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« Dirty »Terry, une dernière danse pour l’honneur ?
Contrarié par un corps vieillissant et moins influent en dehors des terrains la saison dernière avec Chelsea, John Terry se destinait impuissant à rendre les armes. C’était sans compter sur le retour de José Mourinho, qui a remis en selle le défenseur anglais de 33 ans. Autrefois adulé, le capitaine des Blues s’évertue aujourd’hui à retrouver son statut d’idole, écorné à mesure des déboires accumulés au fil des ans. Pas gagné.
C’est déjà un miracle, tant l’on pensait que cela ne se produirait jamais. Et pourtant. Dernièrement, le nom de John Terry a été évoqué avec insistance en Angleterre. Et pas en mal, pas pour une histoire de fesses, ni pour une énième incartade ou un coup fourré dont lui seul a le secret. Non, pour un retour improbable en sélection nationale, qu’il avait quittée avec fracas définitivement en septembre 2012 sur fond d’affaire raciste. Un désir partagé par la presse, une kyrielle de consultants et, aussi, une partie du peuple anglais qui émane du manque d’expérience de la charnière centrale des Three Lions composée de Gary Cahill et Phil Jagielka. Mais le sélectionneur, Roy Hodgson, a rapidement éteint tout suspense mi-février : « John a pris sa retraite. En ce qui me concerne, le débat est clos. Nous avons pu compter sur lui pour presque tous les matchs de qualification pour la Coupe du monde et certains matchs amicaux. Mais nous devrons nous passer de lui à l’avenir. La retraite est la retraite. Et vous devez respecter cela lorsque les joueurs prennent cette décision. Nous allons vers l’avant. »
L’ex-international (78 sélections, 6 buts) ne s’envolera donc pas au Brésil pour disputer une troisième Coupe du monde. Ce qui ne constitue pas, en soi, une réelle surprise. L’essentiel est ailleurs. Le revoir cité parmi les meilleurs défenseurs de Premier League représente déjà une récompense inespérée. Chahuté, tancé, pestiféré, plus au niveau, Terry semblait, la saison dernière, se diriger vers un déclin inexorable. Mais c’est trop vite oublier que la plus grande catin du football anglais a toujours su refaire surface. Toujours. « Il a connu un certain nombre de problèmes dans sa carrière, avec notamment des blessures et des problèmes dans sa vie privée. Il a toujours su refaire surface, c’est un vrai battant. Il a gardé cette insouciance qu’il avait quand il était à nos côtés. C’est ce qui fait qu’il ne se pose pas de questions. Il est toujours sur l’instant présent. Le passé, il l’oublie, ça ne le perturbe pas. Il n’y a que le présent qui compte » , confie à son sujet Marcel Desailly, qui a côtoyé le bonhomme à ses débuts à Chelsea (1998-2004).
Benítez enterre Captain Marvell
Après tout, « Dirty » Terry en a tellement vécu. À tellement entendu de « John Terry is shagging your wife ! » aux quatre coins de l’Angleterre. En quelques années, il est devenu le sale type aux casseroles innombrables. Coucher avec la femme de son meilleur ami, se retrouver impliqué dans des rixes après avoir trop abusé de la bouteille, insulter le frère de son équipier en sélection de « fucking black cunt » , le défenseur a fait tous les coups vicelards possibles et imaginables. Des déboires qui ne faisaient pas vaciller son statut à Chelsea, là où il a toujours été perçu comme un capitaine emblématique, exemplaire, fidèle, presque infaillible. Jusqu’à la saison dernière et la venue de Rafael Benítez à Londres, en novembre 2012. Sous l’égide de l’Espagnol, on a bien cru que celui qu’on surnommait un temps Captain Marvell ne sévirait plus sur les près britanniques.
Trop vieux, trop blessé, plus aussi régulier qu’auparavant, l’Anglais perd brusquement son statut d’intouchable, déjà ébranlé lors du passage d’André Villas-Boas. « Avec son âge, il a plus d’expérience et de vision du jeu, mais il y a des joueurs qui sont plus rapides et plus forts, avait lâché l’ex-coach de Liverpool. Il peut faire de très bons matchs mais il ne peut pas enchaîner deux rencontres dans la semaine, surtout qu’il y a de la concurrence. » La messe est dite. Mais, vexé par cette sortie, Terry affirmera pas la suite avoir encore la condition physique pour enchaîner les rencontres. Ce que son corps défaillant contredira, l’empêchant de disputer la finale de l’Europa League remportée par les Blues, un an après avoir manqué celle de la Champions League pour suspension. Cette déchéance à la fois brutale et soudaine, l’idole de Stamford Bridge l’a vécue en interne comme un véritable affront. « Tous les scandales, conjugués à son vieillissement et à la baisse de son niveau, l’ont mis dans une posture très difficile. Il n’a plus la même influence qu’avant, accablait un salarié du club londonien, en mai dernier, dans le n°106 de So Foot. Il le sait et réagit en adolescent. Il multiplie les coups d’éclat en interne. Il pique des colères contre l’intendant. Il s’énerve à l’entraînement parce qu’il n’a plus la bonne chasuble ou la bonne boisson… Mais plus personne ne fait attention. On ne l’écoute plus. Pendant un temps, les autres joueurs, plus jeunes et nouveaux au club, Ramires, Daviz Luiz, Mata ont pu être intimidés par lui. Mais ça y est, c’est terminé, ils ont pris le pouvoir. L’ère Terry est vraiment terminée… » Cela en avait tout l’air. Mais chaque artiste, aussi incompris soit-il, n’a-t-il pas droit à sa tournée d’adieu ?
Mourinho ressuscite l’idole
Ironie de l’histoire, le capitaine des Blues doit en grande partie son come-back au premier plan à José Mourinho… Un homme dont beaucoup s’accordent à dire qu’il l’a poussé vers la sortie en 2007, année du départ du technicien portugais. Depuis le retour en grande pompe du « Special One » sur les bords de la Tamise, John Terry semble avoir retrouvé une seconde jeunesse. « Dans la mesure où le coach l’aligne régulièrement, c’est la preuve qu’il a une efficacité intéressante au niveau défensif, constate Christophe Lollichon, entraîneurs des gardiens à Chelsea depuis sept saisons. C’est quelqu’un qui est très professionnel et qui a, aujourd’hui, retrouvé confiance. L’arrivée de José Mourinho le lui en a redonnée notamment beaucoup. » Un renouveau qui bénéficie pleinement à son club formateur, leader de la Premier League et qui, surtout, affiche la défense la plus hermétique (21 buts concédés). La consistance, l’assise défensive ont toujours constitué l’un des leitmotivs du Mou. Et si Rafael Benítez préférait s’appuyer sur Cahill ou Luiz, l’ex-entraîneur du Real Madrid ne pouvait se résoudre, lui, à se passer de l’icône blue.
Moins véloce, Terry brille dorénavant par la qualité de son placement et sa faculté à couvrir son partenaire. Dans l’équilibre façonné par Mourinho, qui souhaite voir sa défense évoluer bas, le défenseur de 33 piges fait merveille. « Je pense que ce lui demande José Mourinho correspond aujourd’hui à ce qu’est capable de faire John. On ne défend pas très très haut et cela lui convient parfaitement, poursuit Lollichon. Dans cette animation-là, c’est vrai qu’il se sent à l’aise. John est un défenseur au plus haut niveau depuis une douzaine d’années maintenant. Il gère les compétitions, il a appris à se connaître. Les années passant, il a appris à modifier un petit peu son jeu pour jouer sur ses qualités principales et éviter de se retrouver dans des situations où il pourrait se retrouver en difficulté. » Au-delà de l’impact de Mourinho, Marcel Desailly avance, lui, que le retour au premier plan de son ancien coéquipier découle avant tout de son indéfectible ténacité. « C’est un leader né, qui a toujours eu cette autorité naturelle, loue-t-il. Il donne son maximum et a gardé cette envie d’aller chercher la gagne. Peu importe Mourinho, Benítez ou qui que ce soit, il a prouvé qu’il avait les ressources pour à chaque fois revenir compétitif et montrer qu’il restait au niveau. C’est une vraie force de caractère. » Comme pour rappeler, aussi, que la banderole « John Terry’s Blue Army Chelsea » accrochée en permanence à Stamford Bridge n’a rien d’une usurpation. En fin de contrat en juin prochain, l’avenir du capitaine demeure toujours dans l’expectative, certainement suspendu à la décision de Mourinho. En attendant, il savoure les réjouissances du présent, pour ce qui s’apparente grandement à un baroud d’honneur. Retrouver un semblant d’honneur, c’est justement peut-être après cela que court « Dirty » Terry.
Par Romain Duchâteau