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Domínguez, la roue de secours devenue incontournable
À 36 ans, Eduardo Domínguez a lâché son brassard de capitaine et raccroché les crampons pour s’installer sur le banc d’Huracán. Avec une certaine réussite, puisque le gendre de Carlos Bianchi a sauvé le club de la descente et lui a offert sa première finale internationale de son histoire – en Copa Sudamericana – contre les Colombiens de Santa Fe.
Au départ, il n’était qu’un troisième choix. Une roue de secours même. Néstor Apuzzo, qui entraînait un Huracán en perpétuelle crise, quitte son poste en août dernier. La direction du club du quartier de Parque Patricios, à Buenos Aires, sonde alors Matías Almeyda et Omar De Felippe. Sans succès. Et se rabat alors sur la solution interne. Eduardo Domínguez, capitaine et défenseur central de 36 ans à l »époque, troque le maillot contre le costume trois pièces. Le 15 août, il dispute son dernier match. Trois jours plus tard, il est intronisé au poste d’entraîneur. Puis le 23 août, il dirige pour la première fois ses anciens coéquipiers depuis le banc. Trois mois après, Huracán s’est maintenu malgré une saison catastrophique (en terminant vingt-troisième du championnat à trente équipes). Le Globo a même éliminé River Plate (tenant du titre) en demi-finale de la Copa Sudamericana, après un match retour incroyable, et s’est qualifié pour la première finale de compétition internationale de son histoire. Et le gendre de Carlos Bianchi y est pour quelque chose.
Coéquipier de Beckham à Los Angeles
L’histoire d’Eduardo Domínguez, c’est d’abord l’héritage de son frère : Federico Domínguez, latéral gauche formé comme son frangin à Vélez Sársfield et parti après un conflit avec la direction, en 1999. Une embrouille que les exigeants supporters de Vélez feront payer à Eduardo. « Fede ne jouait plus. Après, ils l’ont quand même vendu pour un million de dollars. Donc le club en a bien profité. Je jouais aussi à Vélez à cette période. Le match suivant, je suis sorti du tunnel, et ils m’ont sifflé, ils m’insultaient. Les supporters sont comme ça… Mais je suis très reconnaissant envers Vélez, j’y ai débuté à l’âge de 9 ans. Même si c’est très laid de te faire traiter ainsi chez toi » , racontait-il lors d’une interview pour El Gráfico. Une histoire avec Vélez embellie par l’arrivée de Marcelo Bielsa, qui a mené El Fortín a un titre mémorable lors du tournoi de clôture de 1998. Le défenseur central doit beaucoup au Loco, puisqu’il rejoindra l’Espanyol Barcelone l’année suivante, comme l’entraîneur argentin.
Le début d’une longue carrière de globe-trotter qui le verra arpenter les pelouses argentines (Olimpo, Racing, Independiente, Huracán, All Boys et Atlético de Rafaela), colombiennes (à Independiente de Medellín) et même américaines. En 2008, il rejoint les Los Angeles Galaxy, et côtoie même David Beckham. Une expérience sportive pourtant désastreuse. Ruud Gullit, alors entraîneur du club californien, exige la signature du central argentin. Finalement, le Hollandais quitte le club un mois plus tard, remplacé par Alexi Lalas. Domínguez n’entre pas dans les plans de l’entraîneur américain et retourne en Argentine. Mais garde un souvenir marquant de son étape américaine : « Ils tentaient de copier le modèle anglais. Les entraînements m’ont beaucoup plu. Mais je ne supportais pas la froideur, la réserve des gens. Pendant mon premier Clásico contre Chivas, ma femme qui était enceinte s’est levée des tribunes pour aller aux toilettes. En bas de la tribune, il y avait une queue de 50 personnes pour retirer de l’argent. En plein milieu d’un Clásico ! C’était fou, tellement bizarre » , se remémore-t-il dans les colonnes du Gráfico. Il signe son retour à Huracán et intègre la mythique équipe d’Ángel Cappa (qui perdra injustement le titre au détriment de Vélez), où Javier Pastore brillait alors. Il annonce même vouloir y terminer sa carrière. Un plan respecté, jusqu’au mois d’août dernier et une opportunité surprenante.
Sur les traces du Cholo
En août dernier, Néstor Apuzzo est l’un des énièmes coachs de Primera à subir la valse des entraîneurs argentins. La direction d’Huracán décidera après quelques râteaux de confier les clés du camion à Eduardo Domínguez. Le défenseur central accepte de raccrocher subitement les crampons, à 36 ans, alors qu’il était encore capitaine de l’équipe. Sa barbe de hipster et lui s’installent donc sur le banc d’un club en péril. Une mission qui lui sied parfaitement selon son beau-père, un certain Carlos Bianchi : « C’était déjà un joueur très charismatique sur le terrain. Je pense qu’il l’est aussi sur le banc. Il est en poste depuis très peu de temps. Avant, il faisait partie d’une équipe, maintenant, il en dirige une. Ce n’est pas le même travail, mais il est prêt. » Celui qui vient d’inaugurer une statue à son effigie à Liniers, le quartier du club de Vélez, se rappelle la première rencontre avec le mari de sa fille, Brenda : « C’était lors d’un asado familial. J’entraînais en Espagne à l’époque, et je suis venu à Buenos Aires pour les fêtes. Je l’ai vu, et je lui ai dit : « Salut Eduardo, tu fais quoi ici ? » pour le provoquer. Je savais très bien qu’il était avec ma fille. » Lorsqu’il est nommé entraîneur d’Huracán, il demande forcément quelques conseils à Carlos Bianchi : « Même si on ne parle pas beaucoup de football, on a parlé de sa nouvelle vie. Mais je n’interfère pas du tout dans son travail » , explique l’ancien joueur du PSG et de Reims. Une situation que résume Eduardo Domínguez, dans une interview pour Canchallena : « Quand j’étais jeune à Vélez, je l’admirais en tant qu’entraîneur des professionnels. J’ai appris à connaître l’entraîneur lorsqu’il était à Boca. J’ai toujours voulu apprendre, observer, écouter. »
Aujourd’hui, Domínguez suit les traces de Diego Simeone. L’actuel entraîneur de l’Atlético de Madrid avait pris les rênes du Racing en 2006, deux semaines après sa retraite. Le club d’Huracán n’en est pas à sa première reconversion si rapide : en 2007, Claudio Úbeda – qui était aussi capitaine – est intronisé au poste d’entraîneur une semaine après la fin de sa carrière. Mais sans succès cette fois-ci, puisqu’il quitte son poste un an après. Carlos Bianchi est conscient des difficultés qu’affronte son gendre : « Il entraîne depuis quelque mois, on ne peut pas imaginer la carrière qu’il va faire sur le long terme. Aujourd’hui, à Huracán, avec très peu de moyens, il a réussi à se maintenir, et à se qualifier pour la première fois de l’histoire du club pour une finale internationale. C’est remarquable. » Surtout, il doit aujourd’hui affronter un moment historique du club de Parque Patricios : « Nous voulons changer une chose : le fait qu’Huracán soit né pour souffrir. Beaucoup disent que c’est le moment le plus important de l’histoire du club. Mais on ne peut pas porter le poids de toutes ces années où Huracán n’a rien gagné. » Dans la nuit de mercredi à jeudi, Huracán joue le match aller à la maison, face aux Colombiens de Santa Fe. Le retour aura lieu la semaine suivante, à Bogota. 180 minutes qui pourront permettre à Eduardo Domínguez d’entrer un peu plus dans l’histoire d’Huracán.
Par Ruben Curiel
Propos de Bianchi recueillis par RC