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Docteur Robson, Mister Kanu

Par Romain Duchâteau et Florian Lefèvre
Docteur Robson, Mister Kanu

À 27 ans, il a passé quasiment toute sa carrière en Championship. Pire, Hal Robson-Kanu n’a même pas été reconduit par Reading cet été. Et pourtant, tout le pays de Galles en est sûr, c’est bien lui, l’Anglais de naissance, recalé du centre de formation d’Arsenal en 2006, qui doit emmener les Dragons en finale de l’Euro.

Des années plus tard, l’histoire ne retiendra que ça. Qu’une équipe – ou plutôt une somme d’individualités – boursouflée d’ego et de certitudes illusoires, composée de « super-stars » comparables aux Galactiques du Real Madrid selon Thomas Meunier, soit tombée devant un sans-grade. Un homme qui, avant d’étirer un peu plus le rêve gallois au cours d’une nuit historique contre la Belgique, venait de voir le bail qui le liait au club de Reading arriver à son terme. C’est donc en tant que chômeur que Hal Robson-Kanu a surgi à la 55e minute pour offrir l’un des chefs-d’œuvre de cet Euro 2016. À la réception d’un centre de Ramsey depuis le côté droit, l’attaquant mystifie trois Diables rouges dans la surface en passant le ballon derrière sa jambe d’appui avant d’ajuster du gauche Thibaut Courtois. Le jeu était à gauche ? C’est justement ce qui fait la beauté de son geste. De l’art de prendre tous les (télé)spectateurs de cours.

Derrière, son compatriote Sam Vokes prolonge le plaisir en portant l’estocade, 3-1. Mais le héros, lui, est déjà choisi. « Il était prêt à tout donner. Il cherchait un combat, il allait en permanence au contact avec les défenseurs, il courait partout et, comme il est très costaud, c’est un cauchemar pour les défenses adverses. Il y a beaucoup d’enthousiasme chez lui » , s’est emballé le sélectionneur Chris Coleman, avant de revenir plus en détails sur le bijou rebaptisé « Cruyff-turn goal » outre-Manche : « C’est vrai qu’il y avait peut-être deux de ses coéquipiers qui étaient mieux placés, mais je savais qu’il allait tenter. » Heureusement, le destin a souri à Robson-Kanu. Et l’ivresse a gagné les cœurs britanniques.

Arsenal, Brendan Rodgers et l’ombre du Championship

Dans l’euphorie et les larmes, les paroles de Chris Coleman ont pris un sens encore plus profond : « Mon message est de continuer à rêver. N’ayez pas peur d’avoir des rêves. » Au regard de sa trajectoire cabossée, ces mots ont sans doute trouvé un écho particulier auprès de Robson-Kanu. À vingt-sept ans, l’attaquant apprivoise une lumière qu’il n’a jamais connue. Ou peut-être seulement entraperçue lors de ses jeunes années. Arrivé au centre de formation d’Arsenal à l’âge de dix ans, il est refoulé cinq ans plus tard en raison d’un physique malingre et frêle. « J’étais l’un des plus petits joueurs de l’effectif, se rappelait-il début juin au Guardian. Je n’étais pas assez grand, assez rapide et assez fort. » Trop petit chez les Gunners, c’est dire !

Par chance, le Gallois est repéré par Brendan Rodgers, qui officie alors en tant que directeur de l’académie de Reading. Direction l’ouest londonien, où HRK évoluera jusqu’en 2015-16.

Il y a des mecs qui se font remarquer en deux jours dans le vestiaire, lui était plutôt simple, discret, pas spécialement chambreur.

Douze longues années d’apprentissage, à peine entrecoupées d’un prêt à Southend United, puis du côté de Swindon Town. « Il y a des mecs qui se font remarquer en deux jours dans le vestiaire, lui était plutôt simple, discret, pas spécialement chambreur » , confie Francis Laurent, son ancien coéquipier le temps d’une demi-saison à Southend. À l’époque, celui qui évolue avec les U20 anglais est ailier gauche. « Quand je vois l’avant-centre qu’il est devenu aujourd’hui, je me demande pourquoi il jouait sur le côté à l’époque ! » , lance Francis Laurent. À partir de 2011, l’entraîneur de Reading, Brian McDermott, entreprend de le positionner en pointe. Sauf que l’attaquant peine à faire trembler les filets : à peine cinq buts de moyenne sur les cinq dernières saisons, et un record de sept réalisations sur l’exercice 2012-13, lors de l’éphémère remontée des Royals en Premier League. Au total, 30 buts en 136 apparitions jusqu’à ce que Reading annonce il y a deux mois que l’international gallois ne prolongera pas la saison prochaine.

« Hal représente le pays de Galles à lui seul » 


Un crochet à la Cruyff dans la surface, qui mystifie trois défenseurs en quarts de finale d’un Euro, réalisé par un mec que Reading ne trouvait pas assez bon pour le garder ? Pince-moi, je rêve !

Hywel Williams n’en revient toujours pas. « Un crochet à la Cruyff dans la surface, qui mystifie trois défenseurs en quarts de finale d’un Euro, réalisé par un mec que Reading ne trouvait pas assez bon pour le garder ? Pince-moi, je rêve ! » Musicien, Hywel fait partie de The Barry Horns, le band qui donne le ton du répertoire de la Red Army à chaque match de la bande à Gareth Bale. Et en ce moment, les supporters gallois s’époumonent sur le chant à la gloire de leur numéro 9. « Hal représente le pays de Galles à lui seul. Pas le plus célèbre ou le plus talentueux, mais c’est un gars volontaire, rusé, déterminé. Il est prêt à laisser sa peau à chaque fois qu’il entre sur le terrain, insiste Hywel, alias « The Rythm Method » dans le groupe, c’est ce qui le rend si populaire auprès des supporters… En plus, les syllabes de son nom collent parfaitement pour chanter à sa gloire ! » Un blase qui sonne aussi avec la légende Sir Bobby Robson et le Nigérian Nwankwo Kanu.


Point de fixation de l’attaque galloise, premier défenseur acharné, Robson-Kanu s’était déjà montré déterminant lors des éliminatoires, avant d’inscrire le but de la victoire dans les derniers instants de la rencontre du premier tour face à la Slovaquie (2-1). L’Euro va lui permettre de passer un cap, assurément. Vers une écurie de Premier League, sûrement. « Mon agent est-il un peu plus occupé ? Oh oui, il l’est » , glissait l’intéressé samedi devant la presse. Surtout, il pourra remercier sa grand-mère, qui lui a permis d’obtenir la nationalité galloise. De son côté, Hywel Williams va plus loin : « L’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière… grand-père de Hal est le magicien qui a apprivoisé le dragon représenté sur le drapeau gallois. Et c’est vrai. »

Dans cet article :
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Par Romain Duchâteau et Florian Lefèvre

Tous propos recueillis par RD et FL, sauf ceux de Hal Robson-Kanu tirés du Guardian et Chris Coleman tirés de conférence de presse.

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