Si je te dis : « Letizi, Mendy, Ateba, Dhorasoo, Landrin, Yepes, Kalou, Mbami, Rothen, Pauleta… »
(Rires) Mon premier match pro, en septembre 2005, contre Strasbourg. Le temps passe si vite… On ne peut pas oublier ça, première entrée en jeu, surtout au Parc ! Sans le PSG, je ne serais pas là aujourd’hui, ils m’ont pré-formé et formé. Je leur dois beaucoup.
C’était un PSG qui avait des difficultés…
À cette époque-là, Paris ne considérait pas trop les jeunes joueurs d’ailleurs. Pour moi, c’était un aboutissement parce que c’est ce qu’on cherche tous et qu’il faut bien un début. Ensuite, le plus compliqué, c’est de perdurer, et pour ça, il ne faut pas se contenter d’avoir signé son premier contrat, il faut bosser également, et beaucoup.
C’est quoi le PSG pour toi aujourd’hui ?
C’est devenu un club international, à tous les niveaux. Faut pas se mentir, c’est l’argent qui a fait la différence, c’est tout. Le club a beaucoup changé, maintenant il y a beaucoup de gens qui s’intéressent au PSG, hommes, femmes, jeunes, vieux alors qu’auparavant personne ne le calculait. Mais j’ai l’impression que c’est beaucoup plus people, souvent on entend « Tiens, y avait lui au stade, y avait machin » . C’est devenu un peu trop « m’as-tu vu » , mais ça fait partie du truc. Et puis, les titres sont là pour prouver que ça paye.
Et un jeune du centre de formation du PSG aujourd’hui ?
C’est plus compliqué qu’à mon époque, un jeune s’il perce, il a forcément beaucoup plus de valeur par rapport à il y a dix ans. Plus de qualité, moins de quantité. Ils en sortent, et des très bons, Rabiot ou Bahebeck, c’est très fort. Ce qui est bien, c’est qu’il y a beaucoup plus de recruteurs en Île-de-France. C’est un vivier important, et les meilleurs jeunes doivent finir chez nous et ne plus partir en province comme c’était trop souvent le cas avant.
En 2007, tu passes du PSG à Sochaux, c’était un choc, non ?
Je suis parti pour jouer, pas pour la ville, même si je n’avais connu que Paris, et franchement, je ne me voyais pas partir. Mais il y a eu un changement de coach, des visions différentes qui font que je ne suis pas resté. J’ai passé trois ans à Sochaux et j’en garde un bon souvenir, même si les débuts furent difficiles, mais je me suis accroché.
Et que conserves-tu de ton expérience quasiment blanche à la Real Sociedad en 2008-09 ?
Ce que je sais, c’est que ça m’a aidé à réussir en Italie par la suite, car après ça, je savais à quoi m’attendre et comment je devais me comporter. Et ça t’aide aussi à comprendre ce qu’affronte un joueur étranger qui débarque en France, tu ne vois plus les choses de la même manière. Le temps d’adaptation, il existe et il ne faut pas juger tout de suite.
Pourquoi choisis-tu l’Italie et le Chievo en 2011 ?
J’étais en fin de contrat avec Sochaux avec qui on n’avait pas trouvé d’accord. J’avais plusieurs propositions à l’étranger, mais je ne voulais pas signer n’importe où, j’ai voyagé beaucoup l’été 2011 pour visiter les installations, la Belgique, le Danemark, la Turquie surtout, y a au moins 30 agents qui m’ont appelé de là-bas ! Le Chievo me suivait, mais s’est manifesté assez tard, du coup, j’ai passé mon été avec la réserve du PSG. Pourtant, je sortais d’une saison pleine à Sochaux, où on avait fait 5e. En fait, on voulait d’abord me mettre à l’essai, mais j’ai refusé, car je savais que je n’avais pas le niveau physiquement. D’après ce que je sais, le directeur sportif Sartori lui était convaincu, c’est l’entraîneur Di Carlo qui avait des doutes, mais après la préparation estivale, il s’est rendu compte qu’il lui manquait un arrière-gauche et donc banco, j’ai signé.
En France, j’ai peut-être été un peu trop bridé. Je suis plus libéré ici, mais mes qualités je les ai toujours eues
Trois saisons et demie de Serie A durant lesquelles tu es devenu un des meilleurs arrières gauches du championnat…
Ah ça, je ne sais pas, mais c’est vrai que ça se passe bien et qu’il y a de bons échos sur moi en général, même si je lis peu la presse. Je n’ai pas besoin de ça pour savoir si j’ai bien joué ou pas. Le jeu que j’ai ici est totalement différent de celui que j’avais en France, quelqu’un qui ne m’a pas vu jouer depuis mon départ de Sochaux ne me reconnaîtrait pas aujourd’hui. J’ai beaucoup plus confiance en moi, tout dépend aussi du coach, de ce qu’il veut, etc. En France, j’ai peut-être été un peu trop bridé. Je suis plus libéré ici, mais mes qualités, je les ai toujours eues.
Sais-tu que depuis septembre, tu es le Sénégalais le plus capé de l’histoire de la Serie A ? C’était qui avant toi ?
Ferdinand Coly, c’est ça ? C’est l’emblème du foot sénégalais ! Tu vas au bled, même les gens qui ne suivent pas le foot, ils le connaissent. Avec ce qu’ils ont fait en 2002, son nom est resté gravé dans la mémoire du peuple sénégalais !
Titulaire en Serie A, Sénégalais le plus capé de ce championnat, pourquoi tu es ici et pas à la CAN en ce moment ?(Rires) Ah ça, il faut demander la réponse à Giresse. Quand il a pris la tête de la sélection, il avait déjà ses joueurs à gauche avec M’Bengue et Souaré, deux bons joueurs hein, ce n’est pas ça le souci, mais il est resté sur ces noms-là. En fait, on n’a jamais vraiment affronté ouvertement la question, lui et moi…
Pourtant il t’a donné ta chance en novembre ?
Oui, mais j’ai joué 10 minutes, en plus on gagnait déjà je ne sais plus combien contre le Botswana, ce n’est pas vraiment donner une chance ça… C’est bien simple, j’ai été présent en sélection quand je jouais en France, ensuite quand je suis parti en Espagne et en Italie, plus rien. J’ai fait mon retour en juin dernier lors d’un amical, puis en automne, Giresse m’appelle, mais il n’explique pas forcément ses choix.
En équipe du Sénégal, il nous manque des automatismes, une complicité, c’est à nous d’y mettre du nôtre
C’est une sélection qui connaît une période difficile depuis quelque temps.
Pourtant il y a des bons joueurs, mais je pense qu’on n’a pas réussi à faire un groupe. Regarde l’Égypte, ils ont gagné trois CAN d’affilée, mais ils n’avaient personne qui jouaient en Europe. Seulement, ils se connaissaient par cœur, ils jouaient les yeux fermés. Il nous manque des automatismes, une complicité, c’est à nous d’y mettre du nôtre.
L’été dernier, tu as donc quitté le Chievo pour l’Atalanta.
Je ne voulais pas forcément rester en Italie, mais j’avais deux offres sur la table : le Torino et l’Atalanta. Elles sont arrivées tôt, car j’étais encore en fin de contrat, et le Toro n’était pas encore qualifié pour la Ligue Europa, du coup cela n’a pas influencé mon choix. Mais je suis très bien à Bergame, c’est un très très bon club, y a rien à dire, c’est une institution. Dommage qu’on n’en parle pas plus à l’étranger.
Tu t’es d’ailleurs imposé directement comme titulaire.
Colantuono m’a mis et ne m’a jamais sorti de l’équipe, et ce n’est pas gagné vu les résultats que l’on obtient pour le moment. Car même si un joueur joue bien, le coach va chercher à changer l’équipe s’il n’y a pas de résultats et c’est normal. En plus, mon concurrent, c’est Cristiano Del Grosso, un habitué de la Serie A.
Il y a beaucoup de Sénégalais qui vivent en Italie. Tu en croises souvent ?
Bah tiens, y a pas longtemps, j’étais justement avec Boakye dans un magasin de téléphonie. Il y a un vendeur sénégalais qui entre avec son sac, et il me dit : « Alors mon compatriote, nous on suit l’Atalanta, tiens prend un bracelet, allez même deux ! » Et là il attend, en fait il m’a fait le même coup qu’avec les touristes, il me dit « Non mais c’est 5€ en fait » . Je les lui donne, et il me fait : « Non, c’est 5€ chacun, donne 10 €, on va manger une pizza avec mon pote. » Je lui réponds : « Mais attend, ce n’est même pas 1€50 au bled ! » et lui : « Ouais, mais justement, on n’est pas au bled ! » J’étais mort de rire, et je lui ai donné ses 10€. En fait, je ne sors pas beaucoup, donc je les croise peu. Il y a justement une association en face du centre d’entraînement, ils m’ont invité une fois, une petite réception, ils m’ont offert un maillot, ils étaient fiers de voir un Sénégalais réussir ici, ça m’a fait plaisir !
Dimanche dernier, tes coéquipiers et toi êtes entrés sur la pelouse avec un maillot « Je suis Charlie » . Tu as suivi les événements de près ?
Bien sûr et ça m’a touché, moi je suis parisien et j’ai même deux amis qui vivent à Dammartin, là où a eu lieu l’assaut final du GIGN et du RAID contre les frères Kouachi. C’est à côté de chez moi tout ça, on se dit que ça peut arriver à tout le monde, c’est assez effrayant.
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