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Dr. Dubeau : « On n’a pas le choix : le football doit s’adapter aux changements climatiques. »

Propos recueillis par Mathias Edwards, au frais
Dr. Dubeau : « On n’a pas le choix : le football doit s’adapter aux changements climatiques. »

Entre 1990 et 2015, le docteur Serge Dubeau a soigné les Girondins de Bordeaux. Ce médecin du sport est donc bien placé pour expliquer en quoi le football doit s'adapter à ces satanés épisodes caniculaires, qui vont devenir la norme durant les étés à venir. À lire au frais, sans oublier de s'hydrater.

D’après les prévisions des scientifiques, les épisodes caniculaires vont se banaliser lors des prochaines années. Quel peut être l’impact de ces fortes chaleurs sur les organismes des footballeurs ?L’augmentation de la température ambiante affecte forcément les organismes, les corps se réchauffent de manière anormale. Il faut donc diminuer cette chaleur, par tous les moyens. Les métabolismes souffrent d’une déperdition d’eau, ce qui peut entraîner des dysfonctionnements musculaires, cardiaques, digestifs, etc. Cette déshydratation peut entraîner des malaises qui peuvent parfois être relativement graves, il va donc falloir réfléchir à des solutions.

Avec ce type de météo, il faut prendre des décisions. On ne peut pas laisser des jeunes gens s’épuiser ainsi, on les met en danger.

Est-ce prudent de continuer à jouer au football en août ?Ces histoires de calendriers sont toujours un casse-tête, mais je pense qu’il faudrait commencer les championnats plus tard. Avec ce type de météo, il faut prendre des décisions. On ne peut pas laisser des jeunes gens s’épuiser ainsi, on les met en danger. Avec les Girondins, je me souviens qu’en préparation, lorsque l’on subissait de fortes chaleurs, on changeait les horaires d’entraînements. En organisant des séances soit très tôt le matin, soit très tard le soir. Mais cela décale également les repas, les soins… Ce n’est pas l’idéal, mais au moins, cela protège les joueurs.

La glacière nîmoise.

Donc vous préconisez que les championnats français se déroulent plus en hiver, comme cela se fait en Angleterre, mais démarrent plus tard ?Bien sûr. De toutes manières, on n’a pas le choix : le football doit s’adapter aux changements climatiques.

Il y a une nature à respecter. Si on touche à la nature en mettant en place des programmes artificiels, alors là, on ouvre la porte à toutes sortes de manipulations.

Peut-on imaginer des matchs en pleine nuit, lorsque les températures baissent enfin ?Éventuellement, oui. Mais si vous décalez les horaires des matchs, il va aussi falloir s’entraîner en conséquence. Lorsqu’on joue à 13h ou 15h, c’est déjà compliqué d’organiser les repas, les réveils, etc. Vous bousculez tout. Même si c’est plus simple de retarder les matchs que de les avancer, cela réclame tout de même une organisation différente. Il y a des temps de digestion à respecter, par exemple. Il y a le rythme qu’on impose au sportif, et son propre rythme biologique, qu’il faut respecter. Sinon, vous le confrontez à des problèmes d’adaptation à l’effort.

Si ce fameux rythme biologique n’est pas respecté, quels problèmes de santé cela peut-il entraîner ?Les biorythmes sont réglés et déclenchés par des sécrétions hormonales, l’alternance jour/nuit, etc. Si vous bousculez tout cela, vous déréglez également le fonctionnement hormonal et c’est compliqué de le rattraper. Il y a une nature à respecter. Si on touche à la nature en mettant en place des programmes artificiels, alors là, on ouvre la porte à toutes sortes de manipulations.

À l’occasion de matchs amicaux disputés cet été sous une chaleur accablante, on a vu des joueurs remonter les manches de leurs maillots et de leurs shorts pour résister. Est-ce que les tenues des footballeurs pourraient être adaptées à ces nouvelles températures ?Les équipementiers sont au fait de ces problématiques, et proposent des vêtements facilitant la transpiration et la respiration avec des systèmes d’aération. Et ils vont certainement encore faire des progrès. Après, oui, on peut se remonter les manches ou raccourcir les chaussettes, mais il y aura toujours les protège-tibias. Cela me semble assez accessoire. L’important, c’est la matière du vêtement qui doit être en fibres naturelles très absorbantes.

Les pauses fraîcheur devraient également concerner les spectateurs, on devrait aussi installer des brumisateurs un peu partout dans les stades.

Les pauses fraîcheur sont-elles suffisantes ?Il faudrait peut-être en ajouter sans qu’elles ne durent trop longtemps, parce que les joueurs ne peuvent pas couper leurs efforts trop fréquemment avant de les reprendre. Deux pauses par mi-temps, ce ne serait pas mal lorsque la chaleur est vraiment très forte.

Les Strasbourgeois face au Maccabi Haïfa.

Pensons aussi aux spectateurs. Est-ce raisonnable d’installer des gens en plein soleil pendant 90 minutes, lorsque les températures battent des records de chaleur ?Non. Il faut au moins un toit. Là aussi, il va falloir s’adapter. Sinon, il va y avoir des accidents. Les pauses fraîcheur devraient également concerner les spectateurs, on devrait aussi installer des brumisateurs un peu partout dans les stades comme cela se fait dans les pays du Golfe et même si cela demande des moyens.

Doit-on installer des bains à remous, dans les tribunes VIP de plus en plus sophistiquées ?Pourquoi pas ! Plus sérieusement, lorsqu’on va au stade, c’est pour regarder un match, pas pour se baigner. C’est déjà compliqué de s’empiffrer de champagne et de petits fours sans rien rater de la partie. Si c’est pour regarder le match sur l’écran de la loge, autant rester chez soi.

Enfin, quelles recommandations de base donnez-vous aux personnes assez passionnées pour faire du sport en période de canicule ?Cela paraît évident, mais il est hyper important de s’hydrater. Avant, pendant et après, avec de l’eau ou des boissons énergétiques correctes – sans citer de marques, certaines sont à éviter. Dans le doute, lors de la récupération, privilégiez des eaux minéralisées. Les gens n’y pensent pas, mais en transpirant énormément, ils perdent beaucoup d’électrolytes, de potassium, etc. Et en buvant une eau peu minéralisée, ils diluent encore plus des choses déjà diluées. Donc il faut boire de la Saint-Yorre, de la Quézac, ce type d’eau-là. Souvent, les eaux gazeuses sont plus minéralisées. Alors évidemment, ne buvez pas trois litres d’eau gazeuse avant de faire du sport, sinon vous allez avoir des problèmes. Mais à la récupération ou un petit verre pendant la sieste, c’est bien pour équilibrer les ions. Cela peut éviter les crampes. Et douchez-vous avec une eau à une température inférieure à celle de votre corps.

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