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Dirty Clasico, 20 ans après…
Décembre 1992. Le PSG nouvelle version (lire Canal Plus) affronte un OM qui va finir la saison champion d'Europe. Le Parc des Princes s'attend à une fête. Il n'en sera rien. Ce match – remporté par l'OM sur un but de Bokšić – reste comme l'acte de naissance de la haine sportive entre les deux clubs. Pendant 90 minutes, les vingt-deux acteurs vont s'envoyer des coups, des insultes et des regards noirs. Une véritable boucherie (plus de cinquante fautes sifflées). Notamment la première mi-temps. 45 minutes de n'importe quoi.
« Psychologiquement, c’est le match le plus éprouvant de ma carrière. » La confession est signée Patrick Colleter. Un homme. Un vrai. Ce soir de décembre 1992, le gaucher est titulaire sur l’aile de la défense parisienne. En théorie, il est paré pour envoyer du bois. « Ce n’est pas un bon souvenir alors que j’adorais jouer les matchs comme ça, opine-t-il. Je n’ai aucun souvenir football de ce match. Je ne sais même plus qui marque ni comment et encore moins à quel moment. J’ai passé mon match à gueuler, à invectiver, à séparer les mecs, à me bagarrer quoi. C’était hallucinant. » Pour le score et le but, c’est Alen Bokšić. Mais c’est un détail. Car les Parisiens ont sûrement perdu le match avant même de le jouer. Durant la semaine, Artur Jorge et David Ginola avec son célèbre « On va leur marcher dessus » invectivent les Marseillais dans la presse. Les mots sont aussi violents que les intentions. Sauf que 800 kilomètres plus au sud, tout l’OM se délecte de ses provocations. Jocelyn Angloma le premier, lui, l’ancien Parisien et latéral droit marseillais pour ce clasico de 1992. « La semaine précédente, le match a été difficile. On a lu des propos assez durs dans la presse, notamment de joueurs du PSG. Forcément, ça motive encore plus. Ça a renforcé notre mental même si on savait qu’on avait une équipe capable de répondre sur le terrain. Que ce soit physiquement ou techniquement, étaye-t-il. David Ginola, c’était la classe comme joueur. Ce n’était pas son style de faire monter les enchères dans la presse. Nous, on avait du répondant avec les Boli, Casoni, Di Méco. J’étais le gentil dans tout ça (rires). On avait l’impression qu’ils cherchaient à se rassurer. »
Ce n’est pas totalement faux. Les Parisiens ont voulu faire les beaux et se sont amusés à titiller le grand de la cité. Mauvaise idée. « On a essayé de les contrarier, mais le problème, c’est que nous n’avons pas joué notre jeu, se souvient Colleter. Durant la semaine, la pression était montée petit à petit. Par les médias, les supporters, les déclarations de certains joueurs. On sentait que ça allait être chaud. J’ai le souvenir d’un match très viril, sans doute le plus violent de ma carrière. Pourtant, quand je suis dans mon match, je ne me rends pas compte du triste spectacle que l’on propose. Avec le recul, on n’est pas très fier. Ce match a été d’une violence assez impressionnante. On n’avait pas une équipe capable d’aller à la guerre comme ça. On a joué contre nature. Sur ce domaine d’emprise psychologique, ils étaient plus armés que nous. Chez nous, Lolo Fournier et moi aimions bien les matchs comme ça. Mais pas tout le monde. » C’est un peu l’histoire du chien qui se mord la queue…
« Le contrat sur Ginola ? Un mythe »
« J’ai en tête un match haché durant lequel je n’ai pris aucun plaisir, balance Jocelyn Angloma. On n’a pas pu jouer au ballon. C’était engagé. Trop même. C’est dommage que le match n’ait pas été à la hauteur, car il y avait du beau monde sur la pelouse, mais la suprématie était en jeu. L’OM était quasiment au sommet et le PSG venait d’être repris par Canal Plus et voulait tout gagner. » Un match fait pour pérenniser des légendes. Cette histoire de Bernard Tapie qui accroche les articles de journaux dans le vestiaire avant le match ? « Une légende urbaine » , confesse Angloma. « Un contrat sur David Ginola, notamment de la part d’Eric Di Méco ? Un mythe. Éric jouait comme ça. Il était dur. » Encore du Angloma. Pourtant, le latéral droit, réputé bon esprit, est passé du côté obscur durant cette rencontre. « Il y avait une telle ambiance que je me suis surpris à être méchant. Même Bernard Lama, qui était pourtant un ami, m’a pourri parce qu’il ne me reconnaissait pas. Mais je défendais mon club, c’est tout. On se devait de se faire respecter. »
Bizarrement, la ligne jaune ne sera jamais franchie. Pas de bagarre générale. Pas de rancœur pour la suite – notamment en équipe de France. Juste un match particulier joué dans une ambiance particulière. « Ce soir-là, on n’a pas joué notre football. On faisait un blocage psychologique par rapport à l’OM. On sentait qu’on n’était pas loin, mais il nous manquait quelque chose. Peut-être un peu de vice » , soupire, vingt ans plus tard, Colleter. Pourtant le latéral gauche du PSG a joué son match. Et pas qu’un peu. « Avec Colleter, on s’est bien chauffé car il était de mon côté. Il y a eu beaucoup de mots… » , lâche Angloma un brin dépité par la tournure du match. « Je dois avouer que je ne m’attendais pas à un match aussi compliqué. Il y avait de l’engagement, des regards, de la tension. C’était choquant, alors que j’ai quand même disputé des derbys avec le Torino et l’Inter. Là, c’était autre chose. C’est dommage, car j’aimais ce genre de match. On avait tous un peu la pression. Chacun jouait en équipe de France – où ça se passait bien d’ailleurs – et personne ne voulait laisser sa place. Ce match, c’était le moyen de se montrer. » On a vu. Des bouchers. À l’ancienne. C’était le bon vieux temps.
La première mi-temps :
Par Mathieu Faure