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Documentaire Montpellier Héros sur Canal+ : « Le MHSC a été un super terrain de jeu »
Alors que Montpellier se déplace samedi soir au Parc des Princes, Canal+ diffusera à 19h45, sur Canal Plus Décalé, le premier épisode de sa nouvelle série, Montpellier Héros, six épisodes de 45 minutes sur la saison 2020-2021 du MHSC. Une série rare, car sans aucune porte fermée et qui restitue au plus près les émotions fortes d'une saison inédite de par son contexte. Son réalisateur, Thibault Saingeorgie, raconte.
Pour quelles raisons avez-vous décidé de faire cette série autour de Montpellier et non autour d’un autre club de Ligue 1 ? À ma connaissance, on n’a même pas eu le temps de tenter de le faire autour d’un autre club. On a réfléchi cette série comme la série XV, réalisée par Étienne Pidoux, qui est une immersion au sein des clubs du Top 14. On a eu l’idée pendant le confinement 2020. On voulait faire un truc en Ligue 1, et j’ai tout de suite proposé Montpellier, qui est un club à part avec son histoire et ses personnages. Avec les dirigeants, que ce soit Laurent Nicollin, Bruno Carotti ou Michel Mézy, et les joueurs, Andy Delort, Téji Savanier, Vitorino Hilton, etc., on avait des parcours de vie et des éléments qui faisaient du MHSC une très bonne cible et un super terrain de jeu. J’ai aussi une sensibilité montpelliéraine, puisque même avant la fin de mon premier contrat à Canal, j’avais été bosser pour un J+1 sur un Montpellier-Caen, en 2017, qui était le premier match à la Mosson joué après le décès de Louis Nicollin. J’avais suivi les ultras du club, c’était une première prise de contact émouvante, et ce reportage avait débouché sur un documentaire de 26 minutes consacré à la succession de Louis Nicollin. La mission était un peu délicate, car toutes les trois séquences, je parlais de Louis à Laurent, son fils, donc il y avait pas mal d’émotions. Quand, au printemps 2020, j’ai proposé de faire notre série avec Montpellier, on m’a dit : « Si tu y arrives, vas-y… » Et je pense qu’en trois minutes et un appel avec le président Nicollin, c’était acté.
Sur l’une des premières séquences du premier épisode, on sent qu’il a énormément aidé à l’ouverture totale des portes, à ce que tous les membres du club forcent un petit peu leur nature. Quelle était la volonté du président Nicollin à votre avis ? D’humaniser un club de foot ?La force, déjà, c’est qu’il y a très vite eu un contrat de confiance entre nous. L’exercice n’était pas simple et se voulait différent parce que les inside sportifs bourrés de ralentis, où tu ne suis que la direction, où on ne t’ouvre que quelques portes, commencent à pleuvoir. Là, on voulait vraiment vivre toute la saison au contact de toutes les strates du club. On a été avec les féminines, les joueurs de l’équipe première masculine, le staff, les dirigeants, les ultras, les membres de la sécurité… Et c’était essentiel, car un derby, par exemple, on voulait le vivre avec tous ces gens-là. On voulait montrer comment un club fonctionne, sans qu’on nous dise quoi montrer. Montpellier a joué le jeu et a tout ouvert, sans faire semblant. Derrière, ça a été du velours, et aucune porte ne s’est jamais refermée.
Même après un mauvais résultat ?Même après un mauvais résultat. À un moment, on m’a testé en me demandant si le club pourrait avoir un droit de regard. Je répondais toujours la même chose : « Je vais passer l’année avec Michel Der Zakarian, jamais je ne me permettrai de lui dire comment faire sa compo. Donc personne ne me dira comment faire le doc… » Et ça finissait toujours en rires avec le président Nicollin.
Un personnage important du doc est d’ailleurs Agathe, la fille de Laurent, qu’on sent préparée à devenir un jour présidente du club.En ayant déjà parlé avec Laurent Nicollin de l’avenir du club, il m’a souvent dit qu’il avait une date limite, qu’il n’en ferait sûrement pas autant que son père et depuis quelques années, il parle de sa fille, Agathe. Je savais qu’il y avait quelque chose à gratter, mais je ne m’attendais pas à la voir à chaque match à domicile. Agathe, elle est là longtemps avant le début du match, elle fait tous les repas, elle reste derrière, elle écoute, elle échange beaucoup avec son père… C’est quelque chose qui m’a marqué. Autre chose qui m’a marqué, c’est la superstition des acteurs du foot : les chaussons italiens de Michel Der Zakarian, le masque de Michel Mézy, le Scénic rouge porte-bonheur d’Andy Delort et de Téji Savanier… Tu comprends que des joueurs et entraîneurs de Ligue 1 fondent une partie de leur performance sur des petits rituels, des choses qui les rassurent.
Sur le début, on suit aussi énormément Andy Delort, avec ses kilos en trop à son retour du confinement, ses doutes, ses colères… Il n’a jamais été question de couper la caméra ?Le club n’a jamais coupé une séquence. Au contraire, c’est plutôt moi qui songeais à me mettre des freins. Michel Der Zakarian est un personnage intéressant sur ce point, puisqu’il a une image publique d’homme assez rustre, fermé. Avec nous, il a été d’une droiture totale. Le 23 décembre, Montpellier perd à domicile contre Lille (2-3) à la dernière minute. Le soir de ce match, il me dit qu’il ne veut plus de mon micro. Pendant l’espace d’une demi-heure, j’ai été son bouc émissaire, mais le lendemain, il m’a écrit un message pour me dire qu’il s’excusait, que le soufflé était retombé, il m’a mis six émoticônes champagne et sapin de Noël. Quelques semaines plus tard, pareil : les résultats sont compliqués, le mois de janvier est assez terrible… Mais on ne m’a jamais demandé de moins filmer, même à cette période-là. J’ai même eu accès à des briefs très intimes, très musclés. Je ne voulais pas bouger parce que c’était comme dans Jurassic Park : si tu ne bouges pas, le T-Rex ne te voit pas. Sinon, j’allais me faire dégager. On ne m’a jamais dit de ne pas mettre une scène. Les mecs ont été classe et ont accepté de montrer toute l’intimité d’un club, dans ses hauts et ses bas.
D’autant que là, entre la Covid et les droits télé, le contexte a aidé à multiplier les événements.C’est toute la richesse du cadre dans lequel on a travaillé. Tous ont des gueules et de la gouaille, bossent dans le même club depuis 40 ans, vivent dans une région bourrée d’identité. On a aussi essayé de jouer avec la caméra. Il y a eu certains échanges, que ce soit en interview ou en séquence, qu’on a décidé de garder, comme le moment où Laurent Nicollin annonce au club qu’on sera là toute la saison ou celui où il dézingue le niveau des questions des journalistes en conférence de presse. D’habitude, c’est des moments qu’on ne garde pas forcément, mais on se dit que ça raconte aussi quelque chose. Là, surtout, on a été dans l’intime de l’intime, que ce soit lors des négociations avec les agents, l’accueil d’un joueur comme le moment du restaurant avec Omlin…
Est-ce qu’à un moment, la performance sportive a été un argument de diffusion ?Montpellier tourne depuis quelques saisons entre la 12e et la 6e place de Ligue 1 avec un budget qui n’est pas énorme. Forcément, l’idée que le club aille chercher un peu plus, ça porte un peu la chose, mais le fil rouge sportif est presque secondaire. Sur chaque épisode, on s’est concentrés sur la construction de cette quête : la période de la préparation post-Covid, la superstition, la biologie du club, les ultras, leur relation avec leur président et leur sortie rapide des stades, la crise des droits télé… Tu peux te permettre, par exemple, de montrer les doutes sur Andy Delort dans le premier épisode quand tu sais qu’au bout, il est l’un des héros d’une saison assez inédite. Ça joue aussi, ce côté inédit, parce qu’au départ, tu peux te dire qu’une saison sans spectateurs, ça peut être dur en matière de rythme. Mais non, parce que tu racontes plein d’autres choses, notamment la vie d’un club frappé par plusieurs événements. C’est le sens premier d’un documentaire : c’est une preuve, une trace de ce qui a existé.
Que le club n’a pas encore vu ?Ils n’ont rien vu. Pas une image. Ils ont juste eu un teaser, rien de plus. Si Montpellier n’avait pas joué le jeu comme ça et qu’il n’avait pas respecté sa parole, ce travail n’aurait pas été possible. Et il faut les remercier.
Propos recueillis par Maxime Brigand