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Ligue 1 sur DAZN : la grande déconnexion

Par Clément Gavard
4 minutes

La crise des droits TV du football français est à peine terminée qu'il a fallu constater les tarifs prohibitifs pratiqués par DAZN pour diffuser huit des neuf matchs de Ligue 1 lors de chaque journée. Un énième symbole de la déconnexion totale des décideurs, qui n'ont que faire des supporters et autres passionnés.

Ligue 1 sur DAZN : la grande déconnexion

Un jeudi après-midi passé à se lamenter de ne pas avoir de breloque bleue à se mettre sous la dent, jusqu’à celle d’argent décroché par le jeune Titouan Castryck, à Vaires-sur-Marne. Des frissons, aussi, en assistant au succès de Félix Lebrun contre le Taïwanais Yun-Ju Lin dans une Arena Paris Sud aussi bouillante qu’une soirée de canicule sans ventilo. Ainsi va la vie devant ces Jeux olympiques 2024, qui ressemblent déjà une grande réussite : on se met à vibrer devant du kayak slalom ou du ping, on devient spécialiste d’escrime, on s’ennuie un peu devant ce judo devenu aussi chiant qu‘un match des Bleus lors du dernier Euro. On se permet même de râler sur la réalisation ou le moment choisi pour la bascule sur France Télévisions, puis on se rappelle d’une chose : c’est sympa, aussi, de pouvoir s’émouvoir devant du sport à la téloche sans avoir à passer à la caisse (ou repousser la douloureuse au payer les impôts).

Au cœur de cette grande réconciliation française autour de ses champions, voilà le foot logiquement relégué au second plan, pour une fois. Ce qui n’a pas empêché le soi-disant sport roi et ses décideurs hors-sols de faire en sorte de plomber le moral des passionnés en pleine orgie olympique. Au bout du tunnel de la crise des droits TV, qui a ressemblé à un grand cirque pendant des mois, la LFP a officialisé le mariage à trois entre le duo DAZN-beIN Sports et la Ligue 1 pour la période 2024-2029. Les tarifs du nouveau diffuseur principal de notre championnat sont tombés pour ramener tout le monde à la triste réalité du foot payant. Pour avoir accès à huit des neuf matchs de L1 en direct lors de chaque journée, ce sera 29,99 euros par mois pendant un an (contre 39,99 euros mensuels sans engagement) ; un autre forfait à 14,99 euros (19,99 euros sans engagement) propose la possibilité de suivre une seule rencontre chaque week-end, sans que l’abonné ne puisse choisir lequel. Vient cette éternelle question : dans quel monde vivent ces gens-là ?

Les supporters passent en derniers

Pas dans celui où les fins de mois comme les débuts, malheureusement, sont difficiles pour des millions de Français dans un contexte économique délicat. Comment penser alors qu’il serait normal pour un fan de foot de débourser des sommes aussi importantes pour avoir la garantie de ne pas rater un OM-PSG comme un Reims-Le Havre ? Comment expliquer une hausse des prix aussi drastiques quand les droits TV de la Ligue 1 n’ont plus été aussi bas depuis le début des années 2000 ? Comment espérer atteindre le seuil de 1,5 million d’abonnés quand Amazon Prime (15 euros mensuels pour 7 matchs) est toujours resté flou sur cette donnée ? Cette succession de décisions désastreuses, synonymes de la déconnexion de nos dirigeants, conduit à la ruée vers l’IPTV et le piratage illégal, sans que l’on ne puisse reprocher aux consommateurs de se tourner vers ces derniers recours aux tarifs très abordables (voire gratuits). Ce n’est que l’une des nombreuses conséquences d’une incompétence qui s’est imposée comme une norme dans le football français.

On a pourtant toujours aussi envie de connaître le déroulé de la prochaine saison de notre feuilleton préféré : il y a quelque chose de réconfortant à retrouver nos petites habitudes, notre routine, nos clubs et leurs couleurs, nos stades et leur chaleur. La LFP, les clubs et les diffuseurs, à force de rêver de conquérir les marchés internationaux (en calant un match le dimanche à 13 heures, par exemple) en ont oublié de chérir leurs principaux « clients », ceux qui aiment sincèrement les championnats hexagonaux et les font vivre. Les programmations tardives des journées, une tradition française, ou encore le retour du multiplex de Ligue 2 le vendredi soir, à la demande de beIN Sports, viennent rappeler le manque de respect permanent fait aux supporters qui se déplacent dans les stades. Ils ne comptent pas, ils ne sont bons qu’à raquer pour se retrouver face aux acteurs de ce jeu, toujours plus inaccessibles et éloignés de sa base populaire. Les fans sont considérés comme des vaches à lait : payez, ou tant pis pour vous. Ce serait à en pleurer si ce n’était pas devenu normal et prévisible. La bulle finira un jour ou l’autre par éclater à la tronche de ceux qui conduisent à l’invisibilité de la Ligue 1, comme au déclin du foot français et de ses clubs, et il n’y aura personne pour regretter cette époque délirante. Ce vendredi devant Teddy Riner, Romane Dicko, Léon Marchand, du BMX ou de l’athlé, ils ne pourront pas venir nous le gâcher.

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