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Drogba, la dernière légende de l’OM
En dix mois à l’OM, Didier Drogba a eu le temps d’inscrire 32 buts et de se forger une légende, dans un club qui attend encore désespérément sa relève. Histoire d’une rencontre parfaite.
Juillet 2008. Ingrid Betancourt retrouve enfin le sol français après six ans de captivité en Colombie, Patrick Poivre d’Arvor est écarté du journal de 20 heures après vingt et un ans de bons et loyaux services, et Mathieu Gomila, un supporter de l’OM, lance le « Drogbathon » quatre ans après le départ de l’Ivoirien. L’objectif de l’opération : réunir les 28 millions nécessaires pour payer l’indemnité de transfert de Didier Drogba, dans le but de le faire revenir à Marseille. En une semaine, le site « www.didier-revient.com » recueille deux millions de promesses de dons. Le 15 juillet, le compteur affiche 50 millions d’euros, mais il s’agit d’une plaisanterie d’un petit rigolo qui a piraté le site. Peu importe, l’initiative soulève tout de même une réalité. Depuis 2004, et peut-être même encore aujourd’hui, chaque supporter de l’OM fantasme un retour de Didier Drogba au bercail. Car Didier fait partie des rares joueurs à avoir été élevés au rang de légende du club. En dix mois et aucun titre glané. Mais Didier, c’est bien plus qu’un trophée.
Didier Drogba, la, la, la, la, la
Didier Drogba à l’OM, c’est une saison à 32 buts en 55 matchs certes, mais aussi une modeste septième place en Ligue 1 et une finale perdue en Coupe de l’UEFA. Une belle saison, mais rien qui explique rationnellement son statut d’idole acquis en quelques mois. Et pourtant. « Pour moi, Didier Drogba n’est pas si loin de Jean-Pierre Papin dans les livres d’histoire du club. Surtout pour les jeunes générations, car c’est plus récent, plus frais dans nos têtes. Il a véritablement marqué les esprits, avec ce parcours en UEFA, ce but contre Newcastle… » , pose d’entrée Arnaud Thibault, fondateur de l’association « Massilia Socios Club » , porteur du projet de socios. L’Ivoirien, de par ses nombreux buts, est avant tout le symbole de cette épopée, la première en Coupe d’Europe depuis 1999 et la défaite contre Parme. Dniepropetrovsk, Liverpool, Inter Milan ou Newcastle, il a été décisif à chaque fois. « Il nous a amenés en finale de Coupe d’Europe à lui tout seul. On sait que c’est grâce à lui qu’on en est arrivés là, parce qu’on sait aussi que l’équipe autour était un peu anodine. C’était moyen, quoi. Et il y avait lui qui sortait du lot, qui débloquait les situations à lui tout seul, sur un geste de génie » , rappelle Arnaud Thibault. Dans le même esprit, qui voudrait que Didier Drogba porte l’OM à lui tout seul durant toute la saison, Vincent Labrune expliquait au Monde il y a quelques années que « dans l’histoire du football,(il avait)rarement vu un joueur porter son équipe sur ses épaules autant que Didier Drogba. Tout était construit autour de lui. Ah si ! Avant lui, il n’y a eu que Maradona à Naples dans les années 1980… »
L’OM à mourir
Mais si Didier Drogba est autant estimé à Marseille, c’est grâce à son attitude, son charisme et son attachement à l’OM. « Je suis arrivé à Marseille en tant que supporter. C’est comme si tu prenais le maillot bleu et blanc et que tu le donnais à un supporter en lui disant« Vas-y : réalise ton rêve. »C’est ça que j’ai ressenti en signant à Marseille et en foulant la pelouse du Vélodrome. À chaque fois que je voyais le maillot accroché dans les vestiaires, c’est comme si c’était le premier jour. Je vivais un rêve, j’étais sur une autre planète » , explique le principal intéressé dans le documentaire que lui a consacré OMtv. Et cet amour pour l’OM, Drogba n’a cessé de le crier au-delà des performances. Quand il hurle « C’est ça, l’OM » en direction des tribunes après le but de Mido contre Lille, il crie son amour à l’OM. Quand il célèbre son but face à l’Inter en grimpant sur le grillage du stade Vélodrome, récoltant au passage un jaune le privant du match retour, il crie son amour à l’OM. Quand il clame son refus de quitter Marseille, alors que Pape Diouf fait pression, il crie son amour à l’OM. Quand il balance « Allez l’OM » après son but au Parc des Princes contre Paris avec Chelsea, il crie son amour à l’OM. Et quand il est à deux doigts de fondre en larmes pour son retour au Vélodrome en 2010, il continue de crier son amour à l’OM.
La romance parfaite
« À Marseille, on a une vraie culture de club. Quand un joueur montre qu’il est amoureux de l’OM, qu’il montre son attachement, et qu’en plus il est ultra-talentueux, il crée vite sa légende. On sait que ce n’était pas du vent, cette affection qu’il nous portait. Le mec est franc, honnête et vrai » , raconte Arnaud Thibault, empli de nostalgie. En ne restant qu’une seule année à Marseille, comme un certain Marcelo Bielsa qui n’est pas loin de déchaîner autant de passion, Drogba a toujours nourri l’espoir fou d’un retour. Mais en substance, cela n’aurait pas été une bonne chose. Ce qui est beau dans cette histoire, c’est son côté éphémère. Ce coup de foudre entre un public prêt à se donner corps et âme tant qu’il reçoit des caresses, et un joueur capable de transformer cette pression en rage de vaincre, devait rester une rencontre parfaite. Sans rien derrière. Car il faudra attendre encore bien longtemps pour revivre ce 6 mai 2004. Ce but d’anthologie, et cette communion folle entre le peuple et son héros. La légende de Didier à Marseille, c’est une saison intense. Rien d’autre, et c’est très bien comme ça.
Par Kevin Charnay