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Docteur Kolbeinn, Mister Sigþórsson
Hyperactif et incontestable en sélection, imbuvable et insipide à Nantes, Kolbeinn Sigþórsson est une espèce de schizophrène footballistique. Décisif ce soir dans la victoire extraordinaire de l'Islande face à l'Angleterre, il prouve qu'il est capable de très bien jouer sur les pelouses françaises. Annoncé sur le départ à Nantes, il pourrait bien convaincre ses dirigeants de le couver encore un peu.
À force de le répéter matin, midi et soir, on a fini par l’avoir compris, l’Islande est hallucinante. Et au milieu de cette bande de 23 Vikings un peu rugueux mais terriblement attachants, il est une tête blonde que ceux qui fréquentent la Beaujoire trouvent décidément bien énigmatique : Kolbeinn Sigþórsson. C’est que les Nantais se sont arraché quelques cheveux à cause de lui. Arrivé en grande pompe pour 3 millions d’euros au dernier mercato estival après avoir passé quatre ans à l’Ajax, annoncé comme la solution miracle aux problèmes offensifs des Canaris, star montante d’une sélection islandaise qui avait déjà impressionné les observateurs en se payant les gros poissons de son groupe de qualification à l’Euro, Sigþórsson s’est loupé. L’Islandais a bouclé son exercice 2015-2016 avec un bilan famélique de 3 buts en 19 matchs joués en Ligue 1, avec en prime des problèmes de comportement et une incapacité à s’intégrer dans le vestiaire nantais.
Autocentré, pas sérieux, loin d’avoir l’hygiène de vie d’un professionnel, Sigþórsson s’était fait tirer les oreilles par coach Der Zakarian dès décembre : « Il n’est pas assez présent dans l’attitude. Pour avoir un bon feeling avec tes partenaires, il faut s’entraîner souvent avec eux. Être respectueux de ce que le club attend de toi » , avant de l’attaquer sur ses poignées d’amour : « Si tu perds 4 ou 5 kilos, tu te déplaces mieux quand même. Il a du poids en trop. » Kolbeinn avait d’ailleurs mis un terme à sa saison nantaise dès avril, pour rentrer sur son île réparer un corps blessé et surtout préparer le plus grand rendez-vous de sa carrière, l’Euro. Une compétition qu’il est en train de traverser comme un chef, en étant l’un des éléments principaux des succès des siens.
Kolbeinn au service du jeu
Face à l’Angleterre de Kane et Vardy, qui n’ont pas su faire la différence ce lundi soir, c’est bien l’attaquant du FC Nantes qui a donné une leçon à ses homologues. Pas toujours juste mais généreux dans les efforts, Sigthorsson s’est vu récompenser rapidement. Capable des pires enchaînements avec son club de Ligue 1, comme il l’a prouvé tout au long de l’année, Kolbeinn a ce soir réussi un enchaînement de grande classe, avant d’être bien aidé par une bourde monumentale de Joe Hart. Au-delà de ses capacités offensives, l’attaquant islandais a surtout prouvé qu’il était capable de se mettre au service d’un coach qui croit en son collectif plus qu’en ses individualités.
« Tous nos joueurs doivent défendre, au point de peut-être parfois en demander un peu trop à nos attaquants » , expliquait Heimir Hallgrímsson, co-sélectionneur de l’Islande, peu avant la rencontre. C’est peu dire que l’attaquant est indispensable pour faire vivre le calvaire physique que réclame son sélectionneur. Face au Portugal, Kolbeinn, ce sont 17 duels aériens remportés, plus que toute l’équipe portugaise réunie. Il est même le joueur qui a remporté le plus de duels aériens de l’Euro, 34. Contre la Hongrie, il a aussi été flashé à plus de 31 kilomètres à l’heure. Pas mal, pour un type en surpoids. Bref, Kolbeinn Sigthorsson est une énigme, un paradoxe à lui tout seul. Mais ce ne sont pas les Islandais qui s’en plaindront.
Par Alexandre Doskov et Gabriel Cnudde