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Dominique Garnier, supporter infiltré

Par Enzo Leanni

Depuis 1982, Dominique Garnier a suivi l’équipe de France à travers le monde. Lors de chaque Coupe du monde, il a pu ramener des anecdotes et des souvenirs à la pelle. Expatrié en Australie depuis douze ans pour s’occuper des jeunes gardiennes en devenir, il va profiter de l’occasion pour assister à sa première édition féminine.

Dominique Garnier, supporter infiltré

En regardant vers les tribunes du Sydney Football Stadium pour leur entrée en lice de la Coupe du monde, Hervé Renard et ses joueuses pourraient apercevoir un extravagant supporter français. Gardien de but de formation, Dominique Garnier transporte son imposante carcasse de stade en stade ainsi que des dizaines de badges ramenés de Séville à Doha en passant par Johannesburg. À 61 ans, il s’apprête à décoller pour l’Australie où il va vivre son premier Mondial féminin après dix éditions masculines et cinq Euros.

J’ai deux costumes : celui d’entraîneur où je suis sérieux et celui de supporter avec un peu plus de bêtises.

Dominique

S’il est pour l’instant encore dans les Alpes en compagnie de sa fille, le Normand connaît déjà l’Australie comme sa poche. Arrivé dans le pays en 2011 « avec [son] pauvre niveau d’anglais et [son] accent pourri », il avait coché la date de la compétition très tôt dans son calendrier. Depuis qu’il a quitté son poste d’éducateur à Évreux pour emménager en Océanie, il est devenu entraîneur dans une des nombreuses académies du pays, a monté un programme Nike de découverte de jeunes joueurs avant d’être contacté par le staff de l’équipe nationale féminine pour s’occuper du Football New South Wales Institute. « Ça ressemble à l’INF Clairefontaine, mais ça n’existe que pour les filles en Australie », explique-t-il. Une majorité des joueuses de l’équipe nationale qui va affronter l’équipe de France ce vendredi (11h30) provient de cette formation.

L’opérant de Sydney

Rapidement tombé amoureux de l’Australie et de sa culture, Dominique Garnier tient, depuis la naissance de sa petite fille, à rentrer en France à chaque période de vacances scolaires. Malgré l’éloignement avec ses proches, il ne cesse de s’épanouir sur le plan professionnel. L’expatrié se plaît à dire qu’il a « appris l’exigence » aux Australiens et regrette l’attention plus importante accordée au physique plutôt qu’à la technique. Il note quand même une spécificité propre à son pays d’adoption : « Dès huit ans, elles jouent filles contre filles et c’est une différence capitale avec la France. C’est le sport numéro un chez les jeunes filles australiennes, alors qu’on n’a les garçons que deux trimestres sur quatre. » Le spécialiste du poste tient également à mettre l’accent sur l’amélioration du niveau des gardiennes dans le football féminin.

À cause de son travail au Football New South Wales Institute, le supporter ne pourra toutefois assister qu’aux matchs du Mondial qui se tiendront à Sydney. « Malheureusement, je ne peux pas me permettre de partir, regrette-t-il. Mais je vais essayer de faire tous ceux à Sydney, même pendant la phase finale. » En phase de groupes, les Australiennes y disputeront une rencontre et les Françaises deux. Cinq matchs de phase finale suivront dans la ville la plus peuplée du pays, dont la finale. Grâce à ses connaissances au sein des équipes respectives, Dominique Garnier pourra tout de même être dans les tribunes lors des matchs de l’Australie et de la France. S’il n’a aucun problème à choisir son camp pour les confrontations masculines en encourageant la bande de Didier Deschamps, son cœur est, cette fois, partagé entre les Bleues et les Matildas. « Je connais la moitié des joueuses de l’équipe australienne puisqu’elles sont passées par l’Institute », se défend-il avec le sourire.

Irréductible depuis 1982

« J’ai deux costumes : celui d’entraîneur où je suis sérieux et celui de supporter avec un peu plus de bêtises. » En réalité, ces bêtises sont innombrables, et Dominique Garnier ne se lasse pas de les raconter avec malice. Son meilleur souvenir est le plus lointain. En 1982, sa première compétition dans la peau de supporter itinérant, il enfourche sa Honda CB 900 F Bol d’Or, sans casque, et fait le tour de l’Espagne pour suivre les Bleus. « C’était carrément dangereux. Dans la voiture de potes parisiens, on mettait les sacs. Moi, je partais avec la moto en prenant quelqu’un derrière moi. » Il chope des places aussi facilement qu’à bas prix et assiste à la demi-finale de la France contre la RFA. Sur une frappe trop enlevée de Michel Platini, le jeune insouciant récupère le ballon, le cache sous son maillot et nargue Harald Schumacher. Quelques minutes plus tard, il quittera le stade Ramón-Sánchez-Pizjuán la mort dans l’âme, mais avec la ferme intention de repartir à l’aventure.

Le supportérisme, ce n’est pas seulement suivre les matchs et dire “Allez les Bleus”, il faut bien représenter son pays.

Dominique

Quatre ans après cette première expérience intense, le gardien d’Évreux se retrouve dans le car de l’équipe de France au Mexique et arrive à gratter le maillot de son idole Joël Bats. Cet aimant à anecdotes raconte avec nostalgie ces moments informels « où on pouvait tout faire sans se poser de questions ». Celui qui a vu toutes les finales de la Coupe du monde jusqu’en 2014 « sans billet » se souvient de celle de 2006 où, après avoir escaladé les grilles pour éviter la sécurité, il s’est retrouvé dans la tribune des supporters italiens. « Impossible de regarder le match ici, rigole-t-il. Je suis ressorti pour aller dans le camp français, mais un vigile m’a attrapé. J’ai donc dû resquiller avec des amis en se faisant passer les tickets de main en main. »

Le football lui sert surtout de prétexte pour rencontrer les populations locales, malgré les différences aperçues au fil des années. Lors du dernier Mondial au Qatar, « Dom’ » paye 210 dollars la nuit pour dormir dans un conteneur, pas de quoi le refroidir. « Certes, les Émiratis vivent dans un autre monde, mais j’ai pu être avec des dizaines d’immigrés. Là, tu vois leur vraie vie. J’ai pu voir des choses que je n’aurais jamais imaginées grâce aux coupes du monde », retrace ce passionné. Pour faciliter l’échange, il achète avant chaque compétition une centaine de petites tours Eiffel pour distribuer aux personnes qu’il rencontre sur place. « Le supportérisme, ce n’est pas seulement suivre les matchs et dire“Allez les Bleus”, il faut bien représenter son pays. » Malgré son attache à l’Australie, il compte bien vivre les matchs à Sydney comme il l’a toujours fait. Au moment de faire sa valise pour repartir en Australie, Dominique Garnier a donc évidemment pris soin de prendre son attirail de supporter, ses nombreux badges qui font sa fierté et ces répliques miniatures de la tour Eiffel à généreusement donner tout au long de la Coupe du monde féminine.

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Par Enzo Leanni

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