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Djamel Belmadi, larme des Fennecs
Impressionnante depuis le début de la CAN, l’Algérie affronte le Nigeria ce dimanche pour une place en finale, vingt-neuf ans après son seul sacre continental. À la tête des Fennecs depuis moins d'un an, le sélectionneur Djamel Belmadi a métamorphosé l'équipe et a déjà gagné son pari. Et si l’ancien numéro 10 des Fennecs était la pierre manquante à cette génération de cracks ?
Voilà bien longtemps qu’un sélectionneur n’avait pas autant fait l’unanimité auprès des supporters algériens, et ce n’est pas un hasard si Riyad Mahrez pointait récemment du doigt le vide tactique intersidéral entre la fin de l’ère Gourcuff et l’arrivée de l’ancien international Djamel Belmadi. Formé au PSG, passé par Marseille, Southampton ou Valenciennes, il avait déjà laissé sa trace dans les esprits en tant que joueur. Dans le costume de sélectionneur de l’Algérie, il est parvenu à trouver le bon équilibre et à former une équipe qui a impressionné depuis le début de la Coupe d’Afrique des nations. Si ses choix ont été plébiscités et acceptés, il le doit à une méthodologie claire. Après un quart de finale éprouvant contre la Côte d’Ivoire, c’est le Nigeria qui se présente sur la route des Fennecs. Mais pour Belmadi, la casquette de favori n’est pas pour eux. Inutile donc de crier victoire trop tôt.
Belmadi a dit
« Je suis aujourd’hui très heureux d’une chose, c’est de voir à quel point on est capables de se mobiliser, mais tout en étant bien organisés, disciplinés, et de voir une unité. » En mars dernier, Djamel Belmadi n’évoque pas son équipe, mais les manifestants qui se soulèvent contre Abdelaziz Bouteflika, prêt à briguer un cinquième mandat présidentiel. Depuis, les mots du sélectionneur algérien sont de la même teneur quand il évoque son équipe au micro de beIN : « On représente une nation avec une histoire forte. On a un glorieux passé qui est même pris par certains pays comme exemple.[…]Ce n’est pas quelque chose qui est donné à tout le monde. C’est quelque chose qui est ancré en nous, parfois même de manière inconsciente. Les idées de sacrifice et de solidarité deviennent donc essentielles, il n’y a pas de résultats et de succès sans ça. »
La grande force de Belmadi réside sans doute dans le fait qu’il soit parvenu à construire un collectif fort, autour de deux ingrédients phares : la solidarité et le sacrifice. Aussi intransigeant envers ses joueurs que son staff ou la presse, le coach ne laisse rien passer, preuve en est la sortie de route d’Haris Belkebla, exclu du groupe pour une histoire de fesses. « Celui qui ne se donnera pas à fond en sélection ne sera plus convoqué et cela quels que soient son statut et le club dans lequel il joue » , déclarait-il lors de son intronisation en août 2018. Avec lui, on ne badine donc pas avec les blagues. Ce qui ne l’empêche pas de proposer le jeu le plus alléchant de cette CAN, ni de lâcher une petite larme quand l’émotion devient trop forte.
Crackopolis
Pendant la séance de tirs au but contre la Côte d’Ivoire ce jeudi, alors que le suspense devenait insoutenable, Youcef Atal, sorti sur blessure, lâchait une petite larme d’émotion. À côté, de peur que tout un pays s’en ronge les ongles encore pendant de longs mois, Belmadi craque à son tour avant de l’évoquer en conférence d’après-match. « C’est vrai que ce fut un match à forte tension. Il y a eu beaucoup de suspense, plus cette séance de tirs au but. Youcef Atal était à mes côtés et il était en pleurs. Ça se comprend. C’est un joueur tellement généreux. Tout le monde l’adore, lui qui a beaucoup de talent et de dynamisme. Le voir souffrir et pleurer ainsi, alors qu’il avait l’épaule en vrac, on ne peut pas ne pas réagir. On est des humains quand même. »
Belmadi vit le match comme ses joueurs, qui sont bourrés de talent, d’allant et de solidarité, à l’image du jeune Atal, forfait jusqu’à la fin de la compétition. Ancien numéro dix de prestige, le sélectionneur a énormément fait progresser son groupe d’un point de vue tactique. Résultat, les planètes semblent enfin s’aligner alors qu’en début de compétition, si beaucoup l’espérait, personne ne semblait vraiment s’attendre à ce que les Fennecs deviennent favoris si tôt. Bougés par la Côte d’Ivoire au tour précédent alors qu’ils auraient pu plier le match plus tôt, ils ont montré une force mentale qui leur permet d’appréhender le Nigeria avec confiance. Sous les ordres de Djamel, la génération de Mahrez, Feghouli, Brahimi, Guedioura ou Slimani se rapproche enfin du Graal, avant une Coupe du monde 2022 qui paraît encore lointaine. Mais en cas de victoire, Belmadi aura trois ans pour verser des larmes dans une fontaine de jouvence.
Par Maxime Renaudet