- C1
- Gr. A
- PSG-Leipzig
Dominik Szoboszlai, magyar caviar
Il est un ami intime d’Erling Haaland, Lothar Matthäus le compare à Ferenc Puskás, et la Hongrie tout entière lui doit une fière chandelle. À 20 ans, Dominik Szoboszlai a déjà une carrière plus mouvementée que les 4390 épisodes de Plus belle la vie. Un conseil : quitte à se fâcher avec certaines consonnes, mieux vaut retenir le nom du numéro 17 de Leipzig, qui croise ce mardi la route du PSG.
Il y a des soirées qu’il vaut mieux ne pas manquer. Le 12 novembre 2020, Dominik Szoboszlai a pourtant bien failli rater le coche. Contre l’Islande, le Hongrois déçoit en barrages retour pour l’Euro avant de tout casser en quelques secondes. Il ne reste que trois minutes dans le temps aditionnel quand il met le pied sur le ballon dans sa moitié de terrain. Un dernier scan visuel pour évaluer la distance avec ses adversaires, et la cavalcade est lancée : à grandes enjambées, il crochète un adversaire pour repiquer dans l’axe et envoie une frappe couillue sur la base du poteau droit de Halldórsson. Le gamin d’à peine 20 ans vient de qualifier la Hongrie pour son deuxième Euro d’affilée. Un exploit qui n’avait plus été réalisé depuis 1972.
Club Med et futsal
Cette action, c’est du all inclusive façon Club Med : en plus de révéler le bonhomme, elle est la synthèse express et parfaite du jeune milieu offensif. Un gamin élégant à voir jouer qui en a dans la caboche. « Je suis un joueur qui aime prendre des risques, parce que tu montres que tu n’as peur de rien, assénait-il à France Football l’été dernier. Je n’ai peur de personne ou de quoi que ce soit. » Une déclaration qui fleure bon le boulard ? Fausse route, c’est plutôt une carapace mentale que s’est forgée le Hongrois dans son passé. « J’avais quinze ans quand j’ai quitté mon pays, et évidemment c’était dur. Je suis parti seul, je ne parlais pas allemand, un petit peu anglais. Si je n’avais pas fait ce pas en avant, je ne serais jamais là aujourd’hui. »
Ce gros carafon, il le tient de Zsolt, son ancien footeux de paternel : « J’avais trois ans quand j’ai vu son premier match. Ça aide beaucoup d’avoir un père comme ça, parce que sans lui je ne serais pas là. » À peine les crampons raccrochés, Szoboszlai senior monte son académie et colle le fiston sur le terrain : « Je m’entraînais sans cesse, quatre fois par jour avec mon père, des gamins plus petits, plus grands ou de mon âge. Aucun temps libre. On était sur des petits terrains, comme au futsal, mais avec les contacts. Pour nous, c’était important d’avoir cette technique dans les petits espaces. Mon jeu en garde des marques. » Malgré son grand gabarit (1,86m), Szoboszlai est aussi à l’aise à gauche que dans l’axe, en 8 comme en 10. Ce n’est pas un hasard s’il est dans l’élite allemande en matière de passes clés (16, dixième de Bundesliga) et d’actions menant à un tir (5,11 par match, cinquième).
Entre Dennis Rodman et Ferenc Puskás
Problème : celui qui a plus régalé Salzbourg que Mozart est sujet aux blessures. Satisfaisant à Liefering (la succursale du groupe Red Bull en deuxième division autrichienne), il s’apprête à monter avec les pros du RB Salzbourg en 2018 avant qu’une déchirure du ligament de la cheville ne vienne l’embêter. « Malgré tout, tu dois toujours penser positivement, peu importe ce qui t’arrive. Vois le bon côté des choses parce que tu vas revenir. Mais quand et comment, ça dépend de toi », image le Hongrois, qui apprécie visiblement les bouquins de développement personnel. Maître du rebond comme Dennis Rodman, il grandit et revient tel un boulet de canon de cette blessure, puis de la pause sanitaire due à la Covid : en onze matchs, il colle huit buts et onze passes décisives. De quoi partir en vacances avec un championnat et une coupe sous le coude, en plus de compilations YouTube flambant neuves. Au programme : roulette à la Zizou et coups francs de maboul. De quoi voir Lothar Matthäus le comparer à Ferenc Puskás, rien que ça.
Mais au jeu des sept différence, une pèse déjà. La légende hongroise avait joué la finale du Mondial 1954 blessée, Szoboszlai a lui préféré se mettre sur la bande d’arrêt d’urgence quand un problème sérieux l’a touché. Fraîchement arrivé à Leipzig au tout début de l’année 2021, il ressent une gêne au premier entraînement. Officiellement, une blessure aux adducteurs. En réalité, le souci est plus sérieux. Pour faire simple, les os de Dominik grandissent plus vite que ses muscles au niveau de la hanche. L’accumulation des matchs n’aidant pas, il faut stopper la machine. C’est parti pour une rééducation chargée. « C’était assez difficile, nous confie aujourd’hui le milieu offensif. Je n’ai jamais eu de blessure dans ma vie qui ait duré plus de quelques semaines, donc c’était une situation totalement nouvelle pour moi. Comme je ne pouvais pas jouer dans ma nouvelle équipe, j’ai dû me fixer de nouveaux objectifs, à savoir l’Euro. Quelques mois plus tard, je me suis rendu compte que je ne serais peut-être pas disponible pour le jouer. C’était un vrai défi. »
Leipzig zag
Le couperet tombe quelques jours avant la compétition : c’est trop juste. « C’est sûr que ce n’était pas mon moment préféré. Je l’ai su un mois et demi avant l’Euro, confie-t-il. Mais j’ai dû faire face à la situation et peu de temps après avoir reçu le verdict, j’ai commencé à me rétablir immédiatement, donc on peut dire que je n’ai pas eu l’occasion de me sentir déprimé ou quelque chose comme ça. » Depuis son canapé, il voit la Hongrie poser de gros problèmes à la France, l’Allemagne et le Portugal et garde en tête ce pour quoi il a signé à Leipzig début 2021 : « J’ai eu l’opportunité de choisir parmi de nombreuses offres, et j’ai choisi celle qui correspondait le mieux à ma carrière : le RB Leipzig. »
Au nord-ouest de la Saxe, les ingrédients sont réunis, et ça se sent : pour son retour en Coupe le 7 août, il marque quatre minutes seulement après être entré sur le terrain. Par la suite, il porte Leipzig contre Stuttgart avec un doublé sensationnel puis renverse un match mal engagé contre Bochum pour l’emporter 3-0. Celui qui revendique rester après l’entraînement pour botter 50 coups francs monte en puissance malgré la concurrence acerbe de Christopher Nkunku, Emil Forsberg et Dani Olmo. « Ça fait partie du jeu et du football de haut niveau, lâche-t-il. J’ai grandi en appréciant et en recherchant la compétition tout le temps. Donc je suis ici pour prouver que je suis assez bon. » Son amitié avec Erling Haaland, partenaire de jeu à Salzbourg, joue en sa faveur. Créateur aux multiples facettes, Dominik Szoboszlai tranche avec le joueur prototype de Red Bull. En somme, il est un trait d’union entre cette froideur mécanique et un certain football romantique. Il est aussi très souvent le trait d’union entre le ballon et les cages. Une capacité dont se passerait bien volontiers le Paris Saint-Germain, son adversaire du jour.
Par Emile Gillet
Propos recueillis par EG, sauf mentions.