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Drame de Furiani : faut-il arrêter de joueur le 5 mai ?

Par Chloé Saunier
Drame de Furiani : faut-il arrêter de joueur le 5 mai ?

Près de 28 ans après les faits, la catastrophe de Furiani continue de meurtrir la Corse. Après de nombreuses années de combat contre les instances dirigeantes du football français, le collectif des victimes du 5 mai 1992 va, peut-être, obtenir gain de cause. Ce jeudi, un projet de loi visant à sacraliser cette date solennelle sera débattu à l’Assemblée nationale.

Le 5 mai 1992, quelques minutes avant la demi-finale de Coupe de France entre le SC Bastia et l’Olympique de Marseille, la tribune Armand-Césari du stade Furiani s’effondre. Ce soir-là, elle emporte avec elle 18 âmes, en blesse 2357 autres, déchirant ainsi le cœur de la Corse, ses habitants, et naturellement celui de tout le reste de la France. Ceux qui ont assisté à la scène de près ou depuis leur télévision conservent un sentiment d’horreur toujours présent aujourd’hui. À la suite de ce drame qualifié de plus grande tragédie du sport français, le président en fonction, François Mitterrand, avait alors promis dans l’émotion : « On ne rejouera plus au foot un 5 mai. » Promesse rapidement tombée aux oubliettes. Vingt-huit ans après les faits, des rencontres sont jouées chaque année à cette date, au plus grand désespoir des victimes et de leurs familles. « Il y a beaucoup de matchs qui ont eu lieu le 5 mai, il y a même des finales de Coupes, l’Olympique de Marseille a fêté son titre de champion de France à cette date. Tout ça, c’est une douleur pour les familles qui, elles, pleurent leurs enfants au quotidien » , confie le député de Haute-Corse, Michel Castellani.

La Corse, terre de débats

De fait, depuis de nombreuses années, le collectif des victimes de la catastrophe de Furiani se bat, corps et âme, pour obtenir le gel des matchs se déroulant le 5 mai. Une initiative soutenue en masse, en premier lieu par le Sporting Club de Bastia, mais également par des personnalités sportives et des supporters de nombreux clubs. « Nous, on demande qu’il y ait des commémorations qui soient organisées en hommage aux victimes de la catastrophe et qu’il n’y ait pas de match de football un 5 mai parce que, pour nous, c’est primordial que ce jour-là, on commémore le drame. Mais ça n’avance pas, parce qu’on se heurte à des instances du football qui ne veulent rien entendre, pourtant, c’est la plus grande catastrophe du sport français, mais elles n’ont jamais tenu compte de la tragédie » , explique Josepha Guidicelli, présidente du comité des victimes. En vain, face à eux un mur, et pas n’importe lequel. Les instances de football françaises, fermées à l’idée de décaler les rencontres et de chambouler l’organisation du calendrier des différentes compétitions. Pourtant, d’après Josepha Guidicelli, cet argument ne tient pas la route, et de nombreux exemples le prouvent : « Pour eux, c’est très compliqué d’un point de vue organisationnel. Ce qui pour nous n’est pas audible. Pour prendre un exemple, lorsqu’il y avait le mouvement des gilets jaunes, ils ont reporté des matchs la veille pour le lendemain. »

Ce débat de longue date dans le football français est donc récemment revenu sur le devant de la scène. En effet, le député de Haute-Corse, Michel Catellani, appartenant au groupe Liberté et Territoire, a émis une proposition de loi qui vise le gel des journées du 5 mai du football professionnel, donc les rencontres de Ligue 1, Ligue 2 et National. Celle-ci a été adoptée à l’unanimité par la commission, la semaine passée, et sera présentée et débattue, ce jeudi 13 février, à l’Assemblée nationale. « Les représentants de tous les groupes ont discuté et ont voté à l’unanimité en faveur de cette proposition de loi. Je pense que ça se présente plutôt bien. Je ne vois pas le groupe se déjuger » , affirme le député. Un vent d’espoir souffle donc sur l’Île de Beauté.

De son côté, la Ligue de football professionnel, opposée à la sacralisation du 5 mai, prône une « alternative » à la proposition de loi, et souhaite « une commémoration renforcée sur tous les terrains de France » . Une option qui, bien évidemment, ne convient pas aux familles des victimes. « Les seules commémorations que la LFP veut mettre en place, c’est un brassard noir ou une minute de silence. Elle ne prend pas ses responsabilités. Nous sommes obligés d’initier le politique dans le sportif, ce qui est regrettable » , poursuit Josepha Guidicelli.

Le culte de la mort

En juillet 2015, le combat du collectif avait donné lieu a une première avancée. Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des Sports, avait décidé de geler les samedis 5 mai. Une avancée significative, mais insuffisante pour les familles qui souhaitent que cette date soit pérennisée. « Depuis huit ans, on ne lâche pas, il y a eu quelques avancées. Il a été acté que lorsque le 5 mai tombe un samedi, on ne jouerait pas au football. C’était une petite avancée, mais nous, on demande le gel total » , appuie la présidente du comité des victimes. Sans doute parce que c’est une île, sans frontière et dont l’unique limite est l’horizon de la Méditerranée, la Corse possède une impressionnante force de cohésion, dont elle seule détient le secret.

L’enfer de Furiani a soudé, pour le reste de la vie, ses familles insulaires touchées par la tragédie, mais pas seulement. Uni dans la douleur depuis bientôt 28 ans, le peuple corse n’a jamais cessé le combat pour entretenir la mémoire de ses défunts. « Chez nous, le culte de la mort est extrêmement important, c’est très ancré dans notre tradition, explique Loïc Capretti, socio du Sporting Club de Bastia. Chaque commémoration par rapport à la mort est sacrée. Le 5 mai est une date importante auprès des familles des victimes, mais également auprès de personnes qui ne suivent pas forcément le football. C’est toute la Corse qui est touchée et qui pense, chaque 5 mai, aux victimes. Sacraliser cette date est d’une logique implacable. » Et s’il était l’heure pour l’Assemblée nationale d’écouter François Mitterrand ?

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Par Chloé Saunier

Tous propos recueillis par CS

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