Venant de Saint-Étienne, vous êtes presque obligés d’avoir une attirance foot… Sainté ?
Aurélien Zoho : De toute façon, t’as pas le choix. T’es dans un bain de foot à Saint-Étienne…Grégory « Zigo » Mavridorakis : Même si t’es pas footeux, à Saint-Étienne tu dois au moins aller une fois au stade. AZ : En plus, on est tous les deux nés en 79, à une époque où Saint-Étienne… avait une autre aura quoi.
Vous y alliez avec qui ? Parents ? Amis ?
GM : Il y a forcément un moment où tu as la curiosité d’y aller, de toute façon. Saint-Étienne est une vraie ville populaire qui s’est construite avec les mines, les usines et le stade Geoffroy-Guichard ! Historiquement, ce stade est un pôle populaire de Saint-Étienne où les travailleurs se retrouvaient…AZ : Le stade est même placé à côté des usines et des mines stéphanoises qui alimentaient la ville à l’époque.GM : On est tous attachés à cette histoire.
Et c’est facile de déserter cette route du foot pour se lancer dans la musique ?
On parle beaucoup de foot à Saint-Étienne, mais il y a un très bon terreau culturel aussi : la musique alternative, le reggae, la plastique, la vidéo.
AZ : C’est jamais facile, mais je pense que c’est le lot de la province. On est un groupe qui a décidé de se lancer de son côté, mais sortir d’une petite ville comme ça nous a appris à être indépendants, à découvrir ce milieu de la musique par nous-mêmes sans avoir besoin de personne. Et puis on parle beaucoup de foot à Saint-Étienne, mais il y a un très bon terreau culturel aussi : la musique alternative, le reggae, la plastique, la vidéo… L’air de rien, cette petite ville produit pas mal de choses !GM : Et cette capacité de faire avec peu de moyens… Pour ramener les choses à Dub Inc, quand on joue à Saint-Étienne, on sent la fierté du public d’avoir des enfants du pays. C’est vraiment la même chose au stade, on a l’impression d’avoir des supporters qui nous accueillent parce qu’ils se sentent représentés par nous… Et j’y pense : parfois, il y a des morceaux à nous qui sont diffusés avant le match au stade.
On vous a déjà demandé de créer une chanson pour le foot ?
AZ : Ça a déjà été une envie pour moi, mais on n’a jamais su trop faire ça… Et puis bon, on ne veut pas trop mettre ça en avant non plus : quand on joue à Lyon, ça se passe très bien ! Ça pourrait casser quelque chose si on perdait ce côté fédérateur.GM : En revanche, dans notre prochain album So What, on a un morceau, « Exil » , qui parle du passé de nos parents stéphanois… Si on doit faire une chanson sur notre ville, ça sera plutôt sur l’histoire de nos parents immigrés et travailleurs. C’est plus important pour nous. Mais attention, on ne rejette pas le foot : on a de bons contacts avec Loïc Perrin, par exemple. Il vient régulièrement à nos concerts quand on est dans la région.
Il vient vous voir après les concerts ?
GM : Ouais, on a appris une fois qu’il venait régulièrement, on l’a donc invité à manger avec nous. Il y a 300 mètres entre le Zénith de Saint-Étienne et le stade, et un jour, il est même venu après un match. Avant lui, il y avait eu Efstáthios Tavlarídis. C’est toujours chouette de savoir que même dans le milieu du foot, on peut intéresser des joueurs.
Vous parlez de quoi avec les footballeurs ?
Footballeur professionnel est le métier qui fait rêver le plus les Français, donc on leur pose des questions sur l’argent, sur le fait d’être adulé par 40 000 personnes à chaque match.
GM : De la vie de tous les jours. On parle un peu de foot, il nous parle un peu de musique, puis on part sur d’autres sujets. Le tatouage par exemple. Ça s’est démocratisé par rapport au temps où les gros marins ou balourds cultivaient cette idée qu’il fallait être un gros dur pour en avoir. Désormais, c’est beaucoup plus facile d’en faire, et les footballeurs ne sont pas différents des autres : ils font leur tatouage comme tout le monde. De mon côté, je suis apprenti dans un studio qui a déjà tatoué des footballeurs, mais moi pas encore. Pour revenir à nos conversations, c’est vrai que footballeur professionnel est le métier qui fait rêver le plus les Français, donc on leur pose des questions sur l’argent, sur le fait d’être adulé par 40 000 personnes à chaque match (sic), ça suscite la curiosité.
Il n’y a pas ce côté intéressé de la foule quand elle vous croise hors de la scène ?
GM : Ce qu’il y a, avec Dub Inc, c’est qu’on ne fait presque pas d’interview, on ne passe pas à la télé ni à la radio. Du coup, on n’a pas ce côté surmédiatisé, donc à part les vrais fans qui viennent demander parfois une photo, on ne se retrouve jamais calé dans la rue comme un footballeur quand il sort du stade.
Vous avez un grand souvenir de stade ?
AZ : J’ai vu un Saint-Étienne–Monaco quand j’avais quatorze ans. Je me souviens qu’on avait gagné (rires)… en Coupe de France !
GM : Moi, j’ai vécu la saison dernière l’humiliation contre Nice avec Ben Arfa qui met un des plus beaux buts de la saison. C’est le genre de moments où tu te rends compte que certains joueurs sont vraiment des génies et où t’as l’impression de vivre un moment d’anthologie. J’étais au milieu de vrais et vieux supporters stéphanois qui s’inclinaient devant ce moment de grâce.
Avec plus d’une quarantaine de pays différents visités durant vos tournées, vous avez pu sentir l’esprit football ?
AZ : On est allés voir un match à Salvador de Bahia dans un des stades du Mondial. C’était un derby crucial pour la saison si je me souviens bien.
C’est toujours intéressant d’aller dans des stades, tu y vois chaque fois un aspect populaire d’une ville.
GM : C’est toujours intéressant d’aller dans des stades, tu y vois chaque fois un aspect populaire d’une ville. Quand on est arrivés à Salvador, le premier truc qu’on a demandé, c’est s’il y avait un match de foot. Pareil à Buenos Aires, où on n’a vu le stade que de l’extérieur en revanche. Et même s’il n’y avait personne, tu sentais la vie… Mais je regrette quand même de ne pas avoir vu un match là-bas.
Vous avez déjà vécu un derby ASSE-OL ?
GM : Oui, et même chez les jeunes. Mon fils joue en équipe de jeunes à Saint-Étienne et déjà là, il y a cette culture du derby. Tant qu’ils ne sont pas sur le terrain, ils sont copains. Mais dès qu’ils jouent, il y a presque une haine à laquelle les parents participent aussi. J’ai vécu deux derbys avec mon fils quand les gradins étaient remplis avec des gens qui hurlaient. Je n’aurais jamais imaginé ça ! Quand on n’est pas dans le foot, on se moque toujours des parents qui suivent leur enfant et crient sur le terrain. Mais quand on vit ça, on est pris dans l’engrenage. J’aime être sur le bord du terrain et voir mon fils jouer… surtout quand il est décisif dans une séance de tirs au but contre Lyon (rires).
Tu suis de près la progression de ton fils ?
GM : Oui pas mal, il va entrer au centre de formation en U12, là. Il a commencé dans le jeu où il était très nul, au point qu’on avait des fous rires sur le bord du terrain. Puis il a découvert le poste du gardien et il a aimé tout de suite. Un jour, son club a joué contre l’ASSE, il a été brillant et a été recruté. Il doit être le seul enfant dont les parents ne sont pas des footeux, donc c’est spécial, mais on le laisse assez libre.
Tu te prépares à l’idée qu’il puisse devenir pro ?
Je ne pense pas que mes parents se sont dit que je pourrais devenir musicien… et que je le serais encore à trente-sept ans.
GM : Je vois le parcours que ça doit être maintenant, donc je ne me fais pas vraiment d’illusions. Maintenant, je ne pense pas que mes parents se sont dit que je pourrais devenir musicien… et que je le serais encore à trente-sept ans. Donc je ne ferme aucune porte, le foot est aussi une école de la vie : la collectivité, le dépassement de soi…
Il a déjà des « tournées » internationales comme son père ?
GM : Ouais, je l’ai déjà suivi à Rome, par exemple. Je suis impressionné par le sang-froid de ces gamins qui peuvent déjà jouer devant 3000 personnes face à de grosses équipes. Je rêve qu’un jour, on puisse être dans le même pays au même moment pour nos deux activités !
On termine avec un match de rêve que vous voudriez voir ?
GM : Si je pouvais revivre un France-Brésil… Quand je croise des gens nés après 98, je leur dis chaque fois : « Merde, t’as pas connu ça ?! » Même pour les non-footeux, c’était incroyable ! Ici, ça a été dur après le Portugal, surtout qu’on a plein de potes portugais qui nous ont chambrés, un truc de fou !
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