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Du rififi en Indonésie

Par Matthieu Rostac
5 minutes
Du rififi en Indonésie

Ce jeudi, l'Indonésie aurait dû jouer contre le Vietnam en match de qualifications pour la Coupe du monde 2018. Aurait dû. Depuis juin dernier, l'archipel asiatique ne connaît plus aucune activité footballistique professionnelle. Pourquoi ? Parce qu'il ne faut pas mélanger sport et politique. Parole de la FIFA.

30 mai 2015. Siège de la FIFA à Zurich. L’instance du football mondial a beau être plongée dans une affaire de corruption qui implique quatorze de ses dirigeants, elle n’en oublie pas pour autant les questions à l’ordre du jour. L’une d’entre elles concerne l’exclusion de l’Indonésie des qualifications pour la Coupe du monde 2018 et la Coupe d’Asie des nations 2019 pour non-respect du règlement de la FIFA. Extrait de la sentence publiée quatre jours plus tard : « L’exécutif a décidé de suspendre la Fédération de football indonésienne (PSSI) tant que la PSSI n’est pas capable de respecter ses obligations comme le stipulent les articles 13 et 17 des statuts de la FIFA. Cette décision fait suite à la « prise de pouvoir » des activités de la PSSI par le gouvernement indonésien. » Aussi ironique soit le contexte, la FIFA est catégorique : la politique ne doit jamais entraver le sport et ses organisations. « Le gouvernement est intervenu par le biais du ministère de la Jeunesse et des Sports en bannissant deux équipes d’Indonesian Super League (ISL). C’est à la PSSI de déterminer la participation des clubs en ISL et non pas à l’Indonesian Professionnal Sports Body (BOPI), financé par le ministère des Sports » , a détaillé La Nyalla Mattalitti, président de la PSSI, au site Global Voices. « Dès le 19 février 2015, la FIFA a envoyé une lettre rappelant à toutes les parties, BOPI inclus, de ne pas faire d’ingérence au sujet des règles du football, notamment l’attribution des licences aux clubs. »

Une Fédération plus reconnue par le gouvernement

Les deux clubs en question sont le Persebaya Surabaya et l’Arema Cronus, sommés par le BOPI de « clarifier la situation de leur propriété » , dans une Indonesian Super League qui vient tout juste d’être renommée QNB League. Si l’Arema Cronus a choisi de suspendre toutes ses activités suite à cet avertissement, la PSSI et le Persebaya Surabaya ont ignoré le BOPI. À dire vrai, ce n’est pas la première fois que la Fédération de football indonésienne doit faire face à la « concurrence » . En 2013 déjà, l’Indonesian Soccer Rescue Committee et son championnat rival contestaient la suprématie de la PSSI. L’incident s’était soldé par une fusion des deux ligues et fédérations. Cette fois-ci, pas d’accord à l’amiable. Parce que l’agence privée BOPI est soutenue par le ministre de la Jeunesse et des Sports Imam Nahrawi, lequel a sciemment choisi de ne plus reconnaître officiellement la PSSI comme l’instance légataire du ballon rond en Indonésie après l’avertissement.

Et la situation n’est visiblement pas près de changer. En mai dernier, le tout récent président indonésien Joko Widodo – intronisé le 20 octobre 2014 – a soutenu l’action dans les colonnes du Jakarta Post : « Peu importe que nous soyons absents des compétitions internationales pendant un moment, tant que cela nous rapporte gros à l’avenir. J’ai confiance lorsque les réformes sont faites, nous allons aller de l’avant. » C’est un fait : l’Indonésie ne supporte plus de jouer les rôles de bouche-trou en zone Asie et, de fait, souhaite changer les règles dictées par la PSSI qui, comme le rappelle Mattalitti, « ne reçoit aucun financement de la part de l’État » . Dans les chiffres, les Merah-Putih ne se sont plus qualifiés pour une Coupe d’Asie des nations depuis 2007 et, d’une 91e place du classement FIFA en 1998 et 2001, sont descendus à la 159e place en 2014.

Plus aucun match officiel joué depuis juin

Si ce pugilat qui oppose le gouvernement et la PSSI ne gêne pas outre mesure les nations extérieures, elle fait en revanche énormément de dégâts intra-muros : « suspendue » par le gouvernement depuis mi-avril, la PSSI a décidé à son tour de suspendre son championnat après la troisième journée. En somme, depuis juin et les Jeux d’Asie du Sud-Est, plus aucune équipe indonésienne, qu’il s’agisse d’un club ou d’une sélection, n’est en mesure de jouer un match officiel. Premières victimes de ce chômage technique ? Les joueurs. Dans un championnat pas forcément réputé pour payer ses effectifs en temps et en heure, plusieurs clubs professionnels ont choisi de dissoudre leur équipe. Si le Nigérian Greg Nwokolo a mis les bouts pour aller jouer en Thaïlande au BEC Tero Sasana, le Camerounais Emile Mbamba, ancien du Vitesse et du Maccabi Tel Aviv et actuellement au Persebaya Surabaya, se maintient en forme lors de tarkam, des tournois de quartier informels, au risque de se blesser. De son côté, le club de Java Oriental, objet du « délit » , poursuit son mercato tranquillement avec le recrutement d’Éric Djemba-Djemba.

Quant aux joueurs locaux, la rumeur veut que l’un d’entre eux ait accepté un job de vendeur de crabes ambulant, tandis qu’un autre aurait lancé sa propre société de restauration après la suspension du championnat. Une activité sans doute plus pérenne dans un contexte fait pour s’éterniser : si la FIFA a bien prévu d’enquêter sur ce conflit en se rendant à Jakarta, elle ne le fera pas avant octobre prochain. Parce qu’il faut soigner sa cote de popularité – la suspension du championnat ayant entraîné des manifestations un peu partout dans le pays –, le président Joko Widodo a recommencé à donner de l’opium au peuple en dépit de la suspension de la FIFA, donnant le coup d’envoi dimanche dernier de la President Cup à Bali, une compétition composée de seize équipes de deuxième division et organisée par Erick Thohir, le président indonésien de l’Inter Milan, aux quatre coins de l’archipel. Un tournoi qui fait suite à l’Independence Cup, autre compétition amicale lancée le 16 août par ce même Widodo, toujours avec des équipes de deuxième division. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Les clubs professionnels, eux, ont définitivement la gueule de bois.

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Par Matthieu Rostac

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