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Divorce d’Achraf Hakimi : une histoire de fake news et de misogynie
Achraf Hakimi aurait-il réussi à ne pas payer la moindre somme à Hiba Abouk, son ex-femme avec qui il est en instance de divorce ? Au-delà d'attiser les délires de masculinistes trop heureux de lire qu'une femme ayant partagé la vie d'un homme peut se retrouver bredouille après trois ans de mariage, il s'agit tout simplement d'une fake news.
Jeudi dernier, le compte du média ivoirien First Mag affirmait sur Twitter que « la femme du joueur Achraf Hakimi avait demandé le divorce et voulait plus de la moitié des biens et de la fortune du footballeur marocain. […] Mais arrivée au tribunal, elle s’est rendu compte qu’Achraf Hakimi n’avait aucun bien et que la banque n’en avait pas non plus. » Le défenseur du PSG aurait « mis toute sa fortune sous le nom de sa mère il y a longtemps », empêchant ainsi son ex-femme Hiba Abouk d’obtenir « le jackpot ». Un tweet qui, au-delà d’être clairement teinté de sexisme, laisse entendre qu’un des deux époux pourrait s’en tirer sans filer le moindre denier à celui ou celle avec qui il a partagé sa vie. Si ça fait rêver les masculinistes, c’est tout simplement impossible. Et maître Tiphaine Mary, avocate en droit de la famille et en droit des successions exerçant dans le 17e arrondissement à Paris, explique pourquoi.
Contrat de mariage et fake surprise
Petit retour en arrière avant le fact checking : le couple Achraf Hakimi-Hiba Abouk s’est marié en 2020 « en secret », comme le raconte son ex-femme dans une interview pour le magazine espagnol Hola! avant la naissance de leur premier enfant – Amin Hakimi étant né le 11 février 2020. Aujourd’hui encore, on ne connaît pas le lieu de leur mariage, mais on peut supposer qu’étant tous les deux espagnols et nés à Madrid, ils se soient mariés sur les terres de Cervantes. Reste que trois ans plus tard, l’heure est à la fin de l’idylle et au divorce des deux époux. Une décision qui remonterait à quelques mois déjà, le joueur du PSG s’étant pointé en solitaire sur le tapis rouge du Ballon d’or le 17 octobre dernier. Un fait confirmé depuis par sa femme via ses réseaux sociaux. Si la fake news circulant sur Twitter ne dit rien du lieu où aurait été prononcé le divorce, il est fort probable que la vraie procédure, aujourd’hui toujours en cours, ait lieu en France, Achraf Hakimi et Hiba Abouk résidant tous les deux à Boulogne Billancourt depuis le transfert de l’international marocain au PSG le 6 juillet 2021. La loi applicable pourrait donc être la loi française ou espagnole. Dans les deux cas, le régime matrimonial, celui qui régit les mariages et donc les divorces, est semblable. Et dans les deux cas, l’histoire racontée dans ce tweet rédigé par ce fameux média payant Twitter Blue pour paraître plus légitime ne tient pas la route.
🔴 La femme du joueur Achraf Hakimi a demandé le divorce et voulait plus de la moitié des biens et de la fortune du footballeur mar0cain. Il est l'un des joueur les mieux payés de la ligue 1, il touche plus d'un million d'euros par mois
L'ex épouse donc aurait eu le jackpot ..… pic.twitter.com/pOAdNx9Co1
— First Mag🗞️🚩 (@FirstMagLeVrai) April 13, 2023
Premier point, le tweet laisse entendre que les époux Hakimi se seraient mariés sous le régime matrimonial de la communauté des biens : « La femme du joueur Achraf Hakimi a demandé le divorce et voulait plus de la moitié des biens et de la fortune du footballeur marocain. » Ce qui signifie que tout ce qui est acquis (revenus, biens, dettes) pendant le mariage est divisé entre les deux au moment du divorce. Une option peu probable au regard de la situation du couple, l’un étant footballeur avec des revenus estimés à plus de 12 millions d’euros par an, quand l’autre est une actrice dont la fortune est estimée à plusieurs millions d’euros, pour maître Tiphaine Mary : « En général, quand on a des carrières comme ça et qu’on gagne autant d’argent, on fait un contrat de séparation de biens. Et dans ce cas-là, il n’aurait aucun intérêt à mettre ses biens au nom de sa mère, puisque son épouse n’aurait de toute façon aucun droit sur les biens acquis par lui seul. » Un contrat de séparation des biens veut que chaque époux soit propriétaire des biens qu’il a acquis avant le mariage et des biens qu’il acquiert séparément pendant le mariage. Ce contrat de mariage est signé devant un notaire, avec l’accord des deux parties et avant la noce. En cas de changement de régime en cours de route, cela doit aussi se faire en concertation. En résumé, il est impossible que Madame Hakimi ait pu découvrir qu’elle n’avait pas le droit à 50% de leur patrimoine commun, pour la simple et bonne raison que les deux époux connaissaient forcément leur régime matrimonial. Et Monsieur Hakimi n’avait donc pas besoin de dissimuler sa fortune au nom de sa mère, puisque sa femme n’y aurait pas le droit.
Un « tout pour la daronne » digne d’une stratégie Winamax
Admettons même qu’ils n’aient pas signé de contrat de mariage et que par défaut, la communauté des biens s’applique. Achraf Hakimi ne peut pour autant pas s’en tirer en donnant tout à sa mère pour n’avoir rien sous son propre nom. « Les juges français pourraient considérer qu’il organise son insolvabilité et ça n’aurait pas d’incidence au moment du partage des biens », explique l’avocate. D’autant que dans ce cas, le joueur aurait été obligé d’avoir l’accord de sa femme afin de faire des donations à sa mère, surtout vu les montants évoqués. Et si jamais il avait envoyé les sous en douce sur le compte de sa mère sans en informer sa femme, Hiba Abouk pourrait demander qu’ils soient remis dans le partage au moment du divorce. Ou alors qu’ils soient écrits sous forme de dette d’Achraf Hakimi envers elle. Ces donations sont d’ailleurs lourdement taxées par l’État. S’il permet un abattement fiscal de 100 000 euros tous les 15 ans, le surplus sera taxé en fonction de la somme, à savoir entre 30 et 45% pour un don allant de 552 324 euros à plus d’1,8 million. Pas franchement avantageux. Des transferts d’argent qui ne permettraient même pas au Marocain d’échapper à ses obligations, à savoir verser un droit de secours pendant le divorce et une prestation compensatoire après. Le devoir de secours est une pension alimentaire que celui qui a le plus de revenus verse à l’autre pour maintenir un niveau de vie équivalent à celui qui était le sien avant le début de la procédure de divorce. Il est calculé en fonction des revenus de l’époux qui le verse et des besoins de l’autre. Les salaires étant versés uniquement à l’employé en France, les transférer à sa mère ne changerait pas les comptes.
Dernier élément, dans le cas du versement d’une prestation compensatoire, qui compenserait la différence de niveau de vie après que le divorce est prononcé, le juge devrait aussi prendre en compte les sommes filées à sa mère puisqu’il estimerait que le joueur organise le fait d’avoir des revenus moins élevés. Selon Tiphaine Mary, la prestation compensatoire versée par Achraf Hakimi à Hiba Abouk ne devrait dans tous les cas pas être élevée puisque les deux ex-tourtereaux n’ont été mariés que pendant trois ans : « Autrement, il faudrait qu’elle démontre qu’elle a mis sa carrière d’actrice entre parenthèses pour s’occuper des enfants. » L’avocate en droit de la famille tique aussi sur un autre point : « Il est écrit partout qu’elle l’aurait appris devant le juge, ce qui renforce l’aspect fake news, parce qu’une procédure de divorce, c’est contradictoire. On doit se communiquer toutes les pièces avant l’audience de plaidoirie. On n’arrive pas le jour de l’audience avec tout un tas de donations pour lui dire : “Tu n’as le droit à rien.” Donc elle l’aurait su avant. »
« En résumé, cette fake news n’a pas de sens à plusieurs égards : 1. ils ont très probablement un contrat de mariage et donc il n’y a pas besoin de dissimuler sa fortune au nom de sa mère puisque sa femme n’y aurait pas le droit. 2. au niveau de la prestation compensatoire, ça n’a aucun intérêt non plus puisqu’à partir du moment où le juge sait ça, il réintègre les sommes et le patrimoine donnés à sa mère. 3. en matière de devoir de secours, ça ne se justifie pas non plus parce que ce sont ses revenus qui vont être pris en compte. » Accusé d’avoir été infidèle, Achraf Hakimi pourrait même payer des dommages et intérêts à son ex-femme dans le cadre de la procédure de divorce. Son accusation de viol ne peut pour l’heure pas rentrer dans le dossier, le latéral du PSG étant toujours présumé innocent. Reste aussi la question de la pension alimentaire pour les deux enfants nés de leur union, mais ça, c’est une autre histoire. Conclusion : ne vous mariez pas, c’est trop compliqué.
Par Anna Carreau
Propos de Tiphaine Mary recueillis par AEC.