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Du gâchis de Ligue 1…

Par Nicolas Jucha et Quentin Müller
Du gâchis de Ligue 1…

Nouvelle coqueluche du FC Porto, Yacine Brahimi était encore il n'y a pas si longtemps un boulet au Stade rennais. Comme lui, de nombreux joueurs de Ligue 1 ont dû quitter la France pour exploser, qu'ils soient mésestimés ou incompris...

« Moi, mes joueurs de foot, je les élève comme s’ils étaient pour moi. » La remarque est de Guy Roux, version marionnette des Guignols de l’info. Si la citation peut prêter à sourire aujourd’hui, elle pourrait pourtant inspirer pas mal de dirigeants de Ligue 1 en 2014, lesquels ont parfois du mal à repérer ou aider à s’épanouir leurs meilleurs espoirs. Avec souvent en tête l’idée de les revendre rapidement plutôt que de les rendre meilleurs. Que ce soit chez les jeunes ou les joueurs confirmés, les exemples de fiascos en Ligue 1 étant devenus des tubes à l’étranger sont nombreux. Et pour beaucoup, l’argument économique ne tient pas selon l’agent Yvan Le Mée : « Le problème des clubs français par rapport à d’autres qui fonctionnent en Europe, c’est qu’on ne cherche pas à se renouveler, à tenter de nouvelles choses, et surtout, on ne sait pas valoriser nos joueurs. » Nous nous sommes penchés sur trois cas d’école : Yacine Brahimi, Grzegorz Krychowiak et Kevin Mirallas.

Brahimi, de la route de Lorient à la Ligue des champions

Le génie ignore les conditions de ce qu’il réalise et entreprend. La source de son inspiration géniale et unique lui échappe. Il peut donc choquer l’ordre établi, enfreindre le protocole, l’ordinaire et parfois aller à l’encontre de celui qui s’efforcera de le dompter. Emmanuel Kant a manifestement, en ces quelques notions, défini le cas Brahimi : joueur génial, mais génialement bazardé par Rennes. Comme on a coutume de constater en Ligue 1, Antonetti et Dréossi sont passés à côté de quelque chose. « Antonetti, c’est un nul. Brahimi, il le vend 2,5 millions à Grenade. Et à coté de ça, il accepte de mettre 4 millions quelques jours plus tard sur Sadio Diallo, qu’ils ont finalement prêté car ils se sont vite rendu compte que le gars ne faisait pas l’affaire » , s’exaspère Gilles Favard, ancien recruteur en L1. Trop petit, trop frêle et doté d’un mental friable pour le PSG, par lequel il passa furtivement de 2005 à 2006, le natif parisien va finalement humer l’air breton à Rennes. Au centre de formation, le gamin est clairement au-dessus de tous les autres et très vite, on l’intègre en équipe une. « Ils le prêtent direct à Clermont. Je suis ok avec ça, mais on lui promet qu’en cas de bonne saison en L2, on lui réservera une place de titulaire. Le petit marque 8 buts en 32 matchs, ce qui est prometteur. À son retour, il ne jouera que 20 matchs titulaires en deux ans, t’y piges quelque chose, toi ? » , s’interroge Favard. Quelques fois blessé, mais surtout souvent cantonné au banc par un Antonetti qui lui préfère Jonathan Pitroipa ou Razak Boukari, Rennes se désintéresse petit à petit de son milieu offensif.

Frustré par ses blessures et ses retours sur le pré trop courts, le joueur se renferme sur lui-même. Et devient progressivement persona non grata, symbole d’une jeunesse du ballon rond qu’on accuse de tous les maux. Antonetti, en visionnaire, glissera quelques semaines avant le déluge : « Yacine est devenu un joueur important de l’équipe. Je ne me fais aucun souci sur son avenir… D’ailleurs, à vingt-trois ou vingt-quatre ans, jouera-t-il toujours à Rennes ? » À l’affût des discordes entre les deux parties, des clubs étrangers viennent aux infos. Yacine et son agent allument alors leurs téléphones et discutent : « Je ne peux pas aujourd’hui entendre qu’un Brahimi, qui a fait 30 matchs en L1 chez nous, veuille partir, s’emportera Dréossi dans Ouest-France. C’est insupportable d’entendre : « Je ne veux plus jouer pour le Stade rennais. » Moi, j’ai envie de lui dire : « Mais qui tu es, toi, pour dire ça ? » » Le joueur s’en va finalement en Liga, où son petit gabarit et son toucher de balle soyeux feront merveille. Gilles Favard encore lui : « Comme il voulait partir, Antonetti l’avait descendu jouer en CFA. Le week-end d’après, le gars affronte le Real Madrid… C’est dire le délire ! » Pour Yvan Le Mée, agent de Romain Alessandrini, le cas Brahimi est typique du football français de club : « Brahimi à Rennes, on n’a pas su le valoriser. Le propriétaire d’Udinese a investi sur lui et l’a placé à Grenade en Espagne pour qu’il progresse. Le résultat, c’est qu’il a fait une plus-value ensuite en le vendant à Porto, qui en fera une encore plus grande après. Alors que Rennes l’avait bradé… En France, on lâche trop vite les jeunes, s’ils ne s’imposent pas. À l’étranger, dans les clubs bien structurés, si le jeune n’est pas assez bon pour l’équipe première, on continue néanmoins de le valoriser en le prêtant dans des équipes où il pourra s’exprimer… »

Krychowiak, monsieur Discount

Grzegorz Krychowiak est un cas encore différent. Repéré très jeune en Pologne, puis intégré au centre de formation des Girondins, le natif de Gryfice n’a jamais vraiment été pris au sérieux par ses entraîneurs successifs. Le joueur ne fera que deux petites apparitions au pays des vignobles. Prêté à Reims, à l’époque en National, le jeune Polonais fait des miracles, à en croire Favard : « Lui, il aurait dû percer à Bordeaux. Mais c’est, une nouvelle fois, une erreur de casting. Ils le prêtent en National à Reims où le gars fait remonter presque à lui seul Reims de National en Ligue 2 et personne ne se pose de questions. Il est ensuite prêté à Nantes où il est titulaire. Bordeaux le vendra au final 200 000 euros à Reims… Tu vois la connerie quand tu sais que le club l’a vendu 4 millions cet été. » À l’image de Lens, proche il y a quelques années d’enrôler un certain Lewandowski, Krychowiak a semble-t-il pâti de sa nationalité. Coutumière du marché africain, et souvent arnaquée sur le marché sud-américain, la Ligue 1 reste encore aujourd’hui cloîtrée dans ses a priori. En conséquence, un club aura moins d’attraits pour un joueur venu de l’Est que pour un Sud-Américain. « T’as plein de bons joueurs de l’Est qui valent rien, et nous, on s’entête à acheter en Afrique ou alors à payer une fortune pour des joueurs d’Amérique du Sud moisis. T’as qu’à regarder la Bundesliga, eux ont des filières en Europe de l’Est et ça marche plutôt bien. Par exemple, je peux te dire que le Biélorusse est une valeur montante. Ce sont de bons joueurs et ils ne valent pas un caillou. Mais c’est pas pour autant qu’il y a un club qui va être foutu d’investir dedans. Tout simplement parce que les clubs français ne connaissent rien au foot. » Gilles Favard a oublié de regarder du côté de Metz, qui a recruté avec bonheur Sergueï Krivets cet été.

Mirallas, le désaxé

Une formation au Standard Liège, des débuts en France à 17 ans seulement avec Lille… L’histoire de Kevin Mirallas en Ligue 1 débute presque comme celle d’Eden Hazard. Sauf que si ce dernier a été vendu à Chelsea pour 40 millions d’euros en 2012, son partenaire en sélection belge a quant à lui dû attendre de quitter l’Hexagone pour s’épanouir. C’était en juin 2010, quand après une saison ratée à Saint-Étienne (23 matchs, aucun but), il est prêté à l’Olympiakos. Six mois plus tard, le club du port du Pirée ne se fait pas prier pour lever une option d’achat à 2,5 millions d’euros et faire du Belge sa star pendant deux saisons durant lesquelles il plante 34 buts. Pourquoi cela n’a pas fonctionné en Ligue 1 ? Le schéma est classique. Un changement d’entraîneur d’abord, si l’on en croit les propos de l’intéressé dans le canard belge Sport/Football Magazine : « Le nouvel entraîneur, Rudi Garcia, qui avait succédé à Puel, me lance : « Je vais être honnête avec toi : si tu restes, tu joues sur le côté. » À cela, je lui réponds : « Dans ce cas, je vais être honnête avec vous, jouer sur le côté droit ne m’intéresse pas. » » Direction Saint-Étienne pour 4,5 millions d’euros et un transfert houleux durant lequel il force la main du LOSC. Paradoxe, lors de sa première saison dans le Forez, il évoluera essentiellement milieu offensif droit !

Chez les Verts, sa situation se complique vite suite au limogeage du coach qui l’a choisi, Laurent Roussey. Son caractère vif lui joue des tours, mais pas seulement. La direction à deux têtes des Verts a une double lecture du cas Mirallas : Bernard Caïazzo croit en lui, pas Roland Romeyer. Malgré tout, le joueur préfère assumer ses responsabilités quant à son fiasco sous le maillot vert : « J’étais encore un enfant quand je jouais au football en France. Je ne savais pas que le football était mon travail, je le prenais comme un hobby. La décision de quitter Lille n’était pas une erreur, mais une fois arrivé à Saint-Étienne, je n’ai pas fait ce qu’il fallait. » Des Kevin Mirallas, talentueux mais ingérables en Ligue 1 avant de devenir des valeurs sûres à l’étranger, notre championnat en compte peut-être un peu trop.

Falcao, pas assez grand ni costaud

Manquer ou laisser partir ces futurs cracks, c’est un pan de la culture footballistique française : Marseille avait refusé Javier Hernández avant le Mondial 2010, et près de deux décennies plus tôt, le PSG n’avait pas jugé bon de miser sur Roberto Carlos. On pourrait citer nombre d’autres exemples, à l’image du témoignage d’Yvan Le Mée : « Il y a 7 ans, j’ai appelé Bordeaux pour Falcao. On m’a dit qu’il n’était pas assez grand, pas assez costaud… Il coûtait 5 millions, Monaco l’a payé 60 millions en 2013. » La source du problème français est simple à identifier pour Gilles Favard : « Dans un club étranger lambda, t’as une cellule de recrutement, des scouts envoyés à l’étranger. Ce n’est pas l’entraîneur qui s’occupe de choisir ses joueurs. Le coach, il a autre chose à foutre. D’abord parce que c’est pas son rôle, puis parce que, bien souvent, un coach est incapable d’identifier les bons joueurs. En France, c’est presque tout le temps le coach qui fait le recrutement lui-même. On marche sur la tête. » Lui juge que 90 % des recruteurs et scouts français sont à jeter à la corbeille et qu’il ne suffit pas d’être un ancien joueur pour savoir dissocier un élément quelconque d’un bon. Une critique du football français qui lui rappelle le plus gros raté de sa carrière de recruteur : « Un jour, je vais voir un match de jeunes brésiliens. Je repère un milieu qui me rappelle Tigana. Je me dis « Putain, celui-là, il a clairement un truc. » Je le revois deux-trois fois, puis je vais voir mon président. Je lui dis, « j’ai un gars, il est jeune, mais je peux t’assurer que c’est du lourd, je peux l’avoir à 100% pour 1 million d’euros ». Lui est OK, au début. Je reviens le voir pour lui faire signer les papiers. Mais t’as Omar da Fonseca qui est là et lui fait son blabla. Bref, il lui conseille d’autres joueurs. Au final, le transfert ne se fait pas. Quelques années plus tard, le type est acheté 4 millions par Benfica et revendu 22 à Chelsea. T’as saisi ? C’était Ramires ! »

Dans cet article :
Griezmann, comme un poisson dans l’Atlético
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