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Dorgeles Nene : « Avant, je voulais être pilote d’avion »
Largement favori à Salzbourg (4 défaites en 5 matchs, 15 buts encaissés), Paris doit enfin prendre des points pour éviter le fiasco total en Ligue des champions. Pour empêcher une nouvelle désillusion, il vaudrait mieux surveiller attentivement Dorgeles Nene, virevoltant malien de 21 ans en pleine progression.
Dorgeles, tu vas affronter le PSG, l’Atlético de Madrid et le Real Madrid lors des trois prochaines journées de C1. Ça veut dire quoi de ton parcours ? Ça veut dire beaucoup ! J’ai commencé au quartier, on ne s’attendait pas à jouer contre des grandes équipes. On y croyait, mais bon… Quand tu es jeune, tu joues surtout pour le plaisir. Mais croiser ce genre d’équipes, tu es plus qu’heureux.
Tu dis que tu y croyais : tu rêvais de foot à l’école dans ta jeunesse ? Avant, plus petit, quand on me demandait le métier de mes rêves, je disais que je voulais être pilote d’avion.
Quels souvenirs gardes-tu de cette enfance ? J’ai grandi en Côte d’Ivoire. Je suis resté là-bas longtemps. J’avais l’école, mais dès qu’il y avait les vacances, ce n’était que le foot. J’ai commencé à jouer au complexe sportif Jesse Jackson à Abidjan (plus précisément à Yopougon, NDLR). On jouait sans chaussure, avec des rêves, mais avant tout avec cette passion du foot. J’ai connu plusieurs équipes, avant de rester avec quelqu’un que je remercie encore : coach Tyson, au club de Majestic. Il m’a pris sous son aile. C’est lui qui m’a envoyé au Mali ensuite. Il m’a beaucoup éduqué, il était là pour nous.
Quel était l’état d’esprit de tes parents face à tes rêves ? Mon père était vraiment derrière moi. Il voulait que je joue. Ma mère n’oubliait pas l’école, que je ne fasse pas l’un sans l’autre. Mais le foot est vite devenu important pour moi, bien avant que je ne rentre à l’académie. On jouait de grands matchs, des tournois au pays. Et c’est à l’académie que ça a pris une autre ampleur.
On a tous des idoles petit : toi c’était qui ? Kaká. J’avais son maillot avec le Brésil. Neymar, je l’aime beaucoup aussi.
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À quel moment tu te dis que la carrière pro va être possible ? Au moment des sélections pour intégrer les U17 du Mali. Et puis quand tu commences à aller en Europe. Tu y crois, tu commences à te positionner, à travailler encore plus dur pour atteindre ce niveau-là.
Comment as-tu rejoint le Red Bull Salzbourg ? J’y suis venu deux fois. D’abord avec l’académie Jean-Marc Guillou. Puis, ensuite, j’ai complété leur équipe pour un tournoi en Suisse. J’ai fini meilleur buteur, j’ai marqué en finale de la tête. On l’a remporté. Et ensuite, ça s’est enchaîné. Je pense qu’ils me suivaient depuis plus longtemps, car ils étaient venus au Mali. Mais ils m’ont plus vu lors de ce tournoi.
Te souviens-tu de ton état d’esprit quand Salzbourg et l’Europe s’ouvrent à toi ? J’étais très excité, même si quitter l’Afrique pour l’Europe n’était pas quelque chose de facile. Je voulais vraiment saisir cette chance. J’avais cette mentalité de me dire qu’il est rare pour de jeunes Africains d’avoir cette opportunité. Et moi, coûte que coûte, je voulais la saisir, pour ne rien regretter. Ça n’a pas été facile. Le froid, tu ne joues pas à ton poste, tu pars en prêt… Tu tentes de t’adapter…
As-tu eu des doutes au point de vouloir tout abandonner ? Jamais de la vie ! Je pouvais douter de moi, ça c’est clair. Je ne jouais pas, j’avais un coach vraiment sévère et ça, je ne l’avais pas connu avant. Mais je me suis accroché. Ça m’a fait prendre en expérience. Salzbourg te prête à Liefering, son club satellite en D2 autrichienne, puis à Ried (D1), avant que tu ne partes un an en Belgique, à Westerlo (D1). Là-bas, tu claques 13 buts en 35 matchs. C’est là, le déclencheur ? C’est clair. J’ai fait une belle saison là-bas. C’était une philosophie différente. J’aime le jeu et je me suis bien adapté là-bas. J’étais un peu libre sur le terrain, ça m’a beaucoup aidé.
Pour que Dorgeles soit heureux sur le terrain, il lui faut un peu de liberté ? Oui, être libre, pour pouvoir se relâcher.
Sans surprise, le Mali a évidemment suivi ta progression. Te souviens-tu de ta première sélection chez les A ? Je pars en prêt à Ried. J’ai des échos que le sélectionneur (Mohamed Magassouba) veut m’appeler. Le match qui suit, pour mon deuxième match avec Ried, je claque un doublé (3-2 contre Wattens). Juste après, c’est le barrage éliminatoire pour se qualifier pour la Coupe du monde 2022. On me sélectionne, et je suis titulaire (face à la Tunisie, au match aller, défaite 0-1. Le Mali ne sera pas qualifié pour le Qatar après le 0-0 du retour). Je ne me rendais pas compte de ce qui m’arrivait.
Pas de Coupe du monde 2022, mais une Coupe d’Afrique des nations 2024 pour le Mali et pour toi. La « CAN du siècle » en Côte d’Ivoire : forcément spéciale pour toi. Très spéciale, tu joues devant plusieurs personnes qui te connaissent, devant la famille qui habite là-bas. Un moment exceptionnel.
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Tu grandis avec le Mali : tu viens de claquer un triplé en novembre face à l’Eswatini (6-0). Il n’y a pas de petite équipe, on a fait le taf, on devait le faire pour le public malien qui nous soutient beaucoup. C’est grâce à mes coéquipiers et au staff. J’étais dans une phase un peu difficile. Ce triplé m’a remis en confiance, j’étais vraiment heureux.
Tu en as parlé juste avant : le peuple malien rêve tellement d’une première CAN, enfin… Exactement. Ils attendent beaucoup de nous, et c’est normal pour un pays qui souffre. Ça nous fait plaisir de représenter le Mali. S’il faut donner nos vies pour les rendre heureux, on va le faire. Remporter la prochaine CAN au Maroc serait vraiment, vraiment magnifique.
Tu auras 22 ans dans quelques jours : est-ce qu’un match comme celui de ce soir face au PSG doit être l’occasion de montrer réellement ce que tu vaux ? Oui, exactement. C’est comme un défi. J’essaie de briller individuellement et collectivement. On rêve tous de jouer ce genre de matchs, on sait que cela apporte une visibilité. Il faut montrer au moins ce que tu vaux. Même si c’est un peu compliqué pour nous en Ligue des champions, c’est important de pouvoir faire un bon résultat. On sait que le PSG est une très grande équipe. On n’a rien à perdre, il faut essayer de se lâcher et de jouer.
Propos recueillis par Timothé Crépin