- 17 novembre 2006
- Mort de Ferenc Puskás
Dix choses que vous ne saviez pas sur Ferenc Puskás
Puskás, c’était l’icône de la Hongrie surpuissante des 50s, le troisième canonnier du trio complété par Kopa et Di Stéfano au Real, et le premier vrai renard des surfaces avant Inzaghi. Au-delà du sacre olympique, de la finale perdue avec l’Équipe d’or, de son nombre de pions démentiel et de son prix couronnant le but de la saison, voici dix histoires un poil moins connues sur le regretté « Pancho ».
1. Ses funérailles de roi
Qu’est-ce qui unit le premier souverain du royaume de Hongrie sacré en l’an mil et l’empereur de la patate du gauche aux 25 mètres ? Réponse : la basilique de Budapest. Le premier lui a donné son nom (Saint-Étienne). Le second y repose, tout comme son camarade Sándor Kocsis, la « Panthère noire » des cages Gyula Grosics et l’ultime rescapé du Onze magique, Jenő Buzánsky, décédé en janvier 2015. Le dix indépassable eut droit à des adieux quasi divins avec honneurs militaires et concert de larmes. Son convoi mortuaire, escorté par des torches et des milliers de fans, a paralysé le centre de la capitale.
2. Ses magouilles fondatrices
Puskás est né Purczeld le 1er avril 1927. Père footeux d’origine souabe (germanique), mère couturière. Acte numéro un ? Il fêtait toujours son anniversaire le deux par superstition. Tricherie numéro deux ? Il intègre l’équipe adulte de Kispest à quinze balais seulement grâce à une fausse carte d’identité. Filouterie numéro trois ? Son nom changé en 1937 sur décision de Ferenc Senior, devenu entraîneur du Honvéd cinq ans plus tard. Là où « Öcsi » (petit frère) débuta chez les pros à l’automne 1943. François Fusilier (Puskás), fils de madame Arbitre (Bíró), était de facto destiné à persécuter les portiers.
3. Sa binouze fabriquée en Slovénie
La « Puskás Sör » (bière Puskás) lancée fin 2014 coûte 220 forints (0,70 euro) le demi-litre chez Tesco. Sur la canette dorée : visage, numéro mythique, autographe et slogan qui claque ( « La vraie légende » ). Mais ni la filiale magyare d’Heineken ni la marque locale Borsodi n’ont souhaité produire la boisson. Du coup, la brasserie Laško basée près de la commune slovène éponyme fabrique le précipité à 4,6 %. Goût ? Quelconque. Ventes ? Faiblardes. Un site spécialisé hongrois trouve le produit « scandaleux » et lui attribue 1,5/10. Dommage pour la fondation Puskás qui grappille un forint par exemplaire vendu.
4. Sa C1 presque gagnée comme coach
Retiré des terrains en 1965, Puskás affûte son rôle d’entraîneur à Alicante, San Francisco, Vancouver et Alavés, puis fonce en Grèce manœuvrer le Panathinaïkos. La recrue aurait réclamé une prime exceptionnelle en cas de finale de C1. Requête acceptée par les dirigeants hellènes qui pensent l’hypothèse impossible. Et l’impossible se réalise. Le Pana écarte Esch, Bratislava, Everton au but à l’extérieur, puis infligent la même punition à Belgrade grâce à une remontada folle (4-1, 0-3) et échouent au finish contre l’Ajax de Cruyff. La bravade lui a sans doute rapporté un paquet de drachmes.
5. Son expérience moisie de sélectionneur
La Fédé voulait tellement récompenser son champion toutes catégories qu’elle l’a propulsé aux commandes du « Nemzeti 11 » trois ans après son retour au bercail et la chute du communisme. L’expérience tourne court. Puskás sur le banc des A = trois défaites en quatre matchs d’avril à juin 93 dont un 0-2 d’emblée à domicile face à la Suède de Brolin où il aligne le fils de Flórián Álbert et deux revers en déplacement (Russie, 0-3 ; Islande, 0-2) comptant pour les qualifs du Mondial américain. Évincé au profit du « Magicien » Jószef Verebes, Puskás lâche le gazon pour de bon à la suite de ce plantage.
6. Son poème lèche-cul en espagnol
L’auteur de cette trouvaille est un blogueur péruvien nommé Eduardo Combe. En avant les violons. « Si Puskás jouait aujourd’hui, il évoluerait dans le meilleur Bernabéu de notre ère au lieu d’un stade en sciure. Si Puskás jouait aujourd’hui, il faudrait mettre des chimpunes(chaussures à crampons, ndlr) agréables aux couleurs et aux modèles variés plutôt que de porter des bottes horribles. Si Puskás jouait aujourd’hui, les défenseurs devraient détaler comme des lièvres à chaque coup franc sifflé et les tirs purs rentreraient faute après faute comme s’il en pleuvait. » Du calme, Duardo. Ton amour dégouline.
7. Son documentaire-promo
Pour le 70e anniv’ d’ « Öcsi » (1997), la chaîne Duna Televizio pond un film-souvenir de 46 minutes. On y voit Puskás complimenter son père défunt « même s’il était assez dur » . Répondre aux questions des poussins de Kispest bavant d’admiration devant les dribbles de leur idole toujours alerte. Serrer Sir Stanley Matthews dans ses bras à Wembley et reconstituer face caméra son « drag-back goal » entré dans l’histoire lors du monumental 6-3 encaissé par les Three Lions le 25 novembre 1953. Ou dévorer un morceau maousse de viande panée sur lequel il martyrise un citron. Les joies du marketing.
8. Sa gourmandise insatiable
Puisqu’on parle de bouffe, Puskás était un Gargantua notoire. Entre les lecsó (ratatouille hongroise mixant paprika, oignons, tomates et lard pour la recette de base) épicés qu’il partageait avec son ancien coéquipier Sándor Károly, les verres de fröccs (mélange vin/eau pétillante) qu’il enquillait à l’inverse de son copain du Honvéd József Bozsik qui ne touchait jamais à l’alcool ou les morceaux de saucisses, Monsieur se défonçait l’estomac et brûlait ses calories en épuisant les défenses adverses. Normal qu’il ait repris les dix-huit kilos transpirés pour intégrer le Real au soir de sa carrière. Voire plus.
9. Son CD d’airs populaires
Oui, Ferenc Puskás a sorti un album. Non, ce n’est pas une blague. Et en plus il chante bien, le bougre. Sur les sept miauleries mélancoliques magyares compilées, on retient « Neuf filles pour une dame » , « Le lys jaune » et « Dans le village » qu’il aurait pu entonner à l’aise chez Pascal Sevran. Le disque collector sorti en 2007 contient également quatre interviews (Grocsics, Buzánszky, le commentateur György Szepesi et l’épouse de Puskás aujourd’hui décédée) + une composition rétrospective intitulée « Mon nom était Petit Frère » . Si vous avez une dizaine d’euros à dépenser, faites fumer la MasterCard.
10. Son bar à Budapest
Situé au nord-ouest de la capitale (Bécsi út 56 au cas où), le « Puskás Pancho Sport Pub » côtoie à quatre numéros près une statue en bronze du joueur jonglant du gauche sous l’œil de gamins ébahis. Outre les retransmissions sportives, l’établissement propose dans l’assiette une sélection des plats préférés du « Major Galopant » incluant pain perdu, quesadillas et pâtes au chou hyper-bourratives. Photos, fanions et maillots agrémentent un décor résolument vintage (merci le parquet cuir de bœuf). Après l’école primaire de Kispest et la rue dans le même quartier, voici l’hommage culinaire côté Buda.
Bonus : Sa carrière « Hungaricum »
La pálinka (eau de vie), le goulasch, les vins blancs de Tokaj et le rouge « Sang de Taureau » d’Eger, le gâteau-éponge somlói galuska, la tarte Dobos chocolat-caramel-noisettes, le salami d’hiver de Szeged, la saucisse de Gyula, la liqueur Unicum, les oignons de Makó, l’opérette locale, le village médiéval de Hóllókő, la porcelaine de Herend, la poterie de Mézőtúr, le chien-serpillière Puli et la vie de Puskás. Toutes ces richesses trustent la liste « Hungaricum » . Une sorte de Label rouge danubien avec un soupçon d’Unesco pour la culture. Preuve que le parcours dudit Ferenc mérite le statut d’œuvre d’art.
Par Joël Le Pavous