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Docteur Chiellini
Il y a le Giorgio de la jungle, l’homme sans limite, le défenseur impitoyable. Et puis, il y a aussi le Docteur Chiellini, le diplômé en économie et la tête pensante de l’équipe.
Il y a bien cette petite semelle en début de match contre son ami, Álvaro Morata, cette simulation un peu grotesque en fin de match, mais sinon, Giorgio Chiellini donne l’impression de s’être apaisé. D’avoir la tête plus fraîche. De prendre les choses avec plus de recul. De ne plus avoir de mauvais réflexes. De moins chuchoter des horreurs dans les oreilles de ses adversaires. De moins provoquer. De faire son boulot proprement, en somme, avec un minimum d’additifs. La preuve, c’est que depuis le début de l’Euro, Giorgio, c’est simplement trois fautes, un carton jaune pour 70% de duels gagnés. En une saison, il tourne plutôt à deux fautes par match, mais surtout 50% de duels gagnés. En tout cas, c’est déjà mieux que ses deux compères de défense. Pour l’homme sensé être le bad cop des trois, c’est plutôt pas mal. Il faut donc croire que Giorgio mûrit.
Franc-parler et sens de l’analyse
En fait, en dehors du terrain, Giorgio a toujours été cet homme. Intelligent et réfléchi, il a notamment obtenu son diplôme de Dottore en économie, équivalent de notre Master, en juillet 2010. Et quand la Reppublica cherche à comprendre le pourquoi du comment, voilà sa réponse : « On ne dirait pas comme ça, mais nous les joueurs avons beaucoup de temps libre. Je l’ai pris comme une sorte de passe-temps, pour échapper aux pressions de football. Et puis, on ne pourra pas m’accuser de l’avoir volé puisque certains de mes profs étaient des supporters du Torino. » Bon après, le sujet de son mémoire, c’était le budget d’un club de sport, à savoir celui de la Juve, mais Giorgio a au moins le mérite de penser à autre chose qu’un ballon. Il est notamment le gérant, avec son frère, d’une entreprise d’applications pour mobiles.
Et ça se voit généralement en conférence de presse. Loin des langues de bois et autres discours ultra contrôlés, il répond du tac au tac et n’a pas peur des mots. Avant le match contre l’Espagne, il lâche un : « Nous étions des pipes, nous sommes devenus des phénomènes et nous voilà redevenus des pipes ! » Après l’exploit contre l’Espagne, il est également capable de redescendre de son nuage, d’analyser et de garder la tête froide : « On savait que ça allait être difficile. L’Espagne est très difficile à jouer, mais on a réussi à s’appuyer sur nos qualités. On a pressé très haut et on a attaqué. Ils ont dû concéder la possession de balle, qui permet d’habitude à Iniesta ou Fàbregas de trouver des espaces et on a réussi à voler le ballon. On voulait marquer en premier. Et au final, on a eu un peu de chance d’avoir ce grand homme derrière qui a fait des arrêts fantastiques. » Un plaisir pour les journalistes, notamment.
Sur un fil
Au final, rien de bien anormal. Sauf dans le milieu du foot, dans lequel il détonne parce que calme, cultivé et éloquent. Il se dit même « romantique » , parfois « timide » et « bon père et mari » . On se souvient notamment qu’il avait pris la défense d’un certain Suárez, après une fameuse morsure et la sanction qui avait été prise à son encontre : « Je n’éprouve pas de sentiment de joie, revanche ou colère contre Suárez pour un incident intervenu sur le terrain et désormais passé.(…)Je pense quand même que la solution avancée est excessive. »
#TBT At the presentation of my book « There’s an angel black&white » #Scirea http://t.co/SJu0lpFdNN pic.twitter.com/kvL7MjH61A
— Giorgio Chiellini (@chiellini) 9 avril 2015
Ou peut-être que c’est simplement l’âge qui pousse Giorgio à être un peu moins foufou sur le terrain. Avec la barre des trente balais franchie, l’expérience lui est tombée dessus, sans prévenir. La transition est longue, elle n’est pas encore tout à fait terminée, mais Giorgio ne tarderait alors pas à devenir un sage. En tout cas, la sortie de son bouquin il y a deux ans, une autobiographie de Gaetano Scirea, légende de la Juve et un modèle de fairplay, confirme cette thèse.
Par Ugo Bocchi