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Djibril Sidibé, l’éloge du sacrifice
C'est peut-être la seule surprise des listes de Didier Deschamps. Djibril Sidibé est en réserve de la République et pourrait disputer l'Euro si l'un des latéraux français se blesse d'ici le début du tournoi. Une opportunité qui doit autant à la blessure in extremis de Mathieu Debuchy qu'à l'exil côté gauche du latéral droit lillois, récompensé pour sa polyvalence.
Depuis jeudi, Djibril Sidibé a le téléphone portable qui chauffe. Famille, amis, coéquipiers ou journalistes, nombreux sont ceux qui ont cherché à joindre le Lillois et obtenir ses réactions à chaud après l’annonce de sa présence dans la liste des réservistes pour l’Euro. Pour beaucoup, il est la principale surprise de Didier Deschamps, toute relative, car elle concerne l’un des huit plans B qui, sauf blessure, seront en vacances avant le début de l’Euro. À 23 ans, le puissant latéral vit une période faste entre une fin de saison positive de Lille, une finale de Coupe de la Ligue contre le PSG où il a marqué sur coup franc, et donc cette convocation surprise. Si surprenante ? Pas forcément.
Il sort d’une saison pleine
Régulièrement pré-convoqué ces derniers mois, Sidibé savait que ses chances d’intégrer le groupe France étaient désormais plus qu’utopiques. Signe qui ne trompe pas, il n’avait pas encore réservé ses vacances, de peur de devoir annuler deux semaines de camping à Berck-sur-Mer. On le comprend, car depuis trois saisons, il progresse tant dans le temps de jeu que le niveau de ses prestations en Ligue 1. Cette année, il facture 36 matchs, 4 buts et 3 passes décisives. Mieux que Christophe Jallet et Mathieu Debuchy, mais aussi que Layvin Kurzawa, cantonné à un rôle de doublure au PSG. À y regarder de plus près, la plus grande surprise reste de voir un nouveau nom apparaître dans une hiérarchie de latéraux droits qui semblait réduite au trio Sagna-Jallet-Debuchy. Ou alors de voir le Lillois passer devant le Parisien dans le money time si Deschamps le considère comme arrière gauche. Dans l’histoire, le Franco-Malien semble récolter aujourd’hui le fruit d’un sacrifice consenti depuis bientôt trois saisons à Lille et de manière très poussée cette année : dépanner comme arrière gauche quand son poste de prédilection est à droite.
Récompensé d’avoir dépanné à gauche
Tout au long de l’année, Djibril Sidibé aurait fait une alternative crédible à Jallet et Debuchy, quand le premier était moins bien à Lyon et que le second était dans le trou à Arsenal. Sauf que le Lillois jouait à gauche, couloir totalement encombré avec Évra, Digne, Trémoulinas et Kurzawa, sans oublier le potentiel candidat Clichy. En faisant son taf sans broncher – et avec efficacité – alors que Sébastien Corchia pouvait, lui, conserver son côté droit, Sidibé a sans le savoir envoyé un message au sélectionneur : il joue là où son entraîneur a besoin de lui, pas où lui a besoin d’évoluer pour son intérêt personnel. Or, si une sélection nationale a besoin de cadres forts à des postes bien identifiés, elle a aussi besoin le temps d’une grande compétition de joueurs « versatiles » capables de couvrir deux postes à eux seuls. Un don de soi dont Sidibé récolte le salaire aujourd’hui, car Didier Deschamps a clairement pris en réserve un latéral gauche et droit. On peut même imaginer que l’idée de le prendre dans les 23, histoire de libérer une place au milieu ou en attaque, lui ait traversé l’esprit vu qu’aucun latéral français – les deux côtés confondus – n’a crevé l’écran ces dernières semaines. Plus qu’une simple convocation pour jouer les sparring partners pendant deux semaines, la présence de Djibril Sidibé doit également être vue comme une indication sur ce qu’il adviendra à l’automne prochain dans un secteur à reconstruire.
Un message pour le Mondial 2018
L’intéressé l’a d’ailleurs bien compris, comme il l’a expliqué à La Voix du Nord : « C’est une formidable expérience, et je vais apprendre beaucoup de tous ces joueurs qui jouent dans des grands clubs. Ça va être enrichissant. Ce n’est que du plus. Je suis surtout ravi qu’on ait pensé à moi, que je sois intégré à ce projet avec les Bleus. » Après l’Euro, Patrice Évra pourrait céder son côté gauche. À droite, Sagna, Jallet et Debuchy sont tous trentenaires. Layvin Kurzawa pourrait mettre tout le monde d’accord s’il s’impose au PSG, ce qui sera plus simple sans Maxwell, quand sur l’autre flanc, Djibril Sidibé a désormais une longueur d’avance sur son coéquipier lillois Sébastien Corchia, dans l’anti-chambre depuis plusieurs saisons, mais sans jamais gravir le dernier palier. Cette convocation en réserve de la République est donc bien plus qu’un rôle de bouche-trou pour Sidibé, mais plutôt la promesse d’une première sélection très prochainement. À 23 ans seulement, cela peut aussi être celle d’une grosse carrière internationale.
Par Nicolas Jucha