- CAN 2013
- Finale
- Nigeria/Burkina Faso
Docteur Charly et Mister Kaboré
Ce n’était donc pas une légende burkinabè. Peu à son avantage en terres marseillaises où il fait plus rire que jouir, Charles Kaboré brille sous les couleurs des Étalons du Burkina Faso. Meilleur passeur de la compétition et placé dans un rôle plus offensif, le milieu de terrain de 25 ans dévoile une autre facette de son jeu. Sa vraie facette ?
Charles Kaboré qui botte un corner. A Marseille, ce n’est pas un fait de jeu, c’est une vanne. Au Burkina Faso en revanche, c’est tout à fait normal. Et ce, pour la bonne et simple raison que Charles Kaboré semble valoir infiniment plus en Francs CFA qu’en euros. Moqué à Marseille et pas seulement parce que ses petites oreilles semblent épouser parfaitement les bourrasques du Mistral, le milieu de terrain des Étalons du Burkina Faso est un tout autre footballeur avec sa sélection. Qualifié pour la finale de la compétition – le genre de truc dont les supporters de l’OM rêvaient secrètement –, le joueur de 25 ans est tout simplement l’un des maillons essentiels de l’équipe de Paul Put. Utilisé différemment et en pleine confiance, Mister Kaboré le bon a pris la place du médiocre docteur Charly. Et ça fait bizarre.
« Faut pas me tester, moi, c’est Charly Kaboré »
Charles Kaboré vit dans le futur. En 2010, il prévenait les sceptiques dans la désormais célèbre chanson des Étalons : « Faut pas me tester, moi, c’est Charly Kaboré. Tu savais pas ? Allez, va te renseigner » . Depuis le temps, à Marseille, on a eu le temps de se documenter sur l’ancien joueur de Libourne, ses passes hésitantes, ses centres douteux et son aptitude à filer un match à l’adversaire, comme récemment face à Lorient. Mais à chaque fois, c’est la même rengaine : Charly est dans le groupe, Charly joue et surtout, on entend ça et là qu’il brille à l’entraînement. Foutaises ? Pas vraiment. D’abord parce que mine de rien, le joueur est à Marseille depuis 2007 et qu’il a disputé plus de 150 matchs avec l’OM. Ensuite parce que s’il ne fait pas partie de ces génies qui font de 90 minutes de football un ballet parfaitement chorégraphié, le bon Kaboré a quelques qualités. Et pas forcément celles que l’on croit. A Marseille, le bon Kaboré est besogneux, présent à la récupération et sans fioriture dans ses transmissions de balle. Au Burkina Faso, la donne est totalement différente. Peu de temps avant le début de cette CAN 2013, Charles Kaboré s’était fendu d’une déclaration surprenante, mais tellement vraie quand on la lit à l’aube de la finale de la compétition. « En France, on dit que je ne suis pas technique, au Burkina, c’est le contraire. Avec le maillot de l’équipe nationale, je ressens la confiance, c’est comme si j’étais invincible » , balançait alors Kaboré au site du Phocéen, en pleine phase de transformation en Super-Sayian.
Et maintenant ?
Car depuis le début de la compétition, Charles Kaboré est à l’image de son équipe : une belle sensation. D’abord, il y a ce chiffre : avec trois passes décisives, Kaboré est le co-meilleur passeur de la compétition. Ensuite, il y a l’influence du Marseillais dans le jeu des ouailles de Paul Put. Placé dans une position beaucoup plus offensive qu’en Ligue 1, Kaboré s’épanouit complètement en quasi-numéro dix, derrière Bancé et aux côtés du brillant Jonathan Pitroipa. Étonnamment à l’aise quand il s’agit de combiner, Charly fait également preuve d’une bonne qualité de frappe sur les coups de pied arrêtés. Bref, la folie.
Mais cette CAN pour Kaboré, c’est un peu comme les vacances de Noël pour les lycéens, quand on foire tous les contrôles avant les vacances et qu’on n’y pense pas parce que c’est de la balle, les vacances de Noël. Le problème, c’est qu’à la rentrée, ça pique. En Afrique du Sud, Charly a vu avorter un transfert vers Saragosse à quatre minutes près et vu débarquer Alaixys Romao de Lorient. Un concurrent direct au milieu du terrain que Charly a éliminé en quarts de finale, mais qui confirme bien qu’à Marseille, il n’entre pas vraiment dans la rotation d’Elie Baup. Le mercato hivernal terminé, la piste russe – où le marché se ferme le 27 février – est la dernière porte de sortie possible pour le Burkinabè. « Il est susceptible de partir » avouait José Anigo en début de semaine. « Aujourd’hui, il a la possibilité de partir si un club s’intéresse à lui. Sinon, on le gardera avec plaisir » , poursuivait le directeur sportif marseillais. Ce club russe, c’est le Kuban Krasnodar. Et franchement, quand on voit ce que Charly peut faire à la CAN, on se dit que Mister Kaboré vaut un peu mieux que ça, finalement.
Par Swann Borsellino