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Dites au revoir à la Reggina
Pensionnaire régulier de la Serie A durant les années 2000, le plus important club calabrais file vers la quatrième division italienne, ce qui signifierait l'abandon du statut professionnel et un retour 60 ans en arrière.
C’est toujours une petite mort pour un club professionnel que de finir dans la première division des amateurs. Peut-être encore plus si cela se fait naturellement et sans la désormais traditionnelle faillite qui vous débarrasse de toutes les dettes accumulées. Dans le cas de la Reggina, le verdict est difficile à digérer puisque le club calabrais fréquentait le football pro depuis 59 saisons consécutives. Après une victoire contre Pescara en barrages, elle avait alors quitté celle que l’on appelait la Quarta Serie, ancêtre de la Serie D, qu’elle retrouvera fort probablement d’ici quelques mois. Si cette équipe n’a jamais atteint de véritables sommets, elle a longtemps fait partie des meubles du football italien lors de la dernière décennie.
Destination Calabria
En mai dernier, le rapport Svimez faisait de la Calabre la région la plus pauvre d’Italie. C’est que bien souvent, le Calabrais est contraint de quitter les oignons rouges, la ‘Nduja et le piment pour s’exiler vers d’autres cieux. À l’étranger ou dans le Nord de l’Italie. À tel point que le club le plus supporté – et de loin – est la Juventus grâce aux milliers de Calabrais venus travailler dans les usines FIAT. Un proverbe douteux déclare d’ailleurs : « Juve in traferta, Calabria deserta » soit « Juve en déplacement, Calabre déserte » . Les habitants de la pointe de la Botte ont dû attendre 1971 pour voir une équipe locale disputer une édition de la Serie A. Il s’agissait alors du chef-lieu administratif Catanzaro, qui y reste en tout sept saisons sur une période de douze ans. À noter, deux septièmes places au début des 80’s avec un certain Claudio Ranieri capitaine.
Le tour de la Reggina viendra beaucoup plus tard, en 1999, et après des années à végéter entre Serie B, C1 et C2. Ironie du sort, le premier match de son histoire en Serie A a lieu chez la Juventus pour un « derby » terminé sur le score de 1-1. Une saison qui se passe sans encombre avec un certain Andrea Pirlo aux commandes. En revanche, le retour à l’échelon inférieur est acté dès la saison suivante avec une défaite en barrages contre le Hellas. Mais la remontée est immédiate, et cette fois, les Calabrais enchaînent sept saisons consécutives, devenant un classique de la Serie A. Ça ne va certes pas plus haut que la 10e place, mais il n’est jamais facile de se déplacer dans l’antre du Granillo. On retient, en vrac, les buteurs Nick Amoruso et Emiliano Bonazzoli, les numéros 10 Ciccio Cozza et Shunsuke Nakamura, mais surtout la saison 2006-07. Pénalisés de onze points suite à l’affaire Calciopoli, les hommes d’un certain Walter Mazzarri réussissent l’exploit de se maintenir grâce notamment au duo Bianchi-Amoruso (18 et 17 buts). Sans cette sanction, ils auraient même fini 8es, aux portes de l’Europe.
La lente agonie avec les fidèles à son chevet
Ce sont donc neuf saisons en Serie A qui en font le club calabrais le plus présent à ce niveau. La Reggina dit adieu à l’élite en 2009 et ne la reverra pas de sitôt. Pourtant, de gros investissements sont faits pour remonter, mais ils mettront les finances dans le rouge selon le propriétaire Lillo Foti lui-même. Ce dernier perpétue la tradition des présidents folkloriques italiens. Natif de Reggio Calabre, en poste depuis 25 ans, il est capable du meilleur comme du pire. Emmener le club vers les sommets comme le faire couler avec lui. Pas le choix, il faut faire avec. Après cinq saisons en Serie B et une seule participation aux play-offs pour la montée, la Reggina tombe ainsi au 3e niveau l’été dernier. Tout ça l’année du centenaire. Elle lègue donc à Crotone le rôle de porte-drapeau du foot calabrais. De retour dès 2013, l’attaquant David Di Michele tente de sortir le club de cette situation. En vain. Il a même été rejoint cette saison par le gardien Belardi et les défenseurs Cirillo et Aronica. Tous sont proches des 40 ans et ont été protagonistes avec les Amaranti en Serie A.
Toutefois, ces gestes d’amour ne changeront rien au destin de la Reggina, ni la récente promotion de Giacomo Tedesco (autre ancien de la maison) au poste d’entraîneur principal. On ne peut rien contre la mauvaise gestion d’un club qui a débouché sur un total record de 16 points de pénalité. Il n’en reste plus que 11 au compteur, soit 14 de moins que l’avant-dernier. À trois journées de la fin, la relégation est donc mathématique. En appel, les dirigeants espèrent grappiller quelques unités, mais cela pourrait être inutile. En effet, les Hongrois de Ferencváros ont porté plainte auprès de la FIFA concernant une indemnité de transfert non payée il y a quelques années pour le portier Adam Kovácsik, et six autres points de pénalité pourraient être infligés. Cette fois, pas de miracle comme il y a huit ans, on se demande même si le club va finir la saison dans le positif. Et en Serie D, la Reggina est attendue par l’HinterReggio, l’autre club de la ville, pour un derby inédit. Il faudra donc reconquérir Reggio de Calabre avant de penser à reprendre le flambeau de la région.
Par Valentin Pauluzzi