analie Simon

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